Medfel - Libéralisation des échanges agricoles
Accords UE-Méditerranée : quel impact sur le marché des f&l ?
Quelles seront les conséquences des accords euroméditerranéens et de la libéralisation des échanges agricoles ? Charlotte Emlinger s’est penchée sur la question dans le cadre de sa thèse. Sa conclusion, l’impact de ces décisions sur le commerce devrait être faible.


« L’analyse de l’accès au marché actuel des pays partenaires de la Méditerranée (PPM) montre que les impacts en cas de libéralisation des échanges de f&l devraient être faibles, indique Charlotte Emlinger, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII). Les PPM bénéficient, d’ores et déjà, d’un accès fortement préférentiel à l’entrée du marché communautaire pour ces produits et d’importants coûts non tarifaires ont été mis en évidence à l’entrée des pays européens. Une hausse des contingents n’aurait pas le même impact sur les échanges qu’une modification du système des prix d’entrée. La plupart des études relatives à la libéralisation des échanges agricoles dans la zone Méditerranée concluent à un faible impact de ce processus sur le commerce. C’est également le cas des études conduites sur les limites à la croissance de l’offre agricole des PPM, les disponibilités en eau et terres agricoles pouvant limiter l’impact d’une ouverture du marché européen sur les échanges. Ainsi, ce travail conduit à penser qu’il est illusoire de considérer la libéralisation des échanges agricoles comme pouvant à elle seule entraîner le développement agricole des pays méditerranéens. Sans mesures d’accompagnement, l’ouverture du marché européen dans le secteur des f&l n’apporterait qu’un avantage réduit aux PPM. Des aides à la modernisation et l’organisation des filières des pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée (PSEM), assurant la maîtrise des normes de commercialisation européennes, sont nécessaires afin que les PSEM puissent réellement bénéficier de la libéralisation des échanges de f&l avec l’UE. »
Des deux côtés de la Méditerranée, les inquiétudes sont grandes. Les producteurs européens craignent un renforcement de la concurrence dans un secteur peu épargné par les crises et peu soutenu par la Pac. De l’autre, l’accès au marché européen est essentiel pour les f&l qui sont le premier secteur exportateur de ces pays dont l’UE est le premier débouché. Un marché considéré comme très protégé par les pays tiers.
La protection tarifaire dépend du prix d’entrée de la marchandise
« Malgré la mise en place de préférences tarifaires pour la plupart des pays partenaires européens (PPM) dans le cadre d’accords d’association, ces pays sont confrontés à un système de protection complexe pour exporter sur le marché européen, mobilisant différents types d’instruments tarifaires », souligne Charlotte Emlinger. Ainsi les droits de douane sont variables selon les saisons pour une grande partie des f&l. Pour certains produits, la protection tarifaire dépend du prix d’entrée de la marchandise sur le marché européen (système de prix d’entrée). Dans le cadre de sa thèse, Charlotte Emlinger s’est attachée d’abord à une analyse des protections tarifaires définies par l’UE afin d’évaluer dans quelle mesure les pays méditerranéens sont avantagés par le système de préférences européen. Son analyse porte aussi sur l’estimation de l’accès au marché européen par différents partenaires, un modèle économétrique permettant de prendre en compte l’impact des barrières tarifaires comme l’ensemble des déterminants des échanges. Le système du prix d’entrée appliqué aux seuls f&l est basé sur un prix seuil (prix de déclenchement) défini pour chaque produit. Lorsque le prix du produit d’importation est inférieur de 92 % au prix de déclenchement, le droit spécifique devient très élevé, ce qui limite l’entrée des produits et incite les exportateurs à vendre leurs produits à un prix plus élevé.
Dans le cas d’accords préférentiels, l’UE accorde des réductions de droits de douane (réduction ou exemption totale des droits ad valorem) mais cette mesure exclut les contingents tarifaires. « Cette complexité du système de protection et de préférences de l’UE rend difficile la mesure de l’accès au marché européen pour les f&l en provenance de la Méditerranée », indique-t-elle. Il apparaît néanmoins, que « la majorité des f&l en provenance des PPM entrent sur le marché européen dans le cadre d’accords bilatéraux », ainsi, « la part des f&l entrant sur le marché sans aucune préférence est relativement faible. » Le calcul des marges préférentielles (comparaison entre les droits de douane payés par les fournisseurs et le montant des droits qu’ils auraient eu à payer sans préférences tarifaires) montre que la plus grande partie des préférences accordées par l’UE dans le secteur des f&l bénéficient aux PPM (41,6 %), alors que ces pays ne représentent que 22,5 % des importations totales. La marge préférentielle des PPM représente 5,2 % des exportations vers l’UE et les pays bénéficiant de la politique de voisinage sont ceux pour lesquels la marge préférentielle est la plus forte comparée à la valeur des exportations (18,4 %). L’Algérie, la Tunisie et le Maroc sont les pays méditerranéens pour lesquels la marge préférentielle est la plus élevée. Cela s’explique pour l’Algérie et la Tunisie par les faibles droits appliqués aux exportations. Celle du Maroc s’explique par la très forte spécialisation sur des produits très taxés. En revanche, Israël et la Turquie ne bénéficient pas de fortes marges préférentielles. En conclusion « cette analyse de l’accès au marché européen pour les PPM montre que ces derniers bénéficient d’ores et déjà de préférences importantes sur le marché européen. Ces préférences issues d’accords antérieurs, laissent globalement peu de marge à une libéralisation plus avancée. »
Le deuxième volet de l’analyse (estimation économétrique) permet de prendre en compte l’ensemble des barrières aux échanges avec l’UE. A ce chapitre la conclusion est aussi optimiste : « Les barrières tarifaires sont loin d’être les seuls déterminants aux échanges. Les coûts de transport, mais aussi les coûts aux échanges autres que tarifaires, limitent l’accès au marché de l’UE. Ces coûts élevés à l’intérieur même du marché européen font relativiser l’impact d’une réduction des droits de douane sur les échanges. Une libéralisation même totale n’éliminerait pas l’ensemble des barrières au commerce. »
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De l’Union méditerranéenne à l’Union pour la Méditerranée : appréhensions et aspirations des pays du Sud
Mardi 4 mai
11h45-12h30
Antoine Sfeir
Sécurité alimentaire en Méditerranée : un enjeu géostratégique majeur
Mercredi 5 mai
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Foued Cheriet (ingénieur)
Hassan Benabderrazik (économiste)
Antoine Sfeir