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Au Brésil, le plus grand bassin d’irrigation artificielle d’Amérique du Sud booste l'arboriculture

Dans l’État de Minas Gerais, au centre du Brésil, la zone de Jaíba abrite le plus grand bassin d’irrigation artificielle d’Amérique du Sud. Un verger de 11 800 hectares, en expansion continue, écoule ses mangues et citrons sur le marché brésilien. Mais de récents envois aériens vers l’Europe dévoilent les ambitions des Brésiliens.

Le projet dit Jaíba, situé au nord du Minas Gerais, dans une zone semi-aride de centre du Brésil, est le plus grand bassin de cultures irriguées d’Amérique latine. Le Minas Gerais passe pour un « petit Brésil dans le Brésil ». Cet État aux terres fertiles vaste comme un grand pays européen est situé à équidistance des trois mégalopoles du pays : São Paulo, Rio de Janeiro et Brasília. Il abrite presque tous les écosystèmes du Brésil. Bref, quand on parle agriculture au Minas Gerais, les mots pèsent de tout leur poids.

Premiers envois aériens de mangues

Le projet Jaíba est né en 1974 d’un partenariat entre le gouvernement fédéral du Brésil et celui de l’État du Minas Gerais. La construction du canal principal est hors-norme : long de 35 kilomètres, large de 20 mètres et profond de 5 mètres, son débit est de 40 m3 par seconde. S’y ajoutent des canaux secondaires et tertiaires sur un tracé total de 400 kilomètres. Aujourd’hui, « il s’agit d’un verger de 11 800 hectares qui a produit, en 2023, 320 000 tonnes de fruits principalement écoulées sur le marché brésilien », explique Ricardo Demicheli, le sous-secrétaire à l’Agriculture familiale du gouvernement du Minas Gerais.

Seules 8 000 tonnes de citrons verts ont été exportées en Europe. Mais les premiers envois aériens de mangues et de bananes, réalisés l’an dernier vers l’Union européenne, ont suscité des ambitions d’exportation. En effet, comme la zone de Jaíba est à 1 000 kilomètres des ports de l’Atlantique, le coût de fret routier intérieur depuis cette région sape la rentabilité des opérations maritimes. Toutefois, les lacunes du fret aérien sont rapidement apparues, avec notamment un manque de chambres froides et de logistique très pénalisant.

Les fruits sont la locomotive du site

« De plus, si grand soit-il, le projet Jaíba n’est qu’un des trente-neuf sites d’irrigation artificielle nés sous l’impulsion des pouvoirs publics brésiliens, qui encadrent la mise en place de telles infrastructures », mentionne le responsable. Les processus d’appels d’offres et de concessions ont bénéficié à environ 16 000 familles de colons agriculteurs et à des dizaines d’entreprises de production et de négoce de fruits. Sur ce total de trente-neuf bassins irrigués où l’on produit des fruits, mais aussi de la canne à sucre, des céréales, du riz et des haricots, vingt-neuf sont situés sur les berges du fleuve São Francisco, qui traverse quatre États du Brésil sur 2 000 kilomètres. Ce fleuve débouche sur l’Atlantique.

Un projet similaire à celui de Jaíba, nommé Nilo Coelho, est situé dans l’État du Pernambuco, près de la côte atlantique. Et à Nilo Coelho, on produit des melons et du raisin de table pour l’exportation… Mais Jaíba est emblématique de la dynamique de tels projets au Brésil. « La culture de fruits constitue la locomotive de ce site irrigué, créé à partir de rien à l’époque où l’on finissait de construire Brasília. C’était l’époque des grands travaux en béton. Des ouvrages comme celui-là, on n’en fait plus », lâche Ricardo Demicheli. Selon lui, le potentiel du projet est de 100 000 hectares.

« Aujourd’hui, nous disposons d’infrastructures capables d’irriguer 45 000 hectares, dont 30 000 hectares sont cultivés », assure-t-il. Le projet Jaíba n’en est rendu qu’à l’étape numéro 2 de son développement parmi les quatre prévues. Selon Ricardo Demichelis, la mise en route de l’étape 3 porte sur 12 200 hectares supplémentaires offerts à des entreprises, et l’étape 4 envisage une surface irrigable additionnelle de 9 700 hectares.

Les coûts de production pas si bas

« L’étape fondatrice du projet Jaíba s’est déroulée durant les années 1990, au cours desquelles se sont installées 1 828 familles de colons agriculteurs sur des parcelles de 5 hectares en moyenne. Aujourd’hui, ces familles exploitent environ 5 000 hectares. Auxquelles il faut ajouter 14 000 hectares de cultures exploitées par des entreprises », dit-il. « La deuxième étape a eu lieu entre l’an 2000 et 2010 et a été destinée exclusivement à des entreprises. Soixante-dix d’entre elles ont été tentées par l’aventure et ont acheté des parcelles de 30 à 90 hectares. Aujourd’hui, ces dernières cultivent 15 000 hectares, dont 3 850 de bananiers et 145 de manguiers », précise-t-il.

Le projet serait une réussite sur le plan de l’emploi avec 30 000 postes couverts, surtout par des saisonniers. « Le bassin de Jaíba a été un énorme défi pour les fonctionnaires encadrant son développement. Nous avons connu toutes sortes de problèmes, au niveau de la construction de l’ouvrage d’irrigation, au niveau environnemental et des ressources budgétaires. Maintenant, le développement commercial du projet fait face à un obstacle, d’ordre logistique, du ressort des opérateurs privés. Car les coûts de production des fruits à Jaíba ne sont pas si bas qu’on pourrait le croire, et l’éloignement des ports de l’Atlantique fait que le marché européen reste une promesse, sauf pour le citron vert qui résiste mieux que la banane et la mangue aux aléas du transport maritime », rapporte Ricardo Demicheli. Loin de regrouper tous les atouts de la réussite, le projet Jaíba jouit d’une disponibilité en eau qui semble illimitée au regard des besoins d’irrigation.

Fernanda Sales Saab, cheffe de l’unité régionale de gestion des projets d’irrigation de la Compagnie publique brésilienne de développement des vallées des fleuves São Francisco et Parnaíba

« Nous gardons l’œil sur l’Europe »

« Depuis un demi-siècle, nous encadrons la mise en place des projets d’irrigation de cultures fruitières et céréalières dans le but de les rendre économiquement viables. Au nord du Minas Gerais, il pleut en général quatre mois par an, d’où le besoin d’irriguer les cultures de façon durable. L’avantage de cette région semi-aride est la faible pression des ravageurs et des maladies à cause, justement, de son climat sec. Cela permet aux arboriculteurs de la région de Jaíba d’avoir un moindre recours aux produits phytosanitaires.

La région fournit essentiellement le marché intérieur brésilien mais nous gardons l’œil sur l’Europe. Nous y avons effectué des envois aériens de mangues et de bananes en guise de test car le coût du fret routier pour atteindre les ports brésiliens de Santos, au sud, ou Salvador de Bahía, au nord situés à 1 000 kilomètres, tue dans l’œuf la rentabilité des opérations maritimes. Mais le fret aérien suppose l’existence de chambres froides dans l’aéroport même de Jaíba, ce qui n’est pas encore le cas. »

En chiffres

Production de fruits (en 2023, en tonnes)

1 758 118 t de mangues

862 387 t de melons

1 757 891 t de raisins

1 724 330 t de citrons

(Source : Institut brésilien de statistiques)

Le Brésil exporte vers l’Europe

Le Brésil serait le troisième producteur mondial de fruits derrière la Chine et l’Inde. Selon Abrafrutas, l’association brésilienne des producteurs et des exportateurs de fruits, le chiffre d’affaires total à l’export 2023 a été de 1,35 milliard de dollars US, un record. Son principal débouché est de loin l’Union européenne, qui représente près de la moitié de ce chiffre d’affaires. Ainsi sur les 266 000 tonnes de mangue exportées, 65,5 % de leur valeur est représentée par le marché européen. Idem pour les 228 000 tonnes de melon (67,2 % de la valeur en Union européenne). Les pourcentages d’export vers l’Europe sont encore plus importants pour les 73 000 tonnes raisins et les 166 000 tonnes de citron produites au Brésil.

Rédaction Réussir

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