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Chypre, de l’espoir à l’export

Des producteurs, des transformateurs et des coopératives de Chypre misent sur l’export. La concurrence des pays producteurs d’agrumes en Europe et la sécheresse les ont incités à chercher de nouvelles solutions comme la mandarine « Tango ».

La grenade transformée sous forme de jus permet à des entreprises chypriotes de se démarquer à l'export.
© P.L. Berger

A Chypre, les producteurs d’agrumes, les coopératives, les transformateurs cherchent à s’organiser pour maintenir leurs marchés à l’exportation dans un contexte concurrentiel plus rude à l’échelle européenne. A cela, s’ajoute une canicule récurrente qui impose aux producteurs de trouver des solutions pour disposer de ressources en eau toute l’année. « Depuis deux à trois ans, Chypre doit faire face à des périodes de sécheresse plus intenses et à une pluviométrie capricieuse. Les entreprises de transformation, les producteurs de fruits et légumes sont confrontés à de sérieux problèmes de ressource en eau à cause des fortes chaleurs. Nous prélevons l’eau souterraine pour le nettoyage de notre production en salades et herbes fraîches que nous commercialisons sous forme de sachets. Nous avons besoin de 1 000 litres d’eau par jour », précise Theoros Zanos, directeur de la société Alion Vegetables & fruits Co Ltd à Nicosie. Ce défi n’est possible à relever qu’en créant des réservoirs et des plans d’eau… et une organisation serrée de la journée de travail : « Nous contrôlons toute notre production grâce à nos quatre fermes à Limassol, Pafos soit 80 ha dont 50 ha sous tunnels. Tôt le matin, nous cueillons et trions la menthe, le basilic, le thym, le romarin… que nous exportons le même jour à l’étranger par avion », complète Theoros Zanos.

Une croissance rendue possible par l’export

Alion Vegetables est une entreprise familiale, créée en 1991, qui a vite grandi. Elle a dû assurer sa croissance en développant le grand export. Face à un marché local et national saturé en herbes fraîches et en condiments frais, elle a choisi dès le départ d’orienter sa commercialisation vers la Grande-Bretagne. Aujourd’hui, Alion Vegetables exporte dans 25 pays, en Europe dont la France, Dubaï, les Emirats-Arabes-Unis, la Russie… « Nous approvisionnons des hôtels, des restaurants haut de gamme, des supermarchés à l’étranger dont les points de restauration des Galeries Lafayette à Paris. Nous prospectons actuellement aux USA et notamment New York. Nous recherchons des collaborateurs, des partenaires financiers ou économiques pour développer notre société dont la capacité de production est de 45 tonnes par jour en salades et herbes fraîches. Nous prévoyons de construire un autre site de production, de lavage et d’emballage sur l’île », explique Theodoros Zavos.

Une variété Tango pour relancer l’export

La puissante coopérative Sedigep de Limassol, créée en 1964, spécialisée dans la production d’agrumes, exporte 100 % de sa production en citron, mandarine, orange grenade, pamplemousse en Grèce, Belgique, Allemagne, Angleterre, Canada et en Asie. Elle réunit 500 producteurs. Face à une baisse lente et régulière des exportations depuis 13 ans, la coopérative recherche de nouveaux projets pour relancer ses marchés à l’exportation. « Nos exportations ont chuté depuis l’année 2005. Cette baisse régulière s’explique par une concurrence plus exacerbée en Europe. Les agrumes d’Espagne, d’Italie, du Portugal, de France, les citrons de Turquie, du Maroc et actuellement les fruits d’Israël et d’Egypte s’installent sur le marché européen. La coopérative est confrontée à trois types de problème : une raréfaction de l’eau, une chaleur plus élevée avant et pendant la période estivale, et une compétition plus forte des pays producteurs d’agrumes. Il fallait trouver une nouvelle réponse à ce contexte économique concurrentiel », explique Christiana Lambrou, chargée des ventes et du marketing à la coopérative Sedigep. En 2016, la coopérative fait un choix radical : changer de type de production en investissant dans une nouvelle variété d’agrumes, la mandarine « Tango ». Cette stratégie doit permettre à la coopérative de mieux se positionner en Europe. La variété « Tango » possède plusieurs avantages : absence de pépins, goût prononcé et sucré, facile à éplucher et plus forte résistance des arbres aux maladies et à la chaleur. La coopérative a fait l’achat de 25 000 arbres à un fournisseur espagnol de semences. « Tous les fermiers de la coopérative étaient intéressés pour planter cette variété. Nous avons dû sélectionner 55 exploitations sur des critères précis : sol adapté, accès à l’eau, réserve d’eau importante, surveillance des parcelles », ajoute Christiana Lambrou. Environ 500 tonnes de mandarines « Tango » seront produites pour janvier 2019. D’ici cinq ans, la coopérative prévoit une production de 10 000 tonnes de mandarines.

Un site de transformation à la pointe

Pour se développer à l’international, l’entreprise K Fruit Factory Ltd, plus connue sous la marque commerciale « Kleopas Pomegranates », a fait un autre pari de la grenade. Dans les environs de Limassol, près du village Asgata, la société gère 230 ha de vergers. Les 13 000 arbres sont cultivés en agriculture conventionnelle dans différents sites irrigués. La production varie autour de 100 tonnes par an. L’exploitant achète aux fermiers locaux cinq tonnes de grenades par an. La grande originalité de cette exploitation est son site de transformation ultra-moderne et sa production en jus de grenade naturel. « On collecte les graines et on les presse sans la peau. Toute la production est transformée sur le site. Notre production de jus de fruit est à la hausse. Nous vendons 25 000 litres de jus par an. Le prix du litre est vendu au marché local à 9 € », assure Kyriaki Trimikliniotou manager, à Kleopas Pomegranates. La société prospecte des marchés à l’export : en Europe, en Asie et aux USA pour ses jus de fruits pressés naturels et ses barquettes de graines de grenade.

Produire des tomates cerise pour l’export

Autre exemple de volonté de se développer à l’export avec Vardakis Farm. Pour le moment, « 80 % de notre production totale en fraises et tomates est destiné au marché national, aux supermarchés, aux magasins de fruits et légumes. Le restant est destiné aux marchés des Pays arabes, de Dubaï aux Emirats Arabes Unis », assure Tasos Vardakis, directeur. La société s’est tournée vers la production de deux types de culture sous tunnels et sous serres : la fraise (10 ha) et la tomate cerise (2 ha). Vardakis Farm cultive trois types de variétés de fraises : Gloria, Fortuna et Primoris. Mais il mise plus sur les tomates cerise pour augmenter son chiffre d’affaires à l’export, en particulier vers les destinations comme les Pays arabes.

80 % des jus de fruit part à l’exportation

Il existe trois importants industriels transformateurs de fruits à Chypre. La compagnie New Sevegep LTD, basée dans la région de Nicosie, est l’une des plus importantes unités de transformation de fruits sur l’île. Elle représente 75 % de la production nationale en jus de fruit. Créée en 1972, cette petite coopérative s’est développée sur le segment des jus des fruits. New Sevegep se fournit auprès de 200 arboriculteurs chypriotes en oranges, citrons, pamplemousses, grenades, cerises… Elle a développé un type de « contrat annuel » pendant la période de novembre à mai avec les fermiers chypriotes qui travaillent de manière conventionnelle ou en agriculture biologique. L’entreprise écoule 20 % de sa production en jus de fruits, nectars, ice tea, boissons diverses sur le marché national auprès des supermarchés, des hôtels et des services de l’armée. « Le volume des fruits dépend de la pluviométrie. Nous devons faire face à une hausse de la demande des pays étrangers en boissons et jus de fruit. Nous proposons plus de 45 boissons de jus de fruits sous quatre marques commerciales. 80 % de notre production est destiné à l’exportation en Europe du Nord, en Asie, en Afrique et aux USA. Nos premiers pays à l’export sont la Suède et la Chine. Nous sommes présents dans les supermarchés suédois, finlandais, norvégiens et auprès des compagnies aériennes », détaille Christos Kangas, responsable des ventes. La capacité de production du site est de 75 millions de briques d’un litre par an. En 2017, la compagnie a investi trois millions d’euros dans l’installation d’une ligne de production en briques de jus de fruits d’un litre qui doit permettre de développer le grand export, notamment vers l’Asie et les USA, sur le segment des grandes surfaces.

A savoir

En chiffres

Production d’agrumes en 2015

116 962 tonnes au total

15243 tonnes de citron

24453 tonnes de pamplemousse

44460 tonnes de mandarine

32796 tonnes d’oranges

Exportation d’agrumes 2 015

25125 tonnes au total

1 551 tonnes de citron

8 248 tonnes de pamplemousse

11330 tonnes de mandarine

3 980 tonnes d’oranges

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