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Colza : quelles armes reste-t-il contre les altises en végétation ?

Les producteurs de colza vont perdre un insecticide anti-altises avec l’interdiction d’usage du phosmet à compter du 1er novembre, mais une dérogation pour un autre insecticide efficace sur altise a été accordée le 1er septembre. Le point sur les moyens pour limiter l’impact des insectes en cours de croissance du colza.

Un traitement insecticide sera nécessaire si des attaques de grosses altises se produisent avant le stade 4 feuilles du colza.
Un traitement insecticide sera nécessaire si des attaques de grosses altises se produisent avant le stade 4 feuilles du colza.
© S. Leitenberger

Une dérogation pour l’utilisation du nouvel insecticide Minecto Gold à base de cyantraniliprole est arrivée à point nommé ce 1er septembre pour lutter contre les larves d’altises. La principale arme chimique jusqu'ici utilisée contre ces larves, le phosmet, sera en effet interdite à partir du 1er novembre. Le dépôt d'un dossier de demande de dérogation 120 jours pour le cyantraniliprole par Terres Inovia le 28 février auprès du ministère de l'Agriculture a finalement été couronné de succès. « On n’imaginait pas le ministère nous laisser sans solution après le 1er novembre dans les secteurs où les larves d’altises d’hiver résistent aux pyréthrinoïdes. Cela concerne plus de 100 000 hectares de colza, » souligne Franck Duroueix, expert protection des cultures chez Terres Inovia.

Lire aussi | Insecticide contre les altises du colza : autorisation accordée pour un remplaçant du phosmet

Jusqu'à cette dérogation, le phosmet (produit Boravi WG) était le seul insecticide efficace contre l'altise d'hiver dans plusieurs départements de l’est (Aube, Côte-d’Or, Yonne, Nièvre, Haute-Saône, Haute-Marne, Jura, sud de la Marne) où la résistance de l’insecte aux pyréthrinoïdes est généralisée. « Le cyantraniliprole présente une efficacité du niveau de Boravi WG dans les zones où la résistance des altises aux pyréthrinoïdes est forte », affirme Laurent Ruck, spécialiste des insecticides et du biocontrôle chez Terres Inovia. Quant aux produits de biocontrôle testés par l’institut technique, « nous n’avons pas trouvé de solution suffisamment efficace pour protéger convenablement les cultures pour le moment », selon Laurent Ruck.

Témoignage | « J’utilise un produit de biocontrôle à l’efficacité proche du Boravi WG »

L’impact des grosses altises varie fortement selon les années et les situations. Les attaques ne se produisent généralement pas avant le 20 septembre. Elles auront peu d’effet si des pratiques agronomiques (préparation du sol, précocité de semis, plantes compagnes, fertilisation…) et la météo ont permis au colza d’arriver au stade 4 feuilles avant le 15 septembre et qu’il est encore dans une dynamique de croissance. Le colza a alors dépassé son stade de vulnérabilité vis-à-vis de ce ravageur.

Dans le cas contraire, il peut être nécessaire d’agir. Le seuil de traitement préconisé est de huit pieds sur dix avec des morsures d’altises sur un colza n’ayant pas atteint le stade 4 feuilles. « Boravi WG ne sera plus utilisable pour lutter contre les larves en novembre-décembre. Pour cette dernière année, il est donc conseillé de l’employer contre les adultes, en octobre », recommande Laurent Ruck. « Outre Boravi WG, l’insecticide Trebon (étofenprox) est supérieur en efficacité aux autres pyréthrinoïdes, précise Marianne Demeiller, conseillère à la chambre d’agriculture de la Somme. La résistance des altises est une problématique montante dans notre région des Hauts-de-France mais toutes les altises ne sont pas résistantes. »

Même avec des insectes adultes sous contrôle, la partie contre les altises n’est pas gagnée. Les larves de grosse altise se développent à l’intérieur des pétioles. « Il est possible de les atteindre par un traitement insecticide quand elles sont mobiles à la faveur de températures douces en novembre, explique Laurent Ruck. Les pyréthrinoïdes ne peuvent être utilisées qu’en dehors des secteurs à forte résistance, où elles sont totalement inefficaces. Dans cette famille, le produit Karaté Zéon s’avère le plus performant dans nos essais. » Le produit Minecto Gold à base de cyantraniliprole est désormais l'alternative efficace contre les altises dans les zones à haute résistance. Terres Inovia conseille son utilisation de courant novembre à début décembre.

Pour son application, il est nécessaire au préalable de évaluer le niveau de risque du ravageur dans son colza. Des outils comme le test Berlèse permettent de mesurer le niveau de présence des larves dans les parcelles. Les organismes prescripteurs font de telles mesures dont les résultats sont restitués dans leurs préconisations ainsi que dans les bulletins de santé du végétal (BSV). Il est possible aussi de le faire chez soi. Sur un colza bien développé et poussant à l’automne, il ne sera nécessaire d’intervenir que si au moins cinq larves par pied sont présentes. Pour des colzas peu développés, le seuil de traitement insecticide est abaissé à deux ou trois larves par pied.

Une demande pour pouvoir appliquer un peu d’azote en végétation

Sur un colza en cours de levée, il n’existe pas d’autre moyen de lutte directe que les insecticides. Le phosphore pour lequel le colza est très exigeant peut être apporté en végétation. Il a un effet sur la vigueur de la culture et contribue à la rendre plus robuste contre les ravageurs. Mais sa fourniture est plutôt privilégiée au semis, de même que l’azote. Sous forme d’engrais minéral, l’apport de ce dernier doit se faire avant le 31 août dans la limite de 30 unités en zone vulnérable. « Nous pouvons avoir des colzas à la croissance ralentie à partir d’octobre à cause d’un manque de disponibilité de l’azote. Des essais montrent qu’un apport de 30 unités en végétation peut maintenir un colza dans une dynamique de croissance pour ainsi 'battre de vitesse' la larve d’altise qui descend au cœur de la plante », informe Afsaneh Lellahi, directrice des actions régionales et transfert chez Terres Inovia.

Selon l’experte, « cette possibilité d’apport serait utile dans les contextes où il est nécessaire d’agir contre les ravageurs d’automne. Nous avons vérifié par ailleurs que ces 30 unités apportées n’augmentaient pas les risques de lessivage en hiver, qu’elles sont bien récupérées par la plante et donc à déduire de la fourniture d’azote au colza au printemps. Dans le cadre de la redéfinition du septième programme d’action nationale de la directive Nitrates, nous portons une demande d’adaptation du calendrier d’épandage pour pouvoir appliquer cette quantité faible d’azote minéral à l’automne en végétation ». Une version de ce programme d’action est en consultation publique pour une application à l’automne 2023.

 

Les repousses de colza refuges à petites altises

En tant que couvert d’interculture courte d’été, les repousses de colza doivent être maintenues au minimum un mois entre un colza et une culture semée à l’automne en zone vulnérable. Or, ce sont des refuges à altises. Quand on peut détruire ce couvert à partir de la mi-août par exemple, ces insectes se déplacent sur les parcelles voisines où les colzas vont commencer à lever. Les ravageurs en question ne sont pas les grosses altises, mais les petites altises (ou altises des crucifères) dont les dégâts, s’ils ont lieu, se limitent le plus souvent aux bordures de parcelle. Dans ce cas, il est conseillé d’éviter de détruire les repousses de colza juste avant ou pendant la levée des colzas des parcelles environnantes. Quant aux grosses altises, elles estivent en dehors des parcelles.

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