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Toaster ses protéagineux pour plus d’autonomie et de traçabilité

Initié en bovins et volailles, le toastage des graines de protéagineux commence à intéresser les éleveurs caprins pour être plus autonomes en protéines et gagner en traçabilité.

La recherche d’autonomie alimentaire et de traçabilité amène de plus en plus d’éleveurs à vouloir produire des protéagineux. Utilisés crus, ceux-ci sont toutefois mal valorisés, car une grande partie des protéines est rapidement dégradée et gaspillée sous forme d’ammoniaque par les bactéries du rumen. Une solution est de les cuire par toastage ou par extrusion, pour augmenter la part d’azote by-pass dans le rumen. Dans les Deux-Sèvres, l’EARL la Tradition, qui exploite 105 ha, 380 chèvres et 40 vaches, s’est tournée en 2016 vers le fabricant d’aliments Pasquier Vgt’Al à Secondigny (79) qui dispose depuis deux ans d’un toasteur de protéagineux. « Notre objectif est d’être le plus autonomes possible en alimentation, explique Anthony Maupoint, associé avec Patrice Ayrault. En plus de la luzerne et du trèfle que nous apportons en foin ou en vert, nous produisons de l’orge, du maïs épi ensilé, du maïs grain et du lupin. Jusqu’à présent, nous apportions le lupin cru laminé, à raison de 450 g/jour. Pour compenser la grande richesse du lupin en azote soluble, nous ajoutions un additif. Les résultats étaient bons. Mais, en 2016, nous avons voulu tester le toastage. L’objectif était notamment d’augmenter nos taux qui sont assez bas. »

Des taux inchangés mais une production de lait augmentée

En 2016, l’EARL a donc fait toaster son lupin par Pasquier Vgt’Al qui dispose d’un toasteur de la marque italienne Mecmar acquis auprès des établissements Hervé (85). Les protéagineux devant être parfaitement propres pour éviter tout risque d’incendie lié aux balles et poussières, les graines de lupin, difficile à désherber, sont d’abord triées et nettoyées avant d’être laminées pour faciliter le toastage. Le toastage consiste ensuite à faire passer les protéagineux en couche mince sur une grille perforée sous laquelle est insufflé de l’air chauffé à 280 °C. Enfin, les graines sont ventilées pour les refroidir et les assécher avant le stockage.

« En 2016, nous avons remplacé 450 g de lupin cru par 450 g de lupin toasté, précise Anthony. Nous n’avons pas vu de changement sur les taux. Mais la production est passée de 850-900 l/chèvre à 970 l/chèvre. Le transit est également amélioré, il y a moins de diarrhées. » En 2017, les éleveurs ont complété la ration par du soja toasté acheté à Pasquier Vgt’Al. En hiver, la ration était composée de 2 kg de foin, 1 kg de maïs épi, 250 g d’orge, 350 g de lupin toasté et 150 g de soja toasté. En période d’affouragement en vert, le concentré comporte 600 g de maïs grain sec, 250 g d’orge et 150 g de lupin toasté. « Avec le soja et un bon fourrage, la lactation a très bien démarré. Les deux premiers contrôles étaient à 4,6 kg/chèvre alors qu’en général ils sont plutôt à 4 kg. En plus des protéines, le soja est riche en matières grasses, un point important pour nous qui n’apportons ni tournesol ni huile de palme. Et comme notre objectif est toujours l’autonomie, nous avons décidé de tenter la production de soja et en avons semé quatre hectares cette année. »

Combien ça coûte ?

Pour l’EARL la Tradition, le coût du toastage du lupin s’élève à 60 euros la tonne. En contrepartie, les éleveurs n’utilisent plus d’additif.

Les multiples intérêts du toastage

Le principal intérêt du toastage est qu’il limite la dégradation des protéines dans le rumen, permettant leur assimilation dans l’intestin. Le gain en PDIE et PDIA est important. Un autre intérêt est qu’il détruit les facteurs antinutritionnels des protéagineux, contenus notamment dans le soja. Un autre encore pour le soja est qu’il permet un apport en matières grasses protégées alternatives aux matières grasses hydrogénées, notamment à l’huile de palme. Enfin, en faisant passer les protéagineux de 87 % à 95 % MS et en éliminant les bactéries et champignons, le toastage améliore leur conservation.

De nombreuses initiatives en France

Depuis deux ans, plusieurs toasteurs mobiles ou à poste fixe ont été acquis en Cuma ou par des entreprises. Dans le Sud-Ouest, un toasteur mobile Mecmar acquis par la Cuma départementale du Gers circule depuis septembre 2015 dans le Gers, les Landes, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. L’objectif est de toaster le soja produit sur les exploitations, notamment dans les filières bios, label et circuits courts, pour améliorer l’autonomie protéique et la traçabilité. Il est utilisé par 70 éleveurs de volailles, bovins lait et viande et par quelques éleveurs de chèvres et brebis. L’engagement porte sur 1 700 tonnes. Le seul point délicat est l’usure liée à la mobilité et au fait que le soja est très abrasif. Face à la demande, un deuxième toasteur sera acquis prochainement. En Vendée, à l’initiative d’éleveurs bovins, un toasteur Mecmar mobile a été acheté en 2015 par la Cuma Défis 85 pour toaster des protéagineux (féverole, lupin, pois). Un début d’incendie est toutefois à déplorer, lié à un mauvais réglage de départ et à des graines mal nettoyées. Dans l’Ouest, la société Protéa Thermic dispose d’un toasteur mobile qui tourne dans dix départements mais n’est utilisé pour l’instant qu’en bovin, surtout pour de la féverole. Et d’autres projets sont en cours ou en réflexion. Le toastage mobile est par ailleurs assez développé en Italie, où il peut être fait en sortie de champ, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Canada.

un effet très positif sur le métabolisme

En France, plusieurs éleveurs bio utilisent notamment le toastage pour valoriser du soja produit sur l’exploitation. En Vendée, le Gaec Agrocap se sert du toasteur de la Cuma Défis 85 depuis 2015. « Notre objectif avec le soja est d’être plus autonomes en protéines, avec un produit dont on connaît l’origine. Nous en avons semé 1,5 ha en 2015 et 6 ha en 2016. Le soja s’intègre bien dans la rotation, se bine facilement, valorise l’irrigation et est riche en protéines. Avant toastage, nous faisons trier les graines. Nous apportons 100 g/jour/chèvre de soja, avec une ration qui inclut du fourrage vert et du pâturage. Nous n’avons pas vu d’effet sur la production, mais un léger effet sur les taux et un effet très positif sur le métabolisme. Le tri coûte 15 €/t et le toastage 45 €/t. » Dans les Pyrénées-Atlantiques, Erramun Elichiry cultive 7 ha de soja et apporte du soja toasté à ses 80 chèvres depuis novembre 2016. « J’en apporte 350 g par jour, avec du maïs et du méteil. Le coût alimentaire est moindre, les chèvres sont en bonne santé et les taux ont augmenté. » Pour l’instant, le soja n’est pas nettoyé avant toastage mais Erramun Elichiry réfléchit avec d’autres éleveurs à acheter un trieur.

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