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Avocat : « Les efforts développés par les professionnels ne sont pas suffisamment portés à la connaissance des consommateurs »

Le 21 septembre, Envoyé Spécial a diffusé un reportage très orienté sur l’avocat du Mexique, intitulé “Les avocats du diable”. Philippe Pons, président de la CSIF, réagit.

Le 21 septembre, Envoyé Spécial (France 2) a diffusé un reportage (1) très orienté sur l’avocat du Mexique, intitulé “les avocats du diable”. En trois parties, le reportage décrit comment ce fruit, selon les journalistes, est soumis aux cartels de la drogue qui rackettent les producteurs et s’approprient les terres (15 min), participe à la déforestation (3 min) et empoisonne via les pesticides les populations mexicaines (40 min). Philippe Pons, président de la CSIF, réagit.

FLD : Quelle est votre réaction face à ce reportage très orienté ?

Philippe Pons : Je souhaiterais avant tout rappeler deux éléments de contexte. Le premier est d’ordre journalistique : dans ce genre de reportage, il est bon de jouer avec les peurs des téléspectateurs. Dans la mouvance actuelle “anti-pesticides”, le reportage était volontairement orienté à charge, alors que n’importe quelle autre culture dans le monde, y compris en Europe, pouvait être montrée sous un angle aussi défavorable. Ensuite, le choix du Mexique n’est pas anodin : alors qu’il ne représente guère plus de 10 % des avocats consommés en France, loin derrière le Pérou, le Chili, l’Afrique du Sud, Israël ou l’Espagne, ce pays présente un potentiel médiatique bien plus intéressant pour ce type de reportage, qui par ailleurs discrédite le produit avocat dans son ensemble. 

FLD : Était-il pertinent pour Envoyé Spécial de parler des cartels de la drogue ?

Ph. P. : La présence des cartels de la drogue dans cette région du Mexique constitue un sujet à sensation pour un journaliste. Dans la réalité, la présence des “narcos” dans certaines zones du Michoacán n’est absolument pas corrélée à la culture de l’avocat, mais obéit à leurs impératifs de maîtrise des axes conduisant la drogue vers les États-Unis. L’avocat est une des principales activités économiques dans cette région pauvre, au sein d’un pays en voie de développement. Il n’est donc pas étonnant que cette activité génère des phénomènes de corruption et de racket, comme il en existe dans de nombreux pays de ce profil.

FLD : Le reportage dénonce l’utilisation massive de produits phytos, dont certains interdits, et des épandages à proximité des habitations. Est-ce réellement le cas ?

Ph. P. : Au niveau mondial, il y a depuis des années une prise de conscience des producteurs sur le raisonnement d’application des traitements sanitaires et l’adoption de bonnes pratiques. Au Mexique comme ailleurs, il subsiste encore quelques comportements ponctuels qui échappent à la généralité de bonne conduite. A ce titre, en tant que professionnel et dirigeant d’une société implantée au Mexique, j’affirme que ce qui est montré dans le reportage ne représente que de rares exceptions. Les unités de production conduites par des opérateurs européens sont certifiées : elles suivent les bonnes pratiques culturales, respectent les protocoles d’application des phytos, et réalisent des contrôles en amont. Chaque unité de production fournissant un opérateur dispose de son propre protocole, dûment appliqué, respecté et contrôlé.

FLD : A la fin du reportage, Elise Lucet interroge la journaliste, Virginie Vilar, sur le risque sanitaire présenté par les avocats vendus en France. Cette dernière explique qu’en France, « il y a des contrôles, réalisés par la DGCCRF, mais ils ne sont pas nombreux »…

Ph. P. : Après avoir évoqué les analyses pratiquées par la DGCCRF, la journaliste ne fait aucune mention de l’auto-contrôle pratiqué par les professionnels ! Des clients inquiets me contactent depuis vendredi pour des éclaircissements et des éléments de réponse. Nous leur répondons que FeL Partenariat [la démarche volontaire d’autocontrôles des importateurs, expéditeurs-exportateurs et grossistes, NDLR] nous impose un plan de contrôle, basé sur une analyse de risque, déposé en début d’année et contrôlé par la DGCCRF. Cet engagement donne lieu à un audit indépendant qui vérifie le respect de ces contrôles, du plan de prévention et de l’adéquation à la réglementation. Donc lorsque la journaliste parle de « 16 contrôles réalisés en 2015 sur l’avocat par la DGCCRF », elle a gravement omis de citer les analyses faites par les professionnels sur ce produit. Nous sommes transparents : en 2016, 149 échantillons ont été analysés par les importateurs Fel Partenariat, et 2 se sont révélés non-conformes ; au premier semestre 2017, nous avons analysé 88 échantillons, avec une seule non-conformité. Depuis 2014, sur 419 échantillons d’avocats analysés, 97 % se sont révélés conformes, et 47% ne comportaient pas de résidus détectables. Il faut aussi préciser qu’en cas de dépassement de LMR autorisées ou de détection de molécules non autorisées, il existe un plan de retrait normalisé des fruits, et des mesures correctives sont engagées avec le fournisseur. Aujourd’hui les trois quarts des avocats vendus en France émanent d’opérateurs certifiés FeL Partenariat.

FLD : Que pouvez-vous nous dire sur FeL Partenariat ?

Ph. P. :  FeL Partenariat s’est développé depuis 2001 (à l’époque sous le nom CSIF Partenariat) parce que les mesures légales en matière de prévention et de contrôles n’étaient pas assez denses. La DGCCRF elle-même a souhaité que les professionnels s’engagent par des autocontrôles pour compléter le dispositif réglementaire. Le contenu de FeL Partenariat est validé par la DGCCRF et il y a une transparence des données des contrôles. La DGCCRF aujourd’hui s’appuie sur FeL Partenariat pour augmenter l’assiette des contrôles réalisés. En moyenne, 1800 échantillons de f&l sont analysés chaque année par les importateurs. Les analyses FeL Partenariat sont ainsi les plus représentatives du secteur de l’import en France, avec 39% d’analyses d’origine pays tiers supplémentaires par rapport aux plans de surveillance et de contrôle de la DGCCRF.

FLD :  L’avocat a subi une “crise médiatique” l’année dernière avec des reportages et des articles de la même veine que celui d’Envoyé Spécial (2). En tant que professionnel, avez-vous ressenti un impact sur les ventes et la consommation ?

Ph. P. :  Un impact direct non, mais ce genre de buzz médiatique tend à augmenter le degré de défiance du consommateur qui se pose, avant l’acte d’achats, de plus en plus de questions. Cette défiance est croissante et les efforts faits par les professionnels ne sont pas relayés au grand public au niveau où ils devraient l’être. Les cahiers des charges des labels et certifications ne sont pas connus du consommateur.

FLD :  Pour résumer, que souhaiteriez-vous dire ?

Ph. P. :  Deux choses : il y a une volonté des professionnels de ne pas alimenter le buzz médiatique. Et les professionnels ont les moyens de prouver que les fruits importés, en particulier les avocats, et en particulier les fruits du Mexique, passent par une procédure extrêmement rigoureuse de contrôles avant d’être proposés aux consommateurs.

Lire aussi les autres articles du dossier Avocat : L’avocat, objet de toutes les convoitises et « La consommation d’avocats en France devrait doubler dans les prochaines années »

(1) Part d’audience de 8,6%, soit 1,9 million de téléspectateurs.

(2) Quelques exemples : « In Mexico, high avocado prices fueling deforestation » (AP, 10 août 2016) ; « Au Mexique, les ravages de la culture de l’avocat » (Le Monde, 22 août 2016) ; « Mexique: des forêts dévastées par la "fièvre verte" de l'avocat » (AFP, 4 novembre 2016) ; « Vous ne regarderez plus jamais les avocats de la même façon » (Nouvelobs, 17 novembre) ; « L’avocat, un fruit qui fait sa loi » (France 5, diffusé le 22 janvier 2017)…

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