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Primeurs - Légumes anciens
Ces légumes remis au goût du jour

Le panais et le topinambour figurent en bonne place des légumes dits oubliés. Produits de niche, ils devraient sans doute le rester.

Panais, topinambour, crosne du Japon, scorsonère, persil et cerfeuil tubéreux, cresson alénois, chou chinois, rutabaga et autres navets : tous ces légumes ont en commun d’être peu commercialisés en France et d’être appelés par les uns “légumes oubliés” et par les autres “nouveaux légumes”. Ce secteur serait en plein développement aujourd’hui au niveau des points de vente. Un exemple parmi d’autres : il y a trois ans, un distributeur de semences bio du Sud-Est affirmait qu’il ne vendait aucune graine de panais. Aujourd’hui, il en commercialise pour l’équivalent de 3 ha. Pour Elie Dunand, spécialiste de la production de légumes : « Nous sommes aujourd’hui dans une certaine confusion des genres. Avec des types anciens, les sélectionneurs ont créé des hybrides, comme en tomate avec la Cœur de bœuf. Peut-on encore les qualifier de variétés anciennes ? Il existe désormais des hybrides de panais. Est-ce vraiment un légume oublié ? Les premiers hybrides de légumes datent du début des années 30. Faut-il appeler légumes anciens, les variétés sélectionnées avant cette période ? » Selon ce spécialiste, les légumes anciens font référence à un passé nostalgique, où la production n’était pas industrielle et la commercialisation en circuit long n’existait pas. Aujourd’hui, proposer des légumes anciens est un moyen de se diversifier pour le producteur et de se démarquer pour le point de vente : « Si l’on reprend la tomate, la demande est venue d’abord du jardinier amateur il y a une dizaine d’années, puis les producteurs de légumes bio en ont cultivée dans le but de répondre à la notion de biodiversité ; et enfin le marché conventionnel s’en est accaparé, affirme Jean-Luc Paulet, directeur du site Graines Voltz en Anjou et directeur adjoint du département semences. Pour le panais, la démarche est différente. Il fait partie des légumes remis au goût du jour, grâce aux producteurs bio qui en ont toujours cultivé. En revanche, le développement du rutabaga n’a pas grand-chose à voir avec le bio. Ce légume connaît un certain développement, du fait qu’il intègre les recettes de couscous. »
Pourquoi tel légume va-t-il se développer et pas un autre ? Elie Dunand constate qu’un produit qui se cultive assez facilement et se consomme sans beaucoup de préparation culinaire a toutes ses chances : « Depuis qu’elle est intégrée dans les salades des fast food, les volumes de betterave rouge crue ont progressé. »

Plus de 2 000 t de panais
Selon notre enquête, parmi les légumes anciens les plus présents sur les étals, le panais et le topinambour figurent en bonne place. Nous nous attarderons donc essentiellement sur ces deux produits. Le panais, originaire du bassin méditerranéen et des régions de l’Est, appartient à la même famille que la carotte et le céleri. Avec un goût relevé entre ces deux apiacées (ombellifères) autrefois très cultivés et consommés, il a été remplacé par la pomme de terre et la carotte. Plus calorique que cette dernière, riche en glucides, en fibres, en vitamine C, en potassium et en magnésium, ce légume reste très connu des Anglo-Saxons (cf. encadré). Il se cuisine généralement comme une pomme de terre, cuit en morceaux, frit ou en purée. Il peut aussi être intégré comme ingrédient dans une pizza. Certains le consomment cru, râpé. Sa zone de production correspond à celle de la carotte dans des terres fraîches et profondes. Contrairement aux autres légumes anciens, le panais a été travaillé par les semenciers. La plupart sont d’ailleurs des hybrides. Deux obtenteurs anglais se distinguent sur ce marché : Tozer et Elsoms. Le premier propose quatre variétés et le second cinq. Le français Clause Vegseeds a, lui aussi, une variété à son catalogue. Il n’existe pas apparemment de gros producteurs de panais, les surfaces ne dépassant pas 2 ou 3 ha. D’après deux distributeurs de semences, le panais serait cultivé en France entre 50 et 100 ha pour l’un, et entre 100 et 150 ha pour l’autre. C’est une culture longue, plus de 120 jours, et à risque. La germination de la semence est la phase la plus délicate de la culture. Un producteur en bio du Val de Loire, qui le cultive depuis des décennies, affirmait avoir perdu pratiquement toute sa culture il y a deux ans. Extrapoler les volumes de produits à partir des surfaces est donc hasardeux mais donne une tendance. Plus rustique que la carotte mais moins productive, le panais peut produire jusqu’à 40 t/ha (au lieu de 60 t/ha pour la carotte). En France, ce légume fournit donc aujourd’hui entre 2 000 et 6 000 t/an. Quelques prix relevés en grande surface dans la région angevine indique une certaine variabilité, de 1,95 € à 3,65 € (en bio) le kilo.

Le topinambour, en petites quantités
Le topinambour, appelé encore “artichaut de Jérusalem”, est une espèce voisine du tournesol, originaire de l’Amérique du Nord. Il a été introduit en Europe au XVIIe siècle. Avec un goût qui rappelle celui de l’artichaut ou du salsifis, ce légume se cuisine cuit, en purée, frit ou sauté. Mais il peut aussi se consommer cru en vinaigrette, comme le font fréquemment les Américains. Riche en vitamine A, C et B3, en minéraux comme le potassium, il a la particularité de contenir des glucides sous forme d’inuline, au lieu de l’amidon comme dans les pommes de terre. C’est pourquoi il est recommandé de le consommer en petites quantités pour cause de flatulence, désagrément qui serait augmenté par la cuisson à l’eau. En revanche, les diabétiques, qui doivent limiter leur consommation sucrée, l’apprécient puisque le sucre qu’il contient n’est pas digéré et ne passe donc pas dans le sang. Riche en fibres, le topinambour préviendrait également le cancer du colon. Outre ces critères bénéfiques pour la santé, ce légume proche du tournesol intéresse les scientifiques pour ses facultés énergétiques. En effet, elle est la plante verte qui peut produire le plus d’énergie, hormis le maïs ou l’ananas, qui possèdent un mécanisme de photosynthèse différent. Des recherches sont donc en cours pour l’utiliser comme biocarburant. Un congrès sur ce thème lui sera d’ailleurs entièrement dédié le 25 septembre prochain en Chine. Une partie des interventions sera tout de même réservée à la culture du topinambour en tant que légume. Facile à produire, rustique, il n’exige pas de contraintes particulières, mais préfère seulement les terres légères. En revanche, il peut croître jusqu’à deux mètres de hauteur et possède des rhizomes qui ont tendance à s’étaler. Les producteurs hésitent à l’intégrer dans leur rotation, puisqu’elle peut devenir une véritable mauvaise herbe pour les cultures suivantes. Contrairement au panais, le topinambour se reproduit végétativement et ne nécessite pas de graines. Les producteurs renouvèlent eux-mêmes leurs tubercules. Aussi est-il encore plus difficile que pour le panais de mesurer les surfaces produites et le dynamisme de ce marché ! Bernard Bevillé, jeune retraité de l’Inra et spécialiste du topinambour, a relevé les prix sur les marchés de Montpellier, qui varient de 3 à 4,50 €/kg.

La région angevine est leader
Les circuits courts jusqu’à présent étaient privilégiés, mais plusieurs OP proposent désormais aux GMS et aux grossistes ce type de légumes. Les volumes destinés au marché conventionnel dépassent aujourd’hui largement celui du bio, d’après notre enquête auprès des semenciers spécialisés ou non dans les graines bio. Le Val de Loire semble, selon nos contacts, la première région de France à proposer ces légumes anciens comme le panais et le topinambour. Des terres adaptées, des producteurs déjà mécanisés pour ces cultures expliqueraient la longueur d’avance des producteurs angevins. Ainsi, Fleuron d’Anjou développe une véritable stratégie de production. A la dernière assemblée générale de la coopérative (cf. fldhebdo du 7 décembre 2010), le président Christophe Thibault annonçait une progression de tous ces légumes de 150 % sur trois ans, soit 2 500 t. Pour une commercialisation durant toute l’année, le potentiel en panais pour la prochaine campagne serait de 400 t. En topinambour, les prévisions seraient au minimum de 800 t. Sur le Min de Vivy (devenu le marché des légumes anciens), le Min du Val de Loire annonçait, dans le numéro Mininfos de décembre 2010, les quantités de légumes commercialisés. Le topinambour arrive en première position avec 530 t, une progression de 60 % en un an. Le panais, avec 140 t, arrive cinquième avant les asperges ou les tomates. Le Maine-et-Loire en a donc commercialisé au moins 540 t, soit de 9 à 27 % de la production française. D’autres bassins de production ont emboîté le pas, comme la Bretagne et la Normandie. Priméale annonce (cf. fldhebdo du 1er mars 2011) le lancement en octobre prochain d’un assortiment de légumes anciens (panais, topinambour et rutabaga), avec l’idée de proposer un kit de cuisine et des recettes. Prince de Bretagne a choisi aussi de se diversifier en panais et en topinambour. Le crosne du Japon n’est pas retenu, faute de rentabilité pour les producteurs.

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