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Agrivoltaïsme : quels avantages et inconvénients pour les cultures de fruits et légumes ?

Avec la loi d’accélération des énergies renouvelables, l’agrivoltaïsme se retrouve sous les feux de la rampe. Les producteurs de fruits et légumes y voient une opportunité et doivent répondre à de nombreuses sollicitations. Mais les références agronomiques font encore défaut. L’expérimentation se mobilise pour les fournir et sortir l’agrivoltaïsme de l’ombre.

A la Sefra, un module d'expérimentation de panneaux mobiles à effacement permet d’évaluer les effets sur l’établissement des arbres et leur mise à fruits.
A la Sefra, un module d'expérimentation de panneaux mobiles à effacement permet d’évaluer les effets sur l’établissement des arbres et leur mise à fruits.
© Sefra

Une définition claire de l’agrivoltaïsme a été apportée par la loi d’accélération des énergies renouvelables du 10 mars 2023. Cette loi définit, d’une part, les centrales photovoltaïques qui n’apportent pas de services à l’agriculture en facilitant l’installation de panneaux solaires sur des terrains déjà artificialisés, zones incultes ou friches depuis au moins dix ans. D’autre part, l’agrivoltaïsme pour lequel les installations photovoltaïques devront permettre de créer, maintenir ou développer une production agricole, qui devra rester l’activité principale (voir définition).

Une prise de conscience du partage de la lumière

Ce nouveau déploiement de moyens a pour but d’atteindre les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie, qui vise l’installation de plus de 4 GW de capacité photovoltaïque, soit quatre fois plus que la surface actuellement installée par an. « Les énergéticiens cherchent donc des solutions complémentaires aux friches et aux toitures du côté des terrains agricoles et de l’agrivoltaïsme », commente Céline Mehl, coordinatrice solaire photovoltaïque à l’Ademe, en décryptage d’une étude approfondie de cette agence. Ainsi, toutes les activités agricoles sont concernées et prospectées. L’aviculture voit se développer des projets d’ombrage de parcours, la viticulture, de protection à l’excès d’ensoleillement, l’arboriculture et les cultures légumières, de réduction des aléas climatiques…

Beaucoup de projets sont, et ont déjà été, mis en place chez des producteurs par des « fournisseurs d’énergie », avec souvent peu de références agronomiques et des résultats très aléatoires. Les résultats communiqués par ces entreprises sur aubergine, fraise, asperge, maraîchage diversifié, kiwi, prunier, pommier… sont le plus souvent encourageants. Sur le terrain, les témoignages de producteurs sont plus contrastés. Certains font part de leur réelle satisfaction dans la mise en œuvre de leur projet et des résultats obtenus. D’autres témoignent de leur déception par rapport à leurs attentes ou aux performances agronomiques et économiques des installations, désormais en place et contractualisées sur des dizaines d’années.

Dans certains cas, la désillusion se solde par un échec cuisant et un abandon de l’activité agricole. Avec la première vague d’installations photovoltaïques, notamment des serres, les énergéticiens ont pris conscience de l’importance du partage de la lumière et d’un besoin crucial de références pour assurer une activité agricole sous leurs structures. Car celle-ci est, dans bien des cas, la seule source de rémunération de l’agriculteur. De fait, l’information technique devient plus abondante, mais les références techniques basées sur des travaux d’expérimentation font encore défaut.

Possibilité d’ombrer ou de s’effacer

« Le CTIFL est régulièrement sollicité pour faire des études et des analyses d’impacts de structures photovoltaïques sur les vergers, cultures de fruits rouges et productions légumières », confie Anne Duval-Chaboussou, ingénieure de recherche en arboriculture et fruits rouges au CTIFL, centre de La Morinière. Mais pour l’instant, l’organisme technique ne dispose pas de module d’expérimentation sur ses centres. Quelques programmes sont en cours dans les stations régionales et les chambres d’agriculture, à partir de pilotes d’expérimentation mis en place en partenariat avec des entreprises. L’expérimentation est en marche, mais les projets sont longs à finaliser. Toutefois, depuis 2019, la station d’expérimentation de La Pugère a implanté un dispositif photovoltaïque sur 700 m2 dans une parcelle de 2 500 m2 de pommier Golden de 10 ans, en partenariat avec Sunagri et l’Inrae.

« Les panneaux mobiles ont la possibilité d’ombrer ou de s’effacer. Aussi, notre première interrogation a été d’évaluer la réponse végétale à un ombrage permanent dans le cadre d’une thèse de trois ans, en laissant les panneaux à leur capacité de production voltaïque maximale », témoigne Vincent Lesniak, directeur de la station. « Forcément, le résultat agronomique est mauvais », résume-t-il. Aussi depuis deux ans, l’essai porte sur le partage de la lumière pour combiner les intérêts agronomiques et voltaïques. Mais l’impact du gel subi en 2021 ne permet pas d’avoir le recul suffisant pour donner les premiers résultats agronomiques. « Nous sommes régulièrement sollicités par d’autres concepteurs », témoigne le responsable. Depuis 2023, un module de système de panneaux mobiles à effacement (Ombréa) a été mis en place sur des jeunes vergers de poirier et prunier (4 et 5 ans) avec notamment l’objectif d’évaluer les effets sur l’établissement des arbres et leur mise à fruits.

Priorité donnée aux besoins de l’arbre

« À la Sefra, la mise en place d’un pilote agrivoltaïque en arboriculture à l’échelle de la parcelle représente un challenge important pour la protection des vergers, face aux risques de gelées de printemps, de canicules, de grêle, induits par le changement climatique », souligne Bruno Darnaud, président de la station d’expérimentation située dans la Drôme. Le projet a été conçu entre les équipes de la chambre d’agriculture de la Drôme, la Sefra et Sunagri. Il concerne un dispositif expérimental de 1 850 m2 sur une parcelle déjà existante de pêchers (plantation 2016) et un pilote de 2,6 ha sur des cultures fruitières (abricot, nectarine, cerise), plantées après l’installation de la structure agrivoltaïque. Celle-ci est constituée de persiennes, équipées de panneaux photovoltaïques orientables placés au-dessus de la culture.

« Ce premier projet expérimental permet de recueillir des données agronomiques sur les cultures pour évaluer les effets de l’ombrage. Ces données alimenteront l’algorithme pour piloter les persiennes, avec une priorité donnée aux besoins de l’arbre », explique Sophie Stevenin, responsable de la Sefra. La station d’expérimentation observe le comportement agronomique des arbres sous ces persiennes selon différents paramètres (variétés, forme fruitière, ferti-irrigation) avec l’aide de nombreux capteurs (température, hygrométrie, humidité du sol…) et en référence à un témoin.

Engouement arboriculture et en légumes de plein champ

La station d’Invenio de Sainte-Livrade-sur-Lot (Lot-et-Garonne) teste depuis mars 2022 un module d’abri photovoltaïque dynamique sur fraise hors-sol remontante (Charlotte), fourni par la société Insolight. Celui-ci est composé de panneaux semi-transparents, avec un système modulable de superposition des cellules photovoltaïques qui permettent un effet d’ombrage de 15 à 70 %. « Le pilotage du système se fait en priorisant les besoins des plantes. Il est ainsi possible d’évaluer diverses combinaisons entre production agricole et production électrique avec une approche producteur », précise Romain Grizou, référent agriculture et énergie d’Invenio. Les deux années d’observation ont notamment montré une baisse des besoins d’irrigation. « On pense qu’il y aura un paramètre variétal à explorer », confie également le spécialiste.

Invenio suit aussi d’autres cultures maraîchères sous des serres photovoltaïques chez des producteurs. La station expérimentale souhaite accumuler des références sur une quinzaine de productions d’ici 2026. En observateur de cette filière, Romain Grizou constate un fort engouement pour les projets agrivoltaïques en arboriculture, mais aussi en cultures légumières de plein champ, pour lesquelles les niveaux d’investissement photovoltaïque sont moins importants. L’Inrae s’est également doté d’un Pôle national de recherche, d’innovation et d’enseignement sur la thématique de l’agrivoltaïsme, basé sur son centre Nouvelle-Aquitaine-Poitiers, à Lusignan (Vienne). Ce pôle vise à fédérer les recherches conduites autour de la production agricole et électrique, rassembler les acteurs publics et privés, créer des connaissances pour améliorer la production agricole, tout en produisant de l’énergie.

Ainsi, l’acquisition de données agronomiques semble aujourd’hui indispensable pour permettre aux agriculteurs de s’impliquer dans un projet agrivoltaïque. Si le cercle vertueux de l’agrivoltaïsme est d’assurer une production agricole face aux enjeux du changement climatique, d’améliorer la gestion de la ressource en eau et de conforter les souverainetés tant alimentaires qu’énergétiques, son cœur doit être la pérennité de l’activité agricole par l’amélioration du revenu des agriculteurs. Les connaissances actuellement produites et agrégées seront aussi des arguments positifs, pouvant être utilisés en réponse aux opposants de l’agrivoltaïsme qui se renforcent de jour en jour.

L’acquisition de données agronomiques est indispensable pour développer l’agrivoltaïsme.

3 projets en cours d’expérimentation

Agrivoltaïsme : le point sur l'expérimentation en fruits et légumes

Le site de l’Eplefpa de Lyon-Dardilly-Ecully dispose de 500 panneaux photovoltaïques mobiles installés au-dessus de cultures de fraises, de framboises et de plantes d’ornement dans le cadre du projet d’agrivoltaïsme « Parcelles du Futur », piloté depuis 2020 par la CNR (Compagnie nationale du Rhône) en partenariat avec Sunagri.

 

 

 

défaut

L’exploitation alsacienne Au pays des Fraises prévoit d’installer 1 440 modules photovoltaïques semi-transparents par BayWa r.e. L’installation doit laisser passer 49 % de lumière sur 4 900 m2 en couverture de culture de framboise. Le suivi agronomique réalisé en partenariat avec Planète Légumes sera comparé à une parcelle témoin de tunnel plastique maintenue sur l’exploitation.

 

 

 

Agrivoltaïsme : le point sur l'expérimentation en fruits et légumes

Pascal Lafitte, producteur d’asperge à Caumont-sur-Garonne (Lot-et-Garonne), a installé un dispositif expérimental au-dessus d’une parcelle d’asperge de 3 600 m². Des modules de trois panneaux sur rails proposés par Ombrea se superposent pour laisser passer plus de lumière et sont pilotés en fonction des besoins de l’aspergeraie. La chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne est en charge de l’expérimentation.

 

 

 

Définition de l’agrivoltaïsme

L’agrivoltaïsme désigne des installations en synergie avec l’activité agricole qui apportent un service agronomique direct, sans diminution des revenus agricoles et en maintenant la production agricole comme l’activité principale de la parcelle. Reconnu comme un outil agricole, l’agrivoltaïsme doit satisfaire l’une des quatre conditions suivantes :

• améliorer le potentiel agronomique des cultures ;

• constituer un levier qui permet aux agriculteurs de lutter contre les effets du changement climatique ;

• aider à faire face aux différents aléas de type sécheresse ou stress hydrique ;

• contribuer à améliorer le bien-être animal.

Il faut aussi que l’installation ne porte pas une atteinte substantielle à l’un des quatre services précités, ou limitée à deux d’entre eux.

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