Classement 700 leaders
2015, bouleversements des réseaux, essor des marques?
Nous verrons ci-dessous et dans les tableaux de résultats “2013” que cette année-là a été bonne. Las ! 2014 n'est pas du même tonneau : la crise des fruits d'été a laissé des traces et, plus encore, la persistance de la crise sociale ne favorise pas la consommation alimentaire : son volume stagne depuis 2011.
Ainsi 2014 s'illustre pour le commerce de fruits et légumes par un retour de balancier par rapport à 2013 : plus de volume consommés (au moins par les ménages) et des prix en baisse (de plus de 4 %, selon Kantar).
2013 : une deuxième bonne année après 2012 et… avant 2014
Les données des entreprises présentées sur le tableau sont relatives à 2013, qui restera comme une bonne année pour le commerce de gros et l'expédition de fruits et légumes. Sur cette période, les prix ont été orientés positivement pour les producteurs et le système commercial, alors qu'au stade de détail, le prix moyen a progressé de 6 % selon Kantar/FranceAgriMer et que les tonnages se sont repliés.
L'examen rapide des données de chiffre d'affaires et de marge des 700 leaders montre que la progression du chiffre d'affaires est la règle dans 60 % des cas et celle de la marge brute dans 65 %. Rappelons qu'en 2012 la progression touchait plus d'une entreprise sur dix.
Comme souvent dans la filière fruits et légumes multiforme, les hausses de chiffre d'affaires et de marge brute compensent les baisses.
L'année a été bonne pour les pommes de terre : les entreprises spécialisées enregistrent des progressions de chiffre d'affaires et de marge brute parmi les meilleures de notre liste. Elle a été exceptionnelle pour le champion français de la IVe gamme, qui s'impose comme le leader européen et sans doute l'une des toutes premières entreprises mondiales pour cette production d'avenir. Elle a été en demi-teinte pour les champions de la tomate et pour certains réseaux de grossistes. Comme souvent dans cette filière multiforme, des hausses compensent des baisses.
Fin 2014, le redécoupage des réseaux
Il y a un an, nous avions souligné la progression des réseaux Creno et Hexagro, de même que la réussite de certains réseaux d'amont, souvent coopératifs. Le fait est que les données 2013 confirment la dynamique de Creno qui, avec un chiffre d'affaires cumulé de 1,12 Md€, a progressé de 9 % et confirmé son premier rang national pour le commerce de fruits et légumes frais et de marée. Cela étant, la fin de 2014 est marquée par une scission dans ce groupement qui a pour effet de redéfinir la géographie des alliances : le tableau des leaders “2015” sera un peu changé !
L'actualité des dernières semaines a été animée par les faits suivants : le départ de certains adhérents de Creno, le recrutement de nouveaux “crénistes”, le regroupement de certains des crénistes partants avec les membres d'Hexagro.
Plus précisément :
• Le groupe Canavese redevient indépendant, avec un chiffre d'affaires de 126, 5 M€. L'opérateur des Bouches-du-Rhône figure au 21e rang de notre classement 2013.
• Le nouvel “Hexagro” démarre sur une base de 812 M€, sous forme coopérative, réunissant vingt-trois entreprises (cf. fld hebdo du 10 décembre 2013).
• Nous estimons le chiffre d'affaires de Creno, amputé de 500 M€ avec le départ de neuf adhérents, à presque 700 M€ en tenant compte de six nouveaux adhérents (cf. fld hebdo du 3 décembre 2014).
Autrement dit, il se précise une concurrence entre trois réseaux d'égale importance : TerreAzur (branche frais de Pomona), Creno désormais recentré et la nouvelle coopérative (Hexagro).
Cette structuration fait écho à celle que l'on peut observer dans d'autres métiers du commerce de gros : boisons, surgelés, produits laitiers, par exemple et qui, comme les opérateurs des fruits et légumes, ont la restauration hors domicile comme axe commercial principal ou unique.
Comme les réseaux de primeurs, les voies de la croissance passent par une diversification des gammes, voire des réseaux de clientèle (toujours en “food service”).
Dans dix ans, nous évoquerons peut-être la fusion de ces réseaux, devenus multiproduits. La question est aujourd'hui de savoir si, dans cette évolution probable de l'expertise produit (fruits et légumes, produits laitiers, etc.) vers l'expertise métier (le service client, la logistique, la gestion de gamme), les deux nouveaux réseaux à dominante fruits et légumes sont bien placés pour être encore là dans une décennie.
Développement des marques de f&l frais
L'actualité des réseaux a été aussi, en 2014, la prise de la licence de Géant Vert frais par le réseau Creno. Il est trop tôt pour savoir si cette initiative sera plus ou moins porteuse que celle qui a consisté, en 2012, pour la même marque, à accorder une licence à Bakkavör pour le développement sur le marché français, peu avant son retrait.
Le fait est intéressant à un autre titre : c'est la perspective de l'essor de grandes marques en f&l frais, pour le marché des ménages. Le numéro un mondial de fruits et légumes frais, le groupe Dole, a abandonné ses conserves, activité fondatrice presque bi-séculaire, mais développe sa IVe gamme et surtout des produits de Ière gamme préemballée. Il n'y a là rien de nouveau, si ce n'est que certaines évolutions, parfois assez lentes, finissent par changer complètement la donne. Quand elles sont mises en œuvre par de très grandes sociétés (General Mills, propriétaire de Géant Vert, parmi d'autres marques, est, avec un chiffre d'affaires de 17 milliards de dollars l'une des vingt premières entreprises alimentaires mondiales), cela pourrait entraîner quelques conséquences.
La leçon est que la logique de marque passe par la communication, le préemballage, l'animation de gammes. C'est sans doute par ce moyen que les fruits et légumes frais pourront prendre, sur le marché alimentaire, une plus grande place qu'aujourd'hui, apportant aux enseignes une promotion (qui se fera d'autant plus rare que le soutien public disparaît au nom de la rigueur budgétaire), des marges, une simplicité de gestion, une propreté que la vente en vrac ne sait pas toujours offrir, un dosage que les consommateurs ne savent pas toujours bien effectuer.
Dans le même ordre d'idée la réflexion pour le développement des emballages micro-ondables pour les pommes de terre “en l'état” semble devoir se relancer. Le problème est ici assez simple : quel est le temps de préparation ? Les pommes de terre ne se consomment pas crues : le passage au microondes permet-il d'aligner le temps de cuisson de tubercules sur celui des pâtes fraîches ?
On conclura par deux questions sur cette perspective, à moyen et long terme, d'industrialisation du conditionnement des fruits et légumes frais. Premièrement, à quels opérateurs va-t-elle profiter ? A ceux de l'expédition, tels que Savéol, Prince de Bretagne et Perle du Nord ; aux réseaux de distribution, assembleurs de gammes, comme Pomona, Creno et Hexagro ? Aux industriels du légume comme Bonduelle et Agrial ? Cette tendance vat-elle, ici comme ailleurs, favoriser la concentration internationale d'une activité, qui, au vu de nos classements, reste encore très nationale.