Consommer, c’est divertir de plus en plus
La banalité de la consommation ordinaire est rhabillée de façon extraordinaire. Grâce à la mise en scène et à la stimulation de l’ensemble des sens, consommer devient une occasion de divertissement, voire de réalisation de soi.
Ce glissement de la satisfaction de ses besoins primaires (par des achats simples et ordinaires) à l’expérience extraordinaire de la consommation est le propre du marketing de l’expérience (1). La consommation vise aujourd’hui à combler les attentes hédonistes et émotionnelles des consommateurs. Le succès de cette offre de consommation est dû à la peur de l’ennui, à la recherche de moments intenses sans discontinuité. L’ordinaire ne suffit plus. Les moments creux paraissent vides de sens. Les produits ou les moments de compensation deviennent des besoins. Le simulacre paraît plus intense que la vie réelle. Vivre quelque chose d’important et de nouveau chaque jour et “à la demande” est rendu possible par la consommation.
Ainsi, grâce à la création de lieux uniques (par exemple les boutiques à thèmes comme Nespresso, L’Occitane, Paul), le consommateur peut faire l’expérience de produits sans que la concurrence ne vienne brouiller son choix. Les décors y sont surprenants. Les vendeurs participent au jeu, entretiennent le rêve, guident le consommateur dans un monde sans stress, cohérent, harmonieux.
Laisser le consommateur reprendre la main
Les parcs à thèmes vont encore plus loin dans le marketing d’expérience, tel Eurodisney qui s’est repositionné en ne proposant plus des produits (les attractions) mais du rêve. « En étant sur le territoire des rêves, nous sortons du registre du parc à thèmes. Là où le rêve devient réalité, c’est la raison d’être de Disneyland. » (2). La promesse d’enrichissement personnel (pour l’enfant qui vit le mythe Disney “en vrai”, pour la famille tout entière qui vit un moment d’harmonie…) a remplacé la “banale” promesse de divertissement. Sur place, afin que tout soit parfait, tout est réalisé pour profiter au mieux de l’expérience (par des conseils donnés pour rendre moins complexe l’organisation de la visite par exemple). Et plus tard, les souvenirs (produits dérivés) permettront de garder intacte l’émotion.
Tous les consommateurs ne sont pas sensibles à ces offres, voire se détournent de ce qui leur apparaît comme “préemballé”. Aussi de plus en plus d’entreprises de distribution ou de loisirs proposent de nouvelles formes d’expérience autorisant le consommateur à “reprendre la main”. Rendre possible le détournement d’usage, la costumisation, l’exercice du libre-arbitre, revaloriser l’ordinaire sont de nouvelles pistes pour ré-enchanter la consommation. Le succès des salons, des magasins où l’on propose des produits au thème du “faire soi-même” en témoigne.
(1) Coca & Cova, l’hyper consommateur entre immersion et sécession, in l’individu hypermoderne, Eres 2004.
(2) Frédéric Banon, vice-président Communication, Disneyland Resort Paris.