Innovations - Les tendances du Sial 2010
Comment faire simple et compliqué à la fois
Crise oblige, le consommateur ne se laisse plus séduire par les sirènes d’un produit sans valeur ajoutée perçue. A l’occasion du Sial, XTC a tenté de démêler l’écheveau des tendances.
L’innovation constitue un des principaux piliers de l’industrie agroalimentaire. Tous les deux ans, le Sial propose une vitrine mondiale de ces nouveautés, qui suivent ou anticipent les tendances de consommation. C’est également l’occasion de nombreuses études sur les attentes des consommateurs, cela afin de mettre en lumière les capacités créatives de tous les industriels de la planète, que ce soit au niveau des recettes ou des packagings. En 2010, la réaction post-crise se traduit par une augmentation du nombre de lancements produits, lesquels se doivent de fournir de nouvelles solutions pertinentes assorties d’une réelle valeur ajoutée. Et la bataille est rude sachant que ce marché de l’alimentaire représente quelque 3 500 milliards d’euros.
A l’occasion de l’édition 2010 du salon, qui se tiendra du dimanche 17 au jeudi 21 octobre au parc des expositions de Paris-Nord Villepinte, Xavier Terlet, fondateur et dirigeant de la société XTC, a réalisé un travail complet et prospectif sur les grandes tendances alimentaires à venir. Le tout basé sur un objectif principal : satisfaire un consommateur de plus en plus averti et de plus en plus responsable.
Les innovations tournent autour de cinq grands pôles
Cette recherche s’articule autour de cinq grands pôles incontournables : le plaisir, la santé, la forme, la praticité et l’éthique. Que ce soit dans le monde, en Europe ou en France, c’est le plaisir qui remporte haut la main la première place avec les composantes principales : variété des sens (20,1 %) et sophistication (19,5 %). Et ce n’est pas nouveau ! Le plaisir caracole en tête des attentes consommateurs depuis 2000 (46,4 %) et, bien que la courbe ait connu un infléchissement en 2005 (40,1 %), il est de nouveau en hausse et cité par 48,1 % des consommateurs au niveau mondial en 2009. Parmi les familles de produits qui recensent le plus d’innovations en 2009, c’est la technologie du surgelé qui domine avec 7,8 %, suivie de près par les BRSA (boissons rafraîchissantes sans alcool) avec 7,7 % des innovations, puis la crémerie avec 7,1 %.
Parmi les produits présentés au Sial cette année, l’agence XTC a effectué une classification qui caractérise les grands mouvements de l’innovation. Parmi ce classement, on trouve les nouveaux goûts. Dans ces nouvelles vedettes de la cuisine mondiale on distingue ainsi le gingembre (en crème, en sirops), la truffe, les figues, le spéculoos (en pâte à tartiner, en glace), le wasabi (condiment japonais relevé qui sert de base à la réalisation de snacks, biscuits…), les mélanges fruits et épices (confitures, chutneys), le miel en cuisine et les goûts plus relevés. Autre élément de segmentation : les textures. Pour 2010, il est question de multitexture, de croustillant avec inclusion et de perles. Ces dernières, initiées par les grands chefs, commencent à investir les rayons des grandes surfaces où l’on trouve désormais des perles de mangue, de truffe, de poisson… à tartiner ou cuisiner avec des pâtes, du riz, des légumes. La sensation est garantie lorsqu’elles éclatent dans la bouche en libérant leur saveur.
Autre levier majeur des innovations : les nouveaux ingrédients avec en tête, les superfruits : l’açaï (petit fruit rouge d’Amazonie remarquablement riche en polyphénols antioxydants), la cranberry (dont l’effet préventif sur les infections urinaires est médicalement avéré), la grenade (riche en vitamine C et en antioxydants) et enfin le mystérieux goji, petit fruit rouge oblong auquel les Tibétains prêtent d’infinies vertus et qui se révèle source de caroténoïdes, vitamine C et antioxydants. Après ce cocktail de jouvence, XTC cite également la stevia (le nouvel édulcorant naturel), le lait de brebis ou de chèvre et enfin les fleurs.
Des produits de plus en plus typés et originaux
Tous ces nouveaux produits participent à définir les grandes tendances de demain que Xavier Terlet a identifié au nombre de onze. D’abord, les produits ultra. Pour être remarqué, il convient de ne pas être lisse ou milieu de gamme. La nouvelle tendance est au typé : ultra-discount, ultra-simple, ultra-pratique ou ultra-luxe. Ainsi, d’après XTC, le sacro-saint rapport qualité/prix, référence des consommateurs depuis plusieurs décennies, devrait laisser la place au rapport bénéfice/prix.
Deuxième grande famille, “le mélange des genres”. Ces produits proposent des recettes originales qui associent de façon inattendue des produits classiques : terrine de sanglier noisettes et mandarines acidulées, bâtonnets de surimi au thon et au fromage frais, terrine de chèvre au thym… Si le consommateur devient aventurier en quête de surprise, il devrait être servi.
“A la maison comme un chef” ou le retour des bons petits plats maison est un héritage direct de la crise, qui a mené les consommateurs vers davantage de convivialité familiale, tout en réalisant des économies. Dans cette catégorie, ce sont les grands chefs qui font office de locomotives. Les émissions de télévision qui surfent sur cette tendance en sont un parfait exemple : on veut faire “à la manière de” en utilisant les mêmes ingrédients de base. D’où l’apparition du miel dans la cuisine, des fruits cuisinés aux épices…
La quatrième tendance “Restons simple” exprime les attentes des consommateurs en matière de produits naturels aux saveurs préservées, faciles à utiliser. Par exemple, la confiture naturelle Simple Fruit, élaborée à partir de 80 % de fruits et conditionnée dans un flacon souple squeezable. De même, Mon panier de Saison de Prince de Bretagne qui propose un assortiment de légumes de saison dans un panier en carton.
Les consommateurs attendent d’être rassurés
La tendance suivante est devenue un véritable incontournable en quelques années : le bio, le respect de la nature, la pureté… Les consommateurs sont désormais avides d’être rassurés sur ce qu’ils mangent. Ce besoin du risque minimum est aujourd’hui symbolisé par la stevia, cet édulcorant d’origine naturelle sans calorie, les nouveaux baby food bio conditionnés dans des sachets garantis sans Bisphénol A… L’allergie constitue également un souci majeur de la population qui a poussé les industriels à prendre en compte certaines intolérances de plus en plus fréquentes : en 1980, 10 % des Français souffraient d’allergie ou d’intolérance ; en 1999, ils étaient déjà plus de 30 %. Des chiffres alarmants qui montrent combien il est indispensable de proposer une offre adaptée avec, par exemple, davantage de produits garantis sans gluten.
Dans le même ordre d’idées et suite aux différentes crises sanitaires, les consommateurs ont développé une sensibilité aux ingrédients suspects : sel en excès, acides gras trans, huile de palme, solvants… Il existe même des lobbies sur Internet qui mènent campagne et ont réussi à faire changer les recettes de certains produits fabriqués par des groupes poids lourds comme Kraft.
Huitième tendance identifiée : “des bénéfices santé nouveaux”. Il s’agit de produits qui flirtent souvent avec une forme de médication et s’assortissent de promesses liées aux principaux risques liés à l’alimentation : maladies cardio-vasculaires (sans cholestérol), ostéoporose (enrichi en calcium), mauvais transit (riche en fibres ou en bactéries bénéfiques). Mais le mouvement ne s’arrête pas là et en dehors de la France, on va beaucoup plus loin : huile d’olive enrichie en DHA végétale favorisant le développement des enfants et des adolescents en Italie, lait en brique enrichi de la même DHA promettant le développement intellectuel des enfants au Japon… On en arrive tout naturellement à la neuvième tendance répertoriée par XTC : “Look et self-contrôle”, qui montre que le consommateur cherche de plus en plus à comprendre les effets de ce qu’il mange sur son corps : santé, énergie, bien-être, minceur.
La “Green Attitude”, qui ne se confond pas avec le bio, concerne les personnes soucieuses de diminuer leur impact sur l’environnement en général. La réaction des industriels et des distributeurs est déjà en marche avec les bilans carbone précisés sur les packagings, la suppression des suremballages, les contenant recyclés et biodégradables…
Enfin, la place est également laissée à la moralité dans le monde de l’alimentaire avec le développement remarquable des produits éthiques, issus du commerce équitable. Une façon pour le consommateur citoyen d’exiger des produits qui garantiront son plaisir de les consommer sans soupçonner le moindre enfant travailleur ou la moindre famille exploitée derrière.
A cette liste il convient d’ajouter aussi les produits plus pratiques et faciles d’usage pour les personnes âgées, les innovations faisant référence à une vie urbaine plutôt que campagnarde (50 % de la population mondiale habite en ville) et enfin l’utilisation de tous les nouveaux modes de communication afin que les consommateurs puissent obtenir ses informations en temps réel.
Cette étude montre donc , s’il était encore besoin, que le consommateur évolue en permanence et de façon durable dans des directions multiples qui peuvent parfois paraître antagonistes. Un casse-tête alimentaire qui constitue et constituera encore pendant des années le principal challenge des acteurs de l’agroalimentaire.