Formation : privilégier l'alternance pour les chefs de rayon

A l'Isffel, on diversifie les savoirs en impliquant les distributeurs

L'Institut supérieur de formation f&l (Isffel) propose huit formations par alternance. L'essentiel des cours est assuré à Saint-Pol-de-Léon mais l'institut a aussi noué des partenariats avec d'autres centres et propose certaines formations à Rennes, Nantes, Poissy et Montreuil. Un Isffel Val de Loire a été créé en 2012 à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) à la demande des professionnels de la région.

• En Bretagne

Créé à Saint-Pol de Léon en 1993 à l'initiative du Cerafel, l'Isffel a d'abord eu pour vocation de former les futurs managers de rayon f&l. « L'objectif était que les chefs de rayon sachent préserver la qualité des f&l en magasin et qu'ils aient une meilleure connaissance de la filière et des produits bretons », explique Patrice Priser, directeur de l'Isffel. Reconnu Centre de formation d'apprentis (CFA) en 1998, l'institut propose huit formations par alternance, du niveau post-bac au niveau bac +5. En plus des enseignants universitaires rattachés à l'Isffel, une cinquantaine de consultants professionnels assurent une grande partie des cours. S'y ajoute un peu de formation continue pour les salariés d'entreprises de la filière f&l. Les métiers du commerce et de la distribution et les f&l restent au cœur des formations. Sur 400 étudiants en formation cette année, 220 jeunes venus du Grand-Ouest, mais aussi de toute la France, suivent la Licence professionnelle Commerce, Management & Marketing. Et les f&l représentent globalement 20-25 % de l'activité de l'Isffel, car celui-ci a élargi son périmètre d'actions à d'autres secteurs (agroalimentaire, jardinerie, grande distribution spécialisée, magasins de sport, décoration...). Et il a aussi diversifié ses formations à d'autres domaines que le commerce, notamment à la sécurité alimentaire et à la logistique.

« La logistique est un point clé pour la filière légumière et agroalimentaire bretonne, souligne Patrice Priser. Du fait de son éloignement des grands centres de consommation, elle doit bien réfléchir tous les aspects de la logistique et a besoin de savoir-faire dans ce domaine. » Après la création en 2005 d'un Master 2 Management des chaînes logistiques, suivi par des étudiants venus de toute la France, l'institut a créé, il y a deux ans à la demande de Pomona, une Licence professionnelle Logistique de distribution. Tous les aspects de la logistique y sont abordés : traçabilité et systèmes d'information, logistique appliquée aux entrepôts, avec une spécialisation sur la gestion d'entrepôts de produits frais, supply chain management, organisation et droit du transport (routier, maritime, aérien, fluvial, rail-route...), gestion d'équipes... Chaque année, une vingtaine de jeunes suit désormais cette formation qui est assurée en lien avec l'IUT de Saint-Malo. « Nous avons pu mesurer que cette diversification permet d'attirer plus de jeunes vers les f&l, précise Patrice Priser. Sur cinquante jeunes en contrat d'apprentissage avec une entreprise de la filière f&l, la moitié n'était, a priori, pas intéressée par ce secteur. »

• En Pays de la Loire

Alors que l'hiver s'installe, quatorze élèves écoutent attentivement Jean-Paul Bonniou, formateur en marketing du point de vente au CFA Jules Rieffel de Saint-Herblain en banlieue nantaise. Depuis le 14 septembre, Maeva, Nicolas, Pauline et les autres suivent la formation de responsable de rayon de produits frais managée par Isffel Val-de-Loire et le CFA Jules Rieffel. L'association forme pour la deuxième année des jeunes sous contrat d'apprentissage comme le pratique l'Isffel Bretagne depuis plus de vingt ans. « L'objectif est de valoriser la qualité de la production agricole régionale auprès des GMS, affirme IDfel, à l'origine de la constitution de l'association. Il s'agit aussi de sensibiliser des jeunes aux métiers de l'amont et aux soins des produits. » Le contenu des cours – qui se déroulent sur une année scolaire – est basé sur un référentiel du ministère du Travail et de l'Emploi, avec une option produits frais. Il est identique à Nantes et à Saint-Pol-de-Léon, afin d'avoir un partage des bonnes pratiques. Jean-Paul Bonniou fait d'ailleurs partie des enseignants qui exercent sur les deux sites.

Les élèves de niveau Bac, avec une orientation commerciale et de moins de 26 ans, sont recrutés après examen de leur dossier et entretien, par Frédéric Duchesne, responsable de la formation. Ce dernier démarche aussi les enseignes qui hébergent les élèves. Carrefour, Auchan, Géant Casino, Système U, Promocash et Leclerc accueillent cette année des apprentis. « Le fait qu'en 2012 la Région des Pays de la Loire nous a octroyé l'agrément pour la formation en apprentissage intéresse les entreprises », précise le responsable de la formation. Le contrat d'apprentissage ouvre droit à différentes aides pour la société (exonération totale ou partielle de cotisations sociales, prime à l'apprentissage versée par la Région aux entreprises de moins de onze salariés, crédit d'impôt). Quant au stagiaire, sa formation (deux jours par semaine pour trois jours en entreprise) est gratuite. Le financement de la formation, revu chaque année, dépend des conventions passées avec les enseignes, et de la taxe d'apprentissage octroyée par les producteurs eux-mêmes.

Le programme est très cadré et concerne la valorisation des produits frais. A Saint-Herblain, l'accent est mis logiquement sur les f&l. La formation se divise en quatre parties : mercatique et gestion commerciale, management des équipes, connaissances des produits et gestion comptable et financière. Les élèves pratiquent des jeux de rôle, s'essaient à la reconnaissance des f&l ou encore organisent la surface de vente en travaillant sur les plans de masse et l'organisation des rayons. Après quelques mois de cours, leur enthousiasme reste intact. « L'alimentation est un secteur d'avenir, déclare Julien. Nous aurons toujours besoin de nous nourrir. Et travailler en GMS nous donne des perspectives d'évolution, en France mais aussi à l'étranger. » « Les f&l, c'est vivant, relève Eloi. Ils nous demandent beaucoup de connaissances et d'attention. » Jusqu'à présent, c'est le cours de management qui aurait le plus impressionné ces jeunes, tous chargés dans leur enseigne respective de la mise en rayon, l'évolution de leur travail étant attendu au cours du second semestre. L'hygiène est aussi un domaine qu'ils découvrent ou approfondissent. « Ici, nous apprenons une foule de détails qui, avant, nous paraissaient normales, par exemple sur l'organisation du rayon », insiste Maeva. Ils découvrent aussi l'amont de la filière. La plate-forme logistique d'Océane (cf. fld hebdo du 28 mai 2014) de La Chevrolière (Loire-Atlantique) a apparemment plus impressionné que la visite en exploitation maraîchère. « Le rayon f&l évolue fortement, conclut Jean-Paul Bonniou. La Ve gamme innove constamment. La fraîche découpe arrive en rayon, le libre-service intégral se développe. Le e-commerce progresse. Nos élèves doivent acquérir de nombreux savoirs pour suivre et devancer ces évolutions. » Mi-septembre 2015, les quatorze élèves auront normalement obtenu leur diplôme, compétences acquises et rapport de stage présenté. La première promotion, huit élèves, a poursuivi son cursus en vue d'un BTS ou a été embauchée en CDI ou CDD dans des enseignes de la région. Deux d'entre eux repassent les examens en candidature libre. « Une seconde année de formation serait nécessaire, constate Frédéric Duchesne. Les élèves ont parfois peur de se lancer dans un contexte de marché du travail difficile. Par ailleurs, l'enseigne estime qu'une année supplémentaire serait utile pour connaître véritablement le métier. » L'an prochain, pour les élèves qui le souhaitent, une deuxième année de formation sera offerte afin d'obtenir un certificat de responsable technico-commercial de rayon délivré par le ministère de l'Agriculture.