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Rail
2016, année du fer pour les fruits et légumes?

Le terminal de Rungis demeure l'emblème de la pertinence de l'offre ferroviaire pour les fruits et légumes. Et les autoroutes ferroviaires pourraient l'être bientôt aussi.

Le 18 janvier dernier, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, annonçait la mise en place d'un soutien exceptionnel de 10 millions d'euros pour le développement du transport combiné. Sur la trentaine d'opérateurs retenue après un appel à manifestation d'intérêt sur des projets développés à partir de terminaux en France, une quinzaine relève du domaine ferroviaire.

Cette annonce intervient alors que Fret SNCF déploie en ce début d'année plusieurs offres et innovations qui pourraient convaincre les opérateurs, ceux des fruits et légumes en premier lieu, de favoriser un peu plus le rail. « Fret SNCF est conscient que les chargeurs fruits et légumes doivent retrouver de la confiance dans son offre, explique Philippe Tachon, directeur commercial Fret SNCF Combi-Express. Ce marché a des contraintes propres : des produits à valeur ajoutée faible avec en plus d'importantes exigences en matière de transit time. La possibilité de massification, grâce aux trains complets, permet de réduire les contraintes organisationnelles de logistique, et générer des économies. »

Fret SNCF innove en 2016

L'important est de pouvoir répondre sur la principale demande des opérateurs : la régularité. Pour cela, deux innovations sont mises en place par l'opérateur historique : « D'une part, depuis janvier, nous avons lancé un outil de traçabilité des trains qui permet au donneur d'ordre de les suivre en temps réel grâce à une application accessible par Internet, avec les gains de lisibilité et de réactivité que cela entraîne. De plus, depuis fin décembre, les équipes opérationnelles en charge du suivi des trains sont personnalisées par client. Elles sont ainsi aptes à prendre des décisions et intervenir dans les arbitrages. Cela permet d'améliorer sensiblement la qualité de notre réactivité lors de contraintes d'acheminement », énumère Philippe Tachon.

Rungis, un terminal exemplaire...

Lorsque l'on évoque fruits et légumes et transport ferroviaire, le terminal de Rungis, lancé en 2010, vient à l'esprit. Deux quais de 370 m de long et 10 m de large, une capacité d'arrivage de 400 000 t par an, une manutention à quai optimisée (30 minutes pour décharger un train complet de vingt-quatre wagons réfrigérés) : le site est structurant pour développer une offre en trains complets. Actuellement, deux trains complets par jour partent de Perpignan et deux autres d'Avignon. Trois de ces trains sont à destination de la région parisienne (deux spécifiquement vers le terminal ferroviaire de Rungis). La quatrième ligne va vers la plate-forme de Dourges (Pas-de-Calais). Si le terminal de Rungis a su trouver une activité raisonnable dès le début, cela est aussi dû à la présence des deux mêmes transporteurs routiers (Tansalliance/Philippe Rey et Rocca) aussi bien à Rungis qu'à Perpignan, ce qui a assuré la cohérence de pré-et post-acheminement des fruits et légumes. Grâce à un statut particulier concédé par SNCF Réseau, ces trains de fret circulent à 140 km/h, un fait unique en Europe, où en général ce type de vitesse élevée n'est pas la norme. « De plus avec des départs tardifs des zones de production (19h50) et des arrivées à 2h30 et 4h30 sur le terminal de Rungis, nous offrons une prestation impossible à réaliser par un poids lourd avec un seul chauffeur », souligne Philippe Tachon.

... et fragile

Pour exemplaire qu'il soit, le terminal ferroviaire est fragile. Quatre ans après sa rénovation, les premières inquiétudes se sont fait jour (cf. fld hebdo du 28 mai 2014) : l'utilisation de seulement 50 % de sa capacité a jeté une ombre sur son exploitation complète à moyen terme avec le risque, l'an passé, de voir un des deux trains supprimé. L'organisme gestionnaire du marché, la Semmaris, souligne que l'avenir du terminal ferroviaire a fait l'objet de beaucoup d'attentions tout au long de 2015. En particulier, un comité de pilotage a été mis en place regroupant les opérateurs du terminal, les grossistes et Fret SNCF. Les vertus du dialogue ont une fois de plus été bénéfiques : en octobre dernier, les deux trains étaient maintenus. Le fait que la Scofel, filiale fruits et légumes du groupe Auchan (soit 10 000 t de fruits et légumes par an), ait décidé de revenir utiliser les infrastructures du terminal n'y est certainement pas pour rien. Pour Fret SNCF, c'est une marque de confiance dans la pertinence de l'offre.

Une offre au coupon

Le marché des fruits et légumes est saisonnier et doit composer avec des pics de consommation. D'où la difficulté pour Fret SNCF de commercialiser, auprès d'un opérateur, des trains complets Sud-Nord bien remplis sur toute l'année. « Pour répondre au marché et offrir plus d'agilité, Fret SCNF lance début 2016 une offre dite “au coupon” qui donne la possibilité à un opérateur d'acheter une série de wagons sur un train massif déjà commandé mais disposant encore de disponibilités en termes de charge tractable. Elle est cours de finalisation sur l'axe Perpignan-Rungis. » Le bénéfice est bien sûr d'optimiser le taux de remplissage et de proposer plus de souplesse économique.

Nouvelle ligne vers Montauban

Pour être rentable, une ligne doit pouvoir transporter dans les deux sens. S'il peut paraître aisé d'emmener des fruits du sud de la France, d'Espagne ou du Maghreb vers Rungis et son important bassin de consommation, le fret retour peut poser un vrai problème. La récente desserte entre Rungis et Montauban est emblématique de ce que propose Fret SNCF. « Nous avons aussi encore des marges de progrès afin d'améliorer le remplissage des flux en descente (Nord-Sud), alors que les horaires et transit time sont aussi très bien adaptés aux attentes des chargeurs, concède Philippe Tachon. En effet, nos trains au départ de Rungis en fin de journée arrivent à Montauban dès 4h00, ce qui présente un double avantage pour le donneur d'ordre : il évite les sorties de Paris par la route en heure de pointe et peut assurer une distribution fine dans les zones de consommation de toute la région toulousaine. »

L'avenir du côté de l'Espagne

Pour le directeur commercial de Fret SNCF Combi-Express, le marché est bien couvert sur la région Paca même s'il reste encore quelques pistes à explorer. Et désormais, il s'agit de voir plus loin. Ainsi l'opérateur historique tourne son regard plus au sud : « A l'ouest du golfe de Lyon, la zone de chalandise se situe au-delà de la frontière espagnole. Nous ne sommes pas à l'heure actuelle sur l'Espagne mais demain nous y serons », martèle Philippe Tachon, qui souligne que l'on compte environ 16 000 camions traversant quotidienne-ment la frontière en provenance du sud et de l'est espagnols : c'est un marché captable même si tous ne sont pas affrétés pour des fruits et légumes.

Et ce d'autant plus que, dans le cadre du cabotage routier européen où les poids lourds ont droit à trois arrêts, les transporteurs espagnols sont de plus en plus réticents à en consacrer un sur le territoire français. « Nous travaillons donc actuellement sur des projets soit en provenance du grand sud espagnol vers l'Europe du nord, soit de Barcelone ou Valence vers la France. En Espagne, nous collaborons avec Comsa Rail Transport et Renfe pour bâtir de nouvelles liaisons ferroviaires au départ de Valence ou Barcelone. Qu'il s'agisse de solutions de vente au coupon associées à des trains du conventionnel ou du combiné, ou encore de trains complets, ces projets devraient aboutir dans l'année », précise Philippe Tachon.

Prendre l'autoroute… ferroviaire

Lorsqu'il s'agit de très grandes distances, l'option “autoroute ferroviaire” peut être envisageable, pour les fruits et légumes aussi. C'est le cas pour celle qui reliera Le Boulou, à la frontière franco-espagnole, au port de Boulogne-Calais (prévue pour le 12 janvier, son lancement a été reporté à cause de la situation migratoire sur la zone) pour toucher les marchés anglais et belges (cf. fld hebdo du 21 octobre 2015). Le service, baptisé “VIIA Britanica” et exploité par VIIA, la filiale dédiée aux autoroutes ferroviaires de la SNCF, s'appuie sur le nouveau terminal construit pour 7 millions d'euros par le port de Calais et l'Union européenne. Il a été conçu pour les wagons surbaissés développés par l'alsacien Lohr Industrie. Particularité : les remorques seules sont chargées horizontalement sur les wagons. Objectif : 25 000 remorques en 2016, puis 40 000 unités par an au cours des cinq années suivantes.

Des transporteurs spécialisés fruits et légumes sont déjà sur les rangs à l'instar du néerlandais Visbeen ou de l'espagnol Maso. Et même si la discrétion reste de mise sur le sujet, il existerait un potentiel pour une liaison entre le marché de Rungis et l'autre autoroute ferroviaire de VIIA entre Chambéry et Turin.

Port, fruits, rail : équation complexe

Calais n'est pas seul des ports français à vouloir développer le transport ferroviaire dans son offre modale. A titre d'exemple, le port de Dunkerque dispose de 200 km de voies ferrées portuaires reliées aux réseaux national et européen. Le trafic atteint 13 millions de tonnes, ce qui fait de Dunkerque le premier port ferroviaire français (11 % du total). Mais les fruits ne sont pas concernés. Autre exemple : conçu pour capter les flux de conteneurs maritimes et les massifier en vue d'un transport par rail (et par voie d'eau), le terminal multimodal du port du Havre ne connaît malheureusement qu'une activité faible six mois après son ouverture. Néanmoins, fin janvier, Haropa (regroupement des ports du Havre, Rouen et Paris) a néanmoins indiqué que la zone ferroviaire du terminal serait opérationnelle au printemps de cette année.

L'équation est complexe pour le développement du transport ferroviaire sur les places maritimes. Déjà, il demeure difficile pour certaines de trouver des sillons pour le fret de nuit. Surtout, il reste une donnée incontournable : les fruits sont transportés en conteneurs reefer, ce qui demande une alimentation électrique spécifique. Même si d'autres pays se sont lancés (lire encadré), le modèle économique est donc difficile à trouver. A moins que les conteneurs ne soient dépotés préalablement chez un logisticien installé sur le port.

En Italie, rail rime avec ports

C'est de la péninsule italienne que sont venus au début de l'année des développements intéressant le rail et les fruits et légumes. Un service ferroviaire (photo) a ouvert à titre expérimental début janvier entre le port de Savone-Vado, premier port italien pour les fruits, et la plate-forme de Orbassano, située à proximité du marché de gros de Turin (500 000 t de fruits et légumes par an). Le port pourra ainsi toucher le nord de l'Italie, le sud de l'Allemagne, la Suisse et la France. Autre exemple : au sud du pays, c'est le port de Tarente qui envisage de créer une plate-forme pilote à Ferrandina, située à 80 km de la place portuaire dans le Basilicate. Un bâtiment de 10 000 m2 sera construit pour opérer le transfert route-rail de 7,5 Mt de fruits et légumes par an. L'investissement se monte à 1,85 M€, dont 932 000 € de l'Union européenne.

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