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Des débuts prometteurs pour l’agrivoltaïsme en vigne

Protéger les vignes d’un soleil toujours plus cuisant grâce à des panneaux photovoltaïques. Tel est le but de l’agrivoltaïsme, dont les premiers résultats sont encourageants.

Mettre les vignes à l’ombre de panneaux photovoltaïques pour les protéger des effets délétères du réchauffement climatique tout en récupérant de l’énergie. C’est une idée qui est apparue il y a déjà quelques années. Elle a pu être testée en conditions réelles pour la première fois en 2019. L’entreprise Sun’Agri, qui a commencé ses travaux en 2016 avec l’Inrae de Pech-Rouge, dans l’Hérault, a installé début 2019 un dispositif sur le domaine expérimental viticole de la chambre d’agriculture du Vaucluse à Piolenc. Sur 1 000 m2, 280 panneaux rétractables ont ombragé une parcelle de grenache noir. « Les tests que nous avions réalisés en pots auparavant nous ont permis d’établir un programme de ce que l’on appelle un agrivoltaïsme dynamique », explique Perrine Fortin, responsable du pôle agro chez Sun’Agri. En clair, l’ombrage a été modulé tout au long de la saison en fonction des stades phénologiques, certains nécessitant plus de lumière, ainsi qu’au gré des conditions météorologiques.

L’ombrage partiel n’a pas perturbé la photosynthèse

Deux stratégies ont été testées, avec des intensités et des périodes d’ombrage différentes. Des ajustements étant faits en temps réel en fonction des stress hydriques, thermiques et radiatifs. « Nous avons toute une batterie de capteurs pour nous aider : de température foliaire, de rayonnement mais aussi des microdendromètres et des sondes capacitives… », précise la responsable. Selon elle, les premiers résultats de ce système d’agrivoltaïsme sont très encourageants. « La première des conclusions, c’est que nous avons réussi à maintenir le rendement et la qualité de la récolte, dit-elle. Nous n’avons pas relevé de différence en ce qui concerne la capacité photosynthétique. » Les résultats montrent des taux d’anthocyanes et d’acidité tous deux supérieurs de 10 à 15 % dans la modalité ombragée. L’explication précise de ces bons résultats n’est pas connue, mais une hypothèse est que l’ombre a limité le blocage physiologique et la dégradation de l’acide malique. De même, la chute des apex est intervenue plus tard, et les sarments hivernaux étaient plus longs. Une différence nette a aussi été constatée au niveau de l’irrigation : celle-ci a été nécessaire quinze jours plus tard dans la modalité ombragée, et 40 mm ont été apportés sur la saison contre 63 pour le témoin. « L’ombrage a également montré un intérêt lors de l’épisode caniculaire de fin juin où nous avons eu 46 °C, cela a permis d’éviter le stress sévère qu’ont subi les autres parcelles », ajoute Perrine Fortin.

Des microvinifications sont attendues pour le millésime 2020

Ces conclusions sont pour la plupart partagées par l’entreprise Ombréa, qui a installé une expérimentation similaire depuis juin 2019 à Rians dans le Var, en partenariat avec l’IFV et la Société du canal de Provence. Elle fait état de très bons résultats. « Ce que nous retenons de cette année c’est la diminution de 5 % de la teneur en sucre, ce qui fait gagner presque un degré d’alcool, et l’augmentation de 4 % du poids des baies », relate Julie Davico-Pahin, cofondatrice d’Ombréa. Sur les 3 000 m2 de vignes couvertes, et comme sur l’essai de Piolenc, le stress hydrique relevé par l’IFV a été moins intense. Et les plants ont moins souffert de la sécheresse. L’effet sur l’irrigation n’a pas été mesuré en 2019 mais le sera cette année. La firme pense d’ores et déjà aux démarches qu’il faudra réaliser auprès de l’Inao pour prouver la pertinence de tels systèmes pour les appellations. D’ailleurs les deux entreprises iront cette année jusqu’à l’étape de la microvinification, pour évaluer les potentiels effets de l’ombrage sur les caractéristiques organoleptiques du vin.

Concernant la production d’électricité, les deux sociétés n’avancent pas de chiffre, « car ce n’est pas le but de la manœuvre, et c’est très variable », explique Perrine Fortin. Même chose du côté d’Ombréa où l’on explique que « l’aspect photovoltaïque n’est pas un sujet pour nous ». L’entreprise affirme toutefois, après quatre ans de retours d’expériences sur différentes cultures, que les projets sont rentables et que l’énergie produite est suffisante pour couvrir les investissements.

Un effet également positif sur le gel

Lors des épisodes de gel qui ont frappé le sud de la France fin mars, les acteurs de l’agrivoltaïsme ont pu constater un effet de leurs solutions dans la lutte contre les vagues de froid. « On peut influencer le microclimat de la parcelle en fonction de la position des panneaux, explique Christian Davico, cofondateur d’Ombrea. Ils jouent sur les mouvements d’air et l’humidité, et agissent comme une couverture nuageuse. » Sur la parcelle expérimentale de Rians dans le Var, la température a été 45 % plus élevée lors de la sévère gelée qui a touché le département, ce qui a permis d’éviter les dégâts. Même observation du côté de la société Sun’Agri. Sur une gelée blanche, les panneaux placés à la verticale ont permis une température plus élevée de 1 à 3 °C sur les cultures installées sous le dispositif, par rapport à celles d’à côté. « Sur l’installation de Montpellier c’était flagrant. À l’œil nu on pouvait voir la gelée blanche au sol sur tout le paysage, sauf sous les panneaux », assure Perrine Fortin, chez Sun’Agri. Cette année Ombréa équipera sa parcelle de Rians de filets horizontaux, « ainsi le système permettra de couvrir tous les risques climatiques », relève Christian Davico.

Avis d’expert : Éric Chantelot, directeur du pôle Rhône-Méditerranée de l’IFV

« Nous avons besoin de recul sur la viabilité de tels systèmes »

Les dispositifs d’agrivoltaïsme méritent que l’on s’y intéresse, mais il est trop tôt pour crier victoire. Il y a quelques questions qui se posent, notamment en ce qui concerne le paysage et le volet économique, car ces panneaux ne sont actifs que sur 30 à 40 % de la surface et seulement une partie de l’année. D’un point de vue agronomique, il semble effectivement qu’ils aient le même effet que des filets d’ombrage, à savoir d’atténuer les stress hydriques et thermiques, et de retarder la maturité technologique. Sur ce point, ils pourraient être une solution pour accompagner les viticulteurs dans la lutte contre les effets néfastes du réchauffement climatique et il ne faut pas leur fermer la porte. Mais avant de penser à un déploiement, il faut encore étudier la gestion des panneaux par rapport à la production, et voir si la cohabitation peut être viable. Car la vigne doit être prioritaire, et en fonction de la rétractation des panneaux, peut-être que la production d’électricité ne sera pas suffisante pour être rentable. En somme il faut être vigilant et identifier les contextes où ces systèmes sont pertinents.

voir plus clair

Les panneaux sont installés sur une structure entre 4,2 et 4,5 m de haut, de façon à ne pas perturber la mécanisation, y compris de la vendange. Les poteaux qui soutiennent cette structure quant à eux sont disposés sur un maillage de 7 à 10 m. Cela représente un rang sur quatre sur la parcelle de Sun’Agri et un rang sur cinq sur celle d’Ombréa. La rangée qui accueille les poteaux est donc difficilement mécanisable. Aussi les producteurs envisagent souvent d’autres cultures sur ce rang, voire du raisin de table, qui doit être quoi qu’il en soit ramassé à la main et permet une meilleure valorisation.

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