Brève de comptoir
La scène se passe la semaine dernière dans un de ces bistrots parisiens qui perpétuent la tradition du bien manger et du bien boire. Le déjeuner terminé, nous prenons un dernier verre au zinc. Notre voisin de comptoir vient de livrer un cageot de fraises et un d’asperges. La discussion s’engage : ce n’est pas un producteur. Depuis une vingtaine d’années, il a monté sa petite entreprise de livraison de produits frais (fruits, légumes, fromages…) en direct de son département du Sud-Est et à destination des restaurants de Paris. Il s’est constitué une clientèle de fidèles, amoureux des bons produits. Comme il achète lui-même ses fruits et légumes à des producteurs de son coin, je lui demande s’il a passé des contrats avec ses producteurs. Il n’est pas du tout informé du décret rendant obligatoire la contractualisation depuis le 1er mars dernier. « Encore un coup de l’Europe », me dit-il. Je lui explique que non, que c’est une loi franco-française, que la durée du contrat doit être de trois ans minimum, qu’il risque une amende de 75 000 euros par fournisseur, etc. Notre homme a dû repartir sur ses terres en me prenant pour un fou, ou en croyant que j’ai voulu lui faire une mauvaise blague.