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Dans la Sarthe, il tire tout bénéfice de l’environnement de son élevage ovin

Pierre Crouigneau est installé dans la Sarthe et il a su tirer profit des caractéristiques de son exploitation tant au niveau de la qualité des sols que des bois environnants.

Dès que l’on avance sur l’allée gravillonnée de l’exploitation de Pierre Crouigneau, on se sent happé par l’histoire qui semble se dégager du lieu, situé à Bazouges-Cré-sur-Loire, dans la Sarthe. La passion de l’élevage ovin, jumelée à celle de la gestion des surfaces boisées, est transmise dans la famille depuis trois générations. Car Si Pierre a repris l’exploitation de sa mère en 2016 lorsqu’elle est partie à la retraite, elle a été créée une génération avant par son grand-père.

Trentenaire dynamique et souriant, Pierre Crouigneau a basé sa conduite d’élevage sur deux grands axes : gérer au mieux son temps de travail d’une part, tirer le maximum d’avantages de l’environnement de sa ferme d’autre part.

Pierre Crouigneau est double actif, il est salarié d’une entreprise de semences potagères 35 heures par semaine, c’est pourquoi il s’efforce de limiter le temps passé sur l’exploitation à une trentaine d’heures hebdomadaires. « Je finis mon travail vers 17 h, je consacre environ 3 h heures par jour au troupeau et 20 h pendant le week-end. » À la reprise de l’exploitation, il a baissé le nombre de brebis, passant de 350 à 220 brebis Mouton vendéen, agnelles comprises. Il a équipé ses deux bâtiments de contention pour faciliter les soins et depuis cette année, il essaye de répartir les mises bas sur l’année. « Jusque-là je faisais des mises bas de printemps. Sur 2021-2022, je mets en place des agnelages du 15 décembre au 15 janvier pour faire des agneaux de Pâques. » Il réfléchit à segmenter encore plus, avec un lot d’agnelage en septembre pour faire des agneaux pour Noël. « Cela me permet d’une part d’avoir une rentrée d’argent à plusieurs périodes de l’année et également d’alléger la pression sur la ressource fourragère. »

"Mieux vaut tirer parti de son environnement que le subir"

Car l’objectif de Pierre est de faire des agneaux d’herbe, avec un recours maximal au pâturage. « Je voulais que mes agneaux, une fois sevrés, soient quasiment prêts à partir. » Mais les sécheresses à répétition de ces dernières années ne lui en ont pas laissé l’opportunité. « Avec l’étalement des mises bas, c’est une sécurisation du fourrage que je mets en place. » L’éleveur a cependant conscience de l’écueil que représente le désaisonnement pour la race Mouton vendéen. "Comme cet été n’a pas été très chaud, j’ai eu des bons résultats pour l’agnelage de décembre-janvier." Il a eu connaissance des essais conduits par des sélectionneurs. Ceux-ci auraient mis à la reproduction des femelles en mai et ont gardé les petites femelles issues des brebis qui ont pris. "Ça pourrait être une solution", souligne cet inconditionnel visionnaire. Les béliers, eux, sont choisis par la SAS Lepoureau, l’acheteur exclusif de l’élevage. "Nous avons établi une vraie relation de confiance, cela fait trois générations que nous travaillons avec eux", apprécie Pierre Crouigneau.

Pour optimiser encore ses 70 hectares de prairies permanentes, Pierre s’est lancé dans le pâturage tournant dynamique. Pour cela, il a commencé à électrifier une partie de sa surface en herbe, en recoupant les parcelles. Il a investi 10 000 euros dans l’électrificateur et le matériel allant de pair (clôture, fil, etc.) et a équipé 35 hectares qu’il a divisés en parcelles de deux hectares à l’aide de clôtures fixes. « Ainsi, au 1er janvier 2016 nous avions huit parcelles de pâturage, contre 24 en ce début d’année », souligne-t-il. Avec la diminution du cheptel, les parcelles étaient devenues trop grandes, et il y avait du gaspillage d’herbe, avec le risque de se faire déborder lors de la pousse. « Aujourd’hui je compte un jour par hectare pour 80 brebis, donc elles changent de pré tous les deux jours, lorsqu’une prairie présente des graminées au stade trois feuilles. »

Pierre Crouigneau a décidé de faire appel à une entreprise de travaux agricoles pour quasiment toutes les interventions au champ, de la coupe du foin à l’enrubannage, épandage et semis. « Cela me coûte relativement cher, mais c’est une façon de consacrer tout mon temps disponible à la conduite du troupeau. »

Toujours dans l’optique d’alléger la pression sur ses prairies vieillissantes, Pierre a pris le parti du sylvopastoralisme. En plus des surfaces en herbe, l’exploitation possède 30 hectares de bois. Les brebis taries sont donc mises dans les sous-bois durant l’été. « Elles se nourrissent de ronces et des feuilles, profitent de l’ombre et de la fraîcheur des arbres. C’est toujours ça d’économiser, puisque j’achète tout mon aliment dans le commerce », explique le jeune éleveur. Les bois, composés en grande partie de chênes, offrent un autre avantage. « Les brebis raffolent des glands, ça nous sert de flushing, sourit Pierre Crouigneau. Il faut cependant rester vigilant car c’est vraiment très riche en protéines et les brebis ne savent pas se limiter. »

De la paille de roseau pour l’engraissement et la litière

Plutôt que de voir la nature de ses parcelles comme une contrainte, Pierre Crouigneau a su tirer profit des roseaux qui y poussent.

Pour Pierre Crouigneau, c’est la philosophie de sa conduite d’exploitation : « plutôt que lutter contre la nature, il vaut mieux réfléchir à comment en prendre son parti. » De cela découle une belle innovation. Les terres de la ferme sont très hygromorphes, avec par endroits une épaisseur d’argile pouvant aller jusqu’à six mètres de profondeur. « En hiver, il arrive que des parcelles soient complètement sous l’eau », décrit-il. Deux parcelles notamment sont envahies de roseaux, atteignant parfois 1,5 mètre de haut. « Nous avions pour habitude de les couper comme on pouvait pour limiter leur expansion. Mais on ne savait pas quoi faire des déchets végétaux. » Lui vient alors l’idée d’en faire de la paille pour les brebis taries, comme source de fibre. Et là, surprise « elles en raffolaient ! J’ai étendu l’idée aux agneaux en engraissement. Même engouement pour eux, une fois que j’ai fait broyer les tiges ! ». Pierre remarque alors que les débris tombés en bergerie semblent plutôt bien se comporter, absorbent bien l’humidité, ne causent pas de problèmes particuliers… il décide alors d’utiliser tous les roseaux pour les litières.

« Au prix de la paille, c’est très intéressant d’avoir sa propre ressource. D’autant plus qu’il y a moins de poussières avec ça, donc les agneaux n’ont quasiment plus de conjonctivite. » Les roseaux représentent un rendement d’environ neuf tonnes de matière sèche par hectare, soit une grosse vingtaine de bottes de 450 kg. « Je passe en moyenne une botte par semaine et cette paille est très facile à répartir ». Il préfère néanmoins couper à une quinzaine de centimètres du sol, pour éviter les parties noires ou moisies des tiges qui stagnent dans l’eau. « Reste la question de la dégradation des tiges dans le fumier, se questionne l’éleveur. Étant une plante d’eau, le roseau est imputrescible. Cependant, j’ai déjà constaté que les tiges se réduisaient petit à petit. La dégradation va se faire mais sans doute plus lentement qu’avec de la paille de céréales. »

Bois énergie du Maine valorise les haies en plaquettes de chauffe

Les parcelles de l’exploitation de Pierre Crouigneau sont presque toutes bordées de haies forestières de haut jet. « Nous avions mis de côté leur entretien ces dernières années », reconnaît l’éleveur. Si bien que des haies qui ne devaient mesurer que deux mètres de largeur pouvaient atteindre près de 20 mètres. Pierre Crouigneau a suivi une formation haies à la chambre d’agriculture de la Sarthe et découvre l’activité de Bois Énergie du Maine, entreprise locale qui valorise les haies des agriculteurs en plaquettes de combustion. Non seulement l’entreprise se charge de l’entretien des haies, mais Pierre Crouigneau touche une part de la valorisation des plaquettes qui sont vendues en majorité aux collectivités territoriales (maisons de retraite, lycées, etc.) et à des particuliers. En 2021, les haies de Pierre Crouigneau ont permis de produire 500 m3 de plaquettes, l’éleveur souhaite pérenniser l’activité en assurant ce même volume d’une année sur l’autre. « Nous avons déjà reconquis près d’un hectare de prairie grâce à cette gestion renforcée des haies, apprécie Pierre Crouigneau. Et l’herbe qui repousse après la coupe des arbres est de très belle qualité. »

Chiffres clés

220 brebis Mouton vendéen

30 h de travail par semaine + aide familiale

100 ha dont 30 ha de bois et 70 ha de prairies permanentes, 24 parcelles de 2 ha pour le pâturage tournant

500 m3 de plaquettes produites avec la gestion des haies forestières

20-25 bottes de paille de roseau pour la litière et l’engraissement des agneaux, à 9 t de MS/ha

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