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Cécile produit des légumes à 1 650 mètres d’altitude

Dans l’un des plus hauts villages de France au sud de l’Isère, Cécile Andrieux expérimente avec passion le maraîchage en altitude depuis deux ans.

Diplômée de l’Ecole nationale supérieure des technologies et industries du bois d’Epinal en 2011, Cécile Andrieux effectue ses premières années de travail dans un bureau, sans y trouver son compte. « Ça manquait de sens. Je voulais travailler pour moi, de mes mains. Un travail valorisant, utile, avec plus de contacts humains », confie-t-elle. Accompagnée par l’ADDEAR* de l’Isère où elle vient d’emménager avec son compagnon, Cécile concrétise son projet qu’elle mûrit au fond d’elle depuis quelques années. Elle sera maraîchère en montagne. « En altitude, la pression foncière est beaucoup moins forte qu’en plaine, on a facilement trouvé une maison et un bout de terrain à Villard-Reymond », précise la jeune agricultrice. Grâce au peu de concurrence existant pour cette production atypique en altitude, Cécile loue assez facilement un ancien pré à vaches de 3 000 m² à l’Association foncière pastorale du village, qui compte une dizaine d’habitants à l’année. Elle s’installe officiellement en 2016, hors cadre familial et sans aide, et commence alors à explorer le maraîchage d’altitude dans ce décor grandiose, paisible et préservé.

Sélectionner des variétés adaptées

Avec quatre à six mois de neige par an, la saison est courte au sommet. En altitude, les variabilités climatiques interannuelles sont exacerbées, les amplitudes de températures entre le jour et la nuit sont très fortes et le gel plus fréquent à mi-saison. Pourtant, à la « Ferme du champ perché », Cécile parvient déjà à cultiver plus de quarante variétés d’une dizaine de légumes. « L’ail, les radis, oignons, salades, fèves, pommes de terre, courgettes, haricots et fraises sont des valeurs sûres. D’autres, comme les carottes, épinards, tomates ou les piments sont plus aléatoires », assure Cécile. Pour sélectionner les variétés les plus adaptées à ces conditions bien particulières, Cécile en a testé une dizaine pour chaque légume. « Il n’y a pas vraiment de graines spécifiques « montagne ». Je choisis des semences de variété « saison courte » ou « résistantes sécheresse » ou « résistantes au froid » ». Si les premiers semis démarrent seulement à la fonte des neiges, parfois fin avril, les plants rattrapent vite leur retard de pousse grâce à un très bon ensoleillement. « On a 30 % d’UV de plus que dans la vallée. Ça donne un bon coup de fouet au printemps ». La résistance aux UV est même devenue un critère de sélection. « J’ai remarqué que les légumes colorés s’adaptaient mieux, comme s’ils bronzaient sous les UV ! ». Salades rouges et petits pois à cosses violettes sont donc favorisés.

Travailler avec la pente et l’écosystème en place

Qui dit montagne dit pente… et la parcelle de Cécile n’y échappe pas. « Au départ, je cherchais un terrain plutôt plat mais je n’ai pas eu trop le choix. Finalement, je m’aperçois que la pente a beaucoup d’avantages ! ». Bonne exposition sur tous les légumes, drainage efficace, la pente est une véritable alliée. « Elle permet même une position de travail plus agréable ». Seul désavantage, la mécanisation est presque impossible. Mais Cécile n’en a ni le besoin ni l’envie. Pas question de retourner la prairie complètement. Le champ est travaillé en « lopins » de 5 m sur 8 m, « comme des petits îlots de culture au milieu d’une forêt d’herbes sauvages ».

« M’intégrer dans cet écosystème sans le déséquilibrer »

Désherbé par occultation puis sarclé, chaque lopin accueille des cultures en association sur cinq planches d’1,20 m de large suivant les courbes de niveau. Le reste de la parcelle est laissé à l’état sauvage pour favoriser les auxiliaires. Une vingtaine de poules apporte un engrais riche et de qualité et trois ruches améliorent la pollinisation des cultures. Les légumes sont arrosés en priorité avec de l’eau récupérée de la fonte des neiges. « J’essaye de m’intégrer dans cet écosystème sans le déséquilibrer », témoigne la maraîchère.

 

Transformer pour vendre toute l’année

Cécile vend ses légumes tous les vendredis aux quelques habitants ravis de ne pas devoir descendre à la ville. C’est de l’ultra local ! Les légumes restants sont pris par Sylvie, qui tient le gîte-auberge du village. Tout est vendu, à un prix juste. Mais pas facile de tirer un revenu décent sur une saison aussi courte. Prévu depuis le démarrage du projet, un petit atelier de transformation a vu le jour cet hiver, le Tiny Lab. « C’est une étape importante de mon installation, pour pouvoir étendre ma gamme et vendre toute l’année », relève Cécile. Biscuits sucrés à l’ortie, lavande, châtaigne, miel ; meringues à la menthe, génépi. La maraîchère produit aussi depuis Noël « une montagne de biscuits » avec des saveurs simples, issues de ses cultures et cueillettes de plantes sauvages. Elle souhaite développer d’autres produits comme des liqueurs de plantes sauvages, des biscuits salés, des boissons, produits lactofermentés, pestos et autres condiments qui permettront de diversifier ses circuits de vente. En projet, la construction d’une serre semi-enterrée et le développement de cultures d’automne permettront d’étendre la saison de production. « Mon objectif est d’arriver à un revenu de 1 200 euros par mois avec 3 000 m² cultivés et l’activité de transformation ».

Agnès Thiard

*Association départementale de développement de l’emploi agricole et rural

Un paradis pour les auxiliaires

Cécile est convaincue. « Il faut trouver le système qui permet de s’adapter à la nature, plutôt que d’essayer de la contraindre avec des systèmes préétablis ». L’aspect sauvage de sa parcelle de maraîchage est un paradis pour les auxiliaires. Pas besoin de pesticide ni d’herbicide. Parfois quelques bouillies maison. Les cultures sont associées pour limiter les ravageurs. Choux sous tomates pour limiter la piéride. Radis sous pommes de terre contre l’altise. « Si je me fais dépasser, je peux utiliser des filets anti-insectes ». Aucun doryphore, pas de taupins, peu de pucerons, mais des coccinelles et coléoptères « auxiliaires » en tous genres. « Je n’ai jamais vu une trace de limace ou d’escargot sur mes salades au jardin alors qu’il y en a plein devant ma maison à 100 m ». Même le campagnol fait très peu de dégâts. « Il a bien d’autres plantes à dévorer ! Et puis sa présence est limitée par les renards, les rapaces, et même les vipères ». Une couleuvre a même élu domicile dans la montée de la grange. Les voisins la surnomment Capucine !

Un mini-laboratoire mobile

Pour pouvoir transformer ses légumes et plantes sauvages en condiments et biscuits, Cécile se construit en 2017 un laboratoire aux normes professionnelles. Avec la pente, difficile de le construire directement au champ. Il sera donc érigé sur une remorque, construit en plein hiver à côté de la maison, puis positionné à sa place définitive au printemps 2018, sur un petit terrassement au bord de la parcelle cultivée. Baptisé « Tiny Lab » en référence aux Tiny Houses, ce laboratoire de 8 m2 (2 mètres sur 4 mètres au sol) est petit mais efficace et bien équipé. Sas d’entrée pour se changer avec lavabo pour le lavage des mains, chauffe-eau, batteur mélangeur, four, séchoir à plantes, réfrigérateur, plans de travail et plonge. Tout y est ! L’eau et l’électricité en triphasé sont raccordées à la maison d’habitation située 100 mètres plus bas. Cette « cabane » d’1,6 tonne aura coûté au total un peu plus de 10 000 euros. 7 000 euros pour la structure et 3 000 euros d’équipement de base. Cécile a réuni cette somme grâce à un financement participatif récoltant bien plus que la somme espérée !

Parcours :

2005 : Baccalauréat scientifique
2011 : Diplôme d’ingénieur du bois, Epinal
2015 : Formation création de projet agricole avec l’ADDEAR, Isère
2016 : Installation agricole sur 3 000 m². Mise en culture de 800 m²
2017 : Construction du Tiny Lab et premières transformations
2018 : Agrément pour la fabrication de liqueur

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