Champignon
Champi Bleu, le producteur traditionnel de champignons
Pied bleu, shiitaké, boule de neige et pleurote sont les quatre types de champignons cultivés par le myciliculteur près de Saumur dans une cave exploitée pour sa pierre dès le XIe siècle. Entre tradition et modernité.
Champi Bleu est né il y a douze ans en 2001. A l'époque, Rémy Bodineau crée cette société pour développer la production de champignons dits pied bleu et la commercialiser. Sa femme, Maryvonne, teste cette culture depuis 1996 et en vend quelques centaines de kilos par mois à deux grossistes indépendants. « C'est un ami qui nous a initié à la production, se rappelle Rémi Bodineau. J'étais en train d'arracher tous les pommiers de mon exploitation, une quinzaine d'hectares près de Saumur, car le gel de 1991 avait ravagé complètement le verger. Ensuite, nous n'avons pas pu faire face aux prix très bas pratiqués l'année suivante pour cause de surproduction. » C'est ainsi qu'à 61 ans, d'arboriculteur il est passé à myciliculteur !
Les champignons sont produits dans une cave de Louerre, bourgade à moins de 10 km au Sud de la Loire, réputée pour ses maisons troglodytes. Le pied bleu au chapeau charnu, bleu-violacé, à la chair tendre et très fruitée, est méconnu des Français. Mais les Japonais – voire les Anglais et les Américains – l'apprécient. Aussi, les 50 t de ce champignon produites par an sont exportées en totalité. Quatre ans ont été nécessaires pour construire le réseau de distribution à l'internationale. Et les clients sont restés fidèles à Champi Bleu. Cependant les conditions ont radicalement changé.
Du pied bleu au shiitaké
En 2009, Rémy Bodineau profite d'une cave devenue inexploitée par France Champignon pour prendre le relais et déménager sa production. Les dimensions de ce nouveau site, la champignonnière du Bellay, basée entre Allonnes et Brainsur-Allonnes (Maine-et-Loire), sont impressionnantes : 35 km de galeries qui représentent en surface sensiblement 20 ha. « A l'heure actuelle, précise celui qui, à 73 ans, arpente les galeries d'un pas alerte, cette champignonnière est l'une des plus grandes de la région saumuroise, la mieux conçue et la mieux aménagée. » De part et d'autre d'une allée centrale, débouchent des galeries qui peuvent être isolées et ventilées différemment en fonction des types de champignons. L'électricité est évidement de mise. La température avoisine les 12-14 °C durant toute l'année.
« Ici, remarque le producteur, le champignon pousse naturellement, selon des méthodes traditionnelles. On donne le temps au champignon de se développer. Nous visons des produits de qualité, du haut de gamme. » Le pied bleu serait peut-être resté le seul et unique produit de Champi Bleu si leur fournisseur de compost et de semences n'avait pas arrêté sa fabrication en 2011. Désormais, l'exploitation doit elle-même s'occuper du lardage, cette opération qui consiste à ensemencer (avec du mycélium) le compost. Mais le champignon est capricieux. D'ailleurs peu de producteurs en France se sont investis dans cette culture. La production actuelle n'est donc pas totalement maîtrisée à la champignonnière du Bellay et la productivité n'atteint pas encore son optimum. Est-ce l'origine du compost ? Les conditions de culture ? L'affaiblissement de la semence ?
En marche vers la diversification
En attendant de répondre à ces questions, l'entreprise étoffe sa gamme. Aujourd'hui elle propose d'autres produits comme le pleurote (50 à 60 t par an), le shiitaké (15 à 20 t) et la boule de neige-Agaricus arvensis (10 t).
Depuis 2012, Yves Le Pomellec est le nouveau gérant de Champi Bleu. Pour l'instant, il réside toujours à Paris où il préside depuis 2001 un organisme de formation continue. De la pédagogie à la culture du champignon, il y a un pas que le spécialiste en formation a su franchir, sa belle-famille Le Bellay étant propriétaire de la champignonnière. Le site était loué, depuis 1953, à la société qui, autrefois, s'appelait Royal Champignon et qui, aujourd'hui, a intégré Bonduelle. Puis Champi Bleu a pris le relais. Désormais, les champignons sont revenus dans le giron familial.
Champi Bleu est aujourd'hui référencé chez Leclerc et Carrefour
Entrepreneur, Yves Le Pomellec fait évoluer dynamiquement l'entreprise. Elle s'ouvre au marché intérieur tout en poursuivant son développement à l'international. Un contrat de vente a été signé avec le groupe Leclerc en mars puis avec le groupe Carrefour en août. Pour la circonstance, les produits ont été relookés. Les champignons sont distribués en barquettes de bois 400 g, filmées et étiquetées sous des couleurs flashy vert, violet, rouge ou orange. Ces champignons frais sont distribués sous la marque “La Champignonnière du Bellay, producteur français de saveur gastronomique” Les objectifs affichés sont clairs. Pour les pleurotes et les shiitakés, Champi Bleu vise 50 % du marché intérieur, essentiellement des grossistes, des détaillants et la grande distribution. Pour le pied bleu, la commercialisation ne concerne pratiquement que l'international, c'est-à-dire les Etats-Unis, le Japon, la Suisse, le Royaume Uni et l'Espagne. Il en est de même pour le dernier venu, la boule de neige.
La vente de produits transformés – uniquement pour le pied bleu – fabriqués en sous-traitance pour épicerie fine et gîtes ruraux est poursuivie avec des veloutés, des mousselines, des crèmes, des champignons apertisés...
Bientôt une activité touristique autour des champignons
Yves Le Pomelec a également d'autres ambitions. Il envisage de créer une activité touristique autour du champignon et de l'histoire des caves avec l'extraction du tuf depuis le XIe siècle. Le pédagogue rejoint ainsi le myciliculteur. « Je pense sincèrement que la production de champignons est méconnue du consommateur. Nous commençons à organiser des visites guidées dans une logique éducative, culturelle et ludique. Et, bien sûr, nous développons un point de vente. J'espère d'abord que cela incitera le grand public à acheter du champignon lorsqu'il fera ses courses. »
Proche de Saumur qui a une activité touristique importante, la champignonnière espère attirer petits et grands. La première étape vient d'être franchie. L'entreprise a obtenu au mois d'août le statut d'Etablissement recevant du public (ERP). Des investissements importants devraient suivre avec, notamment, l'aménagement d'une galerie spécifiquement dédiée aux touristes.