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question de vigneron
Comment continuer à faire des vins sans soufre malgré le changement climatique ?

Les impacts du changement climatique sont et seront nombreux pour tous les vinificateurs et seront d’autant plus complexes pour ceux vinifiant sans SO2. Voici quelques conseils d’œnologues pour mieux aborder cette question.

Cave coopérative des vignerons de Puisseguin saint émilion en Gironde durant les vinifications et vendanges 2017, nettoyage du chai
Le changement climatique implique une hygiène de chai encore plus irréprochable lorsque l'on souhaite élaborer des vins sans sulfites.
© C. Nadaillac

Frédéric Charrier, ingénieur œnologue à l’IFV pôle Val de Loire – Centre

« Créer les conditions pour que les levures dégradent vite et bien les sucres »

Frédéric Charrier, ingénieur œnologue à l’IFV pôle Val de Loire – Centre
Frédéric Charrier, ingénieur œnologue à l’IFV pôle Val de Loire – Centre © F. Charrier
« Vinifier sans soufre ajouté est déjà une prise de risque. Avec le réchauffement climatique, ce risque augmente car les processus fermentaires seront plus compliqués pour les levures, avec un milieu plus riche en sucres, moins acide et une pression bactérienne un peu plus élevée.

On sait que les flores microbiennes vont évoluer. Une des grandes questions encore sans réponse définitive est de savoir de quelle façon cette évolution va se faire. En vinification, le risque de voir la FML s’enclencher plus facilement sera accru tout comme celui d’avoir des arrêts de FA. Que l’on vinifie avec ou sans ensemencement, la parade est de créer les conditions pour permettre aux levures de dégrader vite et bien les sucres. Et pour cela, essayer de récolter en conditions fraîches, ne pas triturer le raisin, éviter les macérations préfermentaires incontrôlées, maîtriser les températures, jouer sur le débourbage pour les blancs, faire la FML au plus vite pour ne pas la subir, avoir une hygiène de cave irréprochable.

Une fois le vin stabilisé du point de vue microbien, commence l’étape d’élevage à l’abri de l’air pour prévenir l’oxydation. Quoi qu’il en soit, les choix de vinification restent davantage dictés par le type de vin visé, les moyens qu’on s’autorise à utiliser, que par le changement climatique. Ce dernier ne fera pas changer d’avis celui qui ne souhaite pas utiliser tel ou tel produit ou traitement œnologique, même si le risque pris est encore plus élevé. »

Anthony Colas, œnologue conseil chez Terrelis, en Côte-d’Or

« Il faut anticiper dès la récolte pour éviter un excès de maturité »

Anthony Colas, œnologue conseil chez Terrelis, en Côte-d'Or
Anthony Colas, œnologue conseil chez Terrelis, en Côte-d'Or © A. Colas
« Pour vinifier sans soufre, il n’existe pas une recette qui marche tous les ans. La règle, c’est l’adaptation aux objectifs de chaque domaine, aux contraintes du vignoble et au millésime. Pour ce qui est du réchauffement climatique, on sait notamment qu’il rend les fins de fermentation plus complexes. On observe aussi des changements de microflore sur les raisins. En 2022, on a noté la présence en grand nombre de bactéries lactiques. En 2023, la charge bactérienne était aussi importante mais en faveur des bactéries acétiques.

Dans ce contexte, persister dans son choix de vinifier sans soufre est encore plus risqué. Je vois donc deux points clés, déjà connus certes, mais qu’il ne faut pas rater ici. Le premier c’est d’anticiper avec les équipes l’organisation précoce de la récolte pour éviter d’atteindre le point de bascule vers un excès de maturité. Le second c’est de réussir une fermentation rapide, franche et complète avec une durée de macération assez courte. Si on utilise un pied de cuve plutôt que des levures sélectionnées, on le prépare avec soin quelques jours avant et on le sulfite. Ici le but est de faire en sorte que la FML, si elle doit avoir lieu, puisse s’effectuer quand il n’y a plus de sucres. »

Pierre Dubrion, œnologue consultant à l’ICV de Narbonne, dans l’Aude

« Miser sur une hygiène irréprochable, la bioprotection, la protection contre l’oxydation »

Pierre Dubrion, œnologue consultant à l’ICV de Narbonne, dans l'Aude
Pierre Dubrion, œnologue consultant à l’ICV de Narbonne, dans l'Aude © P. Dubrion
« Changement climatique ou pas, je dis à ceux qui veulent faire sans SO2 qu’il ne doit pas y avoir d’improvisation. Comme le profil de ces vins est fragile, le temps pour agir est compté. Il faudrait presque caler la date de mise avant de vendanger. Cela veut dire réfléchir aux volumes, au style de vin, même choisir le packaging vu les problèmes d’approvisionnement que l’on peut rencontrer.

Pour ce qui est de vinifier sans soufre des raisins stressés par le changement climatique la liste des actions à mettre en œuvre commence par le choix des parcelles, la récolte tôt le matin et le dosage de l’azote des moûts. Viennent ensuite, l’hygiène irréprochable, la bioprotection voire le levurage à la parcelle, la protection contre l’oxydation à certains stades, l’acidification classique ou l’utilisation de levures acidifiantes, la maîtrise de la FML ou son blocage. Et bien sûr, il faut travailler cuve pleine et s’organiser pour que la fermentation soit rapide tout comme la mise par la suite. Et pour ce qui est du sulfitage ou non après les fermentations, tout dépend de la philosophie avec laquelle le vinificateur choisit d’élaborer ses vins. Il peut vouloir aller vers un sans SO2 strict ou simplement chercher à en réduire les doses. Le changement climatique n’a pas d’effet sur ce volet. »

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