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Banane
Flambée des coûts : Comment le commerce équitable limite les dégâts pour les petits producteurs

Crise Covid, flambée des coûts, guerre en Ukraine… Le contexte mondial est défavorable pour la banane et complique plus que jamais le quotidien des petits producteurs du Pérou. Une délégation de représentants de petites coopératives de bananes du Pérou a témoigné pour FLD et illustrer comment le fait d’être bio et commerce équitable les aident pour continuer à produire et conserver des marchés et vivre dignement.

Production de bananes au Pérou.
© Fairtrade Max Havelaar

A l’occasion du salon Fruit Logistica, une délégation de représentants de petites coopératives de bananes du Pérou, affiliés au CLAC (réseau latino-américain et caribéen des petits producteurs et travailleurs du commerce équitable), a été à la rencontre des clients européens, en Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Italie et France afin de faire entendre la voie de ces micro-producteurs péruviens, dans un contexte international très compliqué. Prévoyant de se rendre à Rungis le 15 avril, ils ont accordé une interview à FLD la veille, le 14 avril.

Les représentants producteurs du Pérou :

Carlos Ruiz, partenaire producteur et président de la Junta Nacional del Banano de Perú (Office National de la Banane du Pérou) ;

Miguel Borrero, gérant de la coopérative agricole APPBOSMAN ;

José Palomino, partenaire producteur et président de la coopérative agricole APPBOSA.

 

Qu’est-ce que le CLAC ? Le CLAC, réseau latino-américain et caribéen des petits producteurs et travailleurs du commerce équitable, représente toutes les organisations certifiées Fairtrade en Amérique latine et dans les Caraïbes, ainsi que d'autres organisations de commerce équitable. Sa mission est de représenter et de promouvoir les intérêts, l'autonomisation et le développement de ses membres et des communautés.

 

FLD : Dans des conditions de pandémie, les petits producteurs ont-ils pu continuer à produire ? Le commerce équitable a-t-il pu vous soutenir ?

Carlos Ruiz et Miguel Borrero : La conjoncture internationale a et continue d’impacter les petits producteurs que nous sommes. Tout d’abord avec la pandémie de la Covid-19, qui a causé de nombreux décès parmi les producteurs et leurs communautés. Grâce au commerce équitable, nous avons pu acheter des tests rapides Covid pour tester 100 % des travailleurs. Malgré cela, il y a eu beaucoup de contagions et des décès, par manque d’accès aux soins, aux hôpitaux, et pas d’oxygène dans les hôpitaux de régions isolées…

FLD : Et quelles conséquences a eu la crise de la Covid-19 économiquement et sur le commerce ?

Carlos Ruiz et Miguel Borrero : Les coûts de production ont augmenté, directement à cause du Covid mais aussi indirectement. On estime en moyenne que l’achat de masques, de gel, de matériel de protection… a couté 100 $/an à chaque producteur. Le commerce équitable a été important par son appui aux coopératives dans la mise en place des protocoles sanitaires. Les conséquences ont aussi été indirectes, par la baisse en consommation et donc des volumes commercialisés, car tout était fermé [RHD]. Des marchés ont été perdus. Par exemple, en Italie, les bananes de petits calibres étaient destinées aux écoles, pour les enfants. Avec le Covid, les écoles étaient fermées et donc nos débouchés aussi. On a aussi vu des baisses de commandes des clients qui disent devoir faire face à moins de consommation.

FLD : Aujourd’hui, c’est la flambée des coûts et la guerre qui inquiètent davantage ?

Miguel Borrero : Par-dessus ce contexte difficile est venue s’ajouter la guerre en Ukraine, qui a fait exploser le coût des intrants (fois trois !). On observe aussi une flambée des coûts logistiques et de transport maritime, des emballages. Dans la même période au Pérou, il y a eu une hausse du salaire minimale. Selon une étude de la filière, la répercussion de toutes ces hausses de coût est de +0,80 $/colis pour le producteur.

Lire aussi : La guerre en Ukraine inquiète les producteurs africains de bananes

FLD : L’Ukraine était un fournisseur d’intrants important pour vous ? Comment compenser cette hausse des engrais ?

Miguel Borrero : L’Ukraine est un gros exportateur d’intrants, mais d’intrants chimiques. Nous, nous achetons des bio-engrais. Mais par effet domino, ce sont tous les intrants qui ont subi une hausse des coûts. Nous avons recours à du compost maison, mais ce n’est pas suffisant. Dès que l’on baisse la quantité de biofertilisants à l’hectare, la productivité baisse.

Nos coopératives sont engagées dans un programme Banane Equitable et Durable, cofinancé par l’AFD (Agence Française de Développement), Max Havelaar et Carrefour notamment et dont en bénéficient entre autres les coopératives du Pérou et du Costa Rica. Ce programme prévoit notamment un axe Fertilisation avec des ambitions d’amélioration de la fertilité des sols et l’auto-fabrication de bio-engrais avec la mise en place de micro-usines sur les fermes. Cela va nous permettre de compenser en partie la hausse par trois du coût des engrais. Le projet est opérationnel mais seulement à ses débuts donc trop tôt pour compenser les coûts.

FLD : Vous avez évoqué une hausse des coûts de production de +0,80 $/colis. Comment l’avez-vous répercuté sur les prix de vente ?

Carlos Ruiz : Pour éviter de perdre des marchés, nous n’avons pas demandé une répercussion de ce surcoût de production sur le prix de vente. Au lieu de cela, on essaye de mettre en place des mesures pour améliorer la durabilité et la productivité. Enfin, ce qui nous aiderait plus que tout, c’est de voir augmenter la part de nos volumes vendus label commerce équitable [les coopératives n’arrivent pas à vendre la totalité de leurs volumes sous le label Fairtrade Max Havelaar].

FLD : Grâce ou malgré ces décisions, avez-vous conservé vos marchés ?

Miguel Borrero : Nous n’avons pas vraiment perdu de clients mais des volumes, car nos clients aussi font face à des difficultés. En termes de logistique notamment. Par exemple, un client allemand faisait partir 36 conteneurs du Pérou dont 7 chargées de bananes d’une coopérative. Avec la crise des conteneurs, ce client allemand est passé à 24 conteneurs par semaine, faisant baisser le volume de la coopérative de 7 à 4 conteneurs par semaine. Les producteurs ont essayé de vendre ces volumes non exportés sur le marché local, mais les prix sont beaucoup plus bas. Le plus souvent la marchandise reste sur place et pourrit.

Carlos Ruiz : Nous exportions en moyenne 200 conteneurs par semaine et nous estimons la baisse à 30 %. Dans les causes de cette baisse, il faut ajouter le désengagement soudain de Dole de la zone de production alors que certaines coopératives dépendaient entièrement de ce groupe pour exporter leurs bananes. Et sur les marchés mondiaux, précisons que l’Equateur avait un gros marché en Ukraine et en Russie. Ces marchés fermés à cause de la guerre, il a reporté ses volumes sur les autres pays européens à des prix beaucoup plus bas que nous, qui sommes bio et Fairtrade. La concurrence s’est exacerbée.

FLD : Dans ce contexte, être bio et/ou Faitrade est-il un avantage ou au contraire un frein ?

Carlos Ruiz : Le prix du commerce équitable est fondamental car il est stable. De plus le commerce équitable est vraiment d’un grand secours pour nous, qui sommes des micro-producteurs [1 à 5 ha] pratiquant une agriculture familiale. Nous avons peu de main d’œuvre, à part la famille. D’où l’importance du prix minimum garanti du commerce équitable pour la survie des familles. En outre, la prime du commerce équitable permet par exemple à certaines coopératives de gérer pour l’ensemble des producteurs l’achat des intrants, d’en subventionner une partie et de mettre en place un crédit étalé à taux zéro pour le remboursement de ces achats, ce qui diminue d’autant la charge des épaules des producteurs. C’est aussi un bénéfice pour l’ensemble de la communauté. Nous avons par exemple grâce à la prime mis en place l’eau potable, toute la communauté en bénéficie et cela a eu un impact santé indéniable.

José Palomino : Le commerce équitable permet d’améliorer la qualité de vie des producteurs, des travailleurs, de la communauté. J’ai quatre enfants, et contrairement à moi, ils ont tous pu faire des études. J’en suis très fier. Il est donc important que le consommateur de l’autre côté de l’océan regarde le type de bananes qu’il achète.

FLD : Sur quel projet travaillez-vous entre autres ?

José Palomino : Nous produisons un fruit bon, sain, nutritionnel, mais il y a aussi des histoires derrière nos bananes. On participe à la protection de l’environnement. On travaille notamment à la mise en place de micro-usines pour recycler les plastiques de production [protection autour des régimes] pour en faire des protections de palettes. Dans le cadre du programme cofinancé par l’AFD, nous travaillons aussi à l’intégration des femmes, toutes les femmes, pour en faire les leaders de demain, mais aussi les jeunes, afin de répondre à un enjeu de transmission.

FLD : Un message à faire passer aux distributeurs européens ?

Carlos Ruiz : En tant que petits producteurs qui pratiquons une agriculture de substance, nous pensons qu’il est impératif que l’ensemble des acteurs de la chaîne mettent en place des actions face à la crise internationales pour partager les responsabilités.

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