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Retour au vert… avec de l’affouragement !

Valoriser l’herbe verte, distribuée mécaniquement, bénéficie actuellement d’un regain d’intérêt de la part des éleveurs de chèvres.

Environ 6 % des éleveurs de chèvres, localisés sur l’ensemble du territoire, pratiqueraient l’affouragement en vert selon une estimation réalisée suite au recensement agricole de 2010. Et ce chiffre pourrait augmenter dans les années à venir… Les principales motivations des éleveurs pour choisir ce système fourrager sont la volonté de ramener de l’herbe verte aux chèvres, tout en diminuant le coût alimentaire et en valorisant mieux la surface fourragère, qui est parfois trop éloignée ou trop contraignante pour envisager du pâturage. Vingt éleveurs en affouragement en vert ont été enquêtés en 2016 dans le cadre du projet Autocap. Ce travail a en particulier permis d’identifier quatre stratégies d’affouragement en vert dans les élevages caprins.

« J’affourage en vert avec une diversité de prairies, tôt dans la saison et jusqu’à la fin de l’automne » (50 % des enquêtés)

Ces éleveurs jouent sur la diversité des ressources fourragères disponibles, pour permettre un affouragement durant sept à huit mois de l’année. Les sols doivent être suffisamment portants pour permettre une « mise à l’herbe » en mars/avril, et poursuivre l’affouragement jusqu’à la fin de l’automne. Il ne faut pas hésiter à sortir tôt, pour ne pas se laisser dépasser par l’herbe (comme en système pâturant). La diversité des prairies utilisées (trèfle violet/ray-grass hybride, luzernières, prairies multi-espèces) permet d’apporter 10 à 12 kg de matière fraîche d’herbe par chèvre et par jour. Ces prairies sont utilisées de façon « intensive » : entre deux et quatre coupes en vert sont réalisées par an, complété d’une fauche de régulation durant la saison. Les parcelles sont généralement proches de l’élevage (0 à 2 km). La ration est complétée par un peu de foin. L’apport de concentrés est minimisé à 380 kg/chèvre, soit 435 g/l de lait. Certains éleveurs parviennent à allonger la période d’affouragement en vert en valorisant du sorgho fourrager en été ou en irriguant leurs prairies. Du colza fourrager (éventuellement associé à de l’avoine) peut représenter une ressource fourragère intéressante pour le début de l’hiver.

« J’affourage en vert avec des prairies de courte durée (trèfle et ray-grass italien), en complément d’ensilage de maïs » (15 % des enquêtés)

Ce système alimentaire est basé sur la valorisation de l’ensilage de maïs, complété par du foin l’hiver et de l’affouragement en vert du printemps à l’automne. Des prairies de courte durée, productives, sont privilégiées : ray-grass italien et trèfle violet. L’affouragement dure huit mois dans l’année, avec 8 kg d’herbe fraîche apportés par jour, complété par 2-3 kg d’ensilage de maïs et d’un peu de foin. La poursuite de l’affouragement durant l’été est permise par des parcelles soit irriguées, soit suffisamment fraîches pour permettre la poursuite de la croissance du trèfle violet. La ration permet de minimiser les concentrés apportés : 310 kg/chèvres/an, soit 350 g/l de lait produit.

« J’affourage en vert, dans le cadre de mon AOP malgré les contraintes de l’exploitation » (25 % des enquêtés)

Dans le cadre de certains cahiers des charges (AOP charolais, rigotte de Condrieu ou mâconnais), une obligation de pâturage ou d’affouragement est demandée. Dans certaines exploitations bourguignonnes, des parcelles de petites tailles et éloignées les unes des autres et de l’élevage ne permettent pas de mettre en place sereinement du pâturage. L’affouragement en vert est alors nécessaire, même si son optimisation est délicate. Dans ces systèmes, l’affouragement représente 4 à 6 kg de matière brute par jour, durant 6 à 8 mois de l’année. Il s’agit surtout de prairies permanentes et de prairies de longue durée (mélange basé sur la luzerne) qui sont valorisées.

« J’affourage en vert et les chèvres pâturent : entre les verts, mon cœur balance » (10 % des enquêtés)

Certains éleveurs souhaitent valoriser de l’herbe verte. Néanmoins les prairies proches de l’élevage ne sont pas suffisantes pour permettre de gérer au mieux le pâturage et le parasitisme. Dans ces cas, l’affouragement en vert vient en complément au pâturage, en valorisant des parcelles plus éloignées. L’intérêt économique de l’affouragement est fonction des économies réalisées sur les concentrés et du prix de la chaîne d’affouragement utilisée pour sa mise en œuvre. Si les économies de concentrés sont en général au rendez-vous, les charges de mécanisation peuvent être élevées. Elles sont à raisonner en fonction de la dimension de l’exploitation, des volumes mis en œuvre et des distances parcourues.

Pour en savoir plus, un atelier technique sera organisé lors de la prochaine journée technique Cap’Vert, le 28 septembre 2017 à Lusignan (Vienne). Inscription sur http://bit.ly/2rKVp8n.

Avis d’éleveur : Mylène et Michel Lacharme, éleveurs en Bourgogne

" L’affouragement en vert un système adapté à notre milieu et notre clientèle"

"Notre exploitation est située au cœur de la Saône-et-Loire dans la côte châlonnaise en zone viticole. Nous n’avons donc pas de parcelles de pâturage autour de l’exploitation car nous sommes entourés de vigne. Avant 2000 nous faisions de l’ensilage, mais c’est un système risqué avec un temps court pour la récolte. Nous en avions marre de ce système et nos chèvres aussi. Dans les derniers temps d’utilisation d’ensilage, nous remarquions en effet de nombreux refus de leur part. Nous sommes donc passés à l’affouragement en vert et au séchage en grange en 2000. Dès ce passage, notre clientèle locale, notamment dans le village, a considérablement augmenté. Notre chiffre d’affaires de vente à la ferme augmentait de 8 % par an entre 1997 et 1999 et a augmenté de 15 % par an entre 2001 et 2003. Le fait que la clientèle voit que nous nourrissons nos chèvres avec de l’herbe l’a fidélisée. Passer avec une remorque pleine d’herbe dans le village est notre meilleure pub ! Nous sommes donc 100 % autonomes en fourrage. Mais nos parcelles sont clairsemées et morcelées. La parcelle la plus proche est à 1 km et la plus éloignée à 3 km, nos 50 ha de prairie sont pour moitié des prairies temporaires (luzerne, dactyle, ray-grass et trèfle) et l’autre moitié en prairies naturelles. Au début de l’affouragement en vert, nous n’avons pas remarqué de baisse de productivité mais en revanche le goût de nos fromages a changé ; ils sont devenus plus parfumés. Nous achetons encore 15 tonnes de concentrés. Le point faible de l’affouragement est que c’est un système chronophage, il faut faucher avant les trois repas par jour, mais ce système nous convient. Il est adapté à notre environnement et à notre clientèle. De plus, avec l’affouragement en vert et le séchage en grange, nous avons anticipé avec dix ans d’avance l’obtention de l’AOP charolais qui interdit les fourrages fermentés."

L’affouragement pour diminuer les charges et être en accord avec la physiologie des chèvres

En Bretagne, Damien Le Crom et sa mère, Lenaick, sont 100 % autonomes au fourrage. Pour nourrir leurs 300 chèvres en intérieur, ils ont fait le pari de l’affouragement en vert sur 32 hectares d’herbe. Ils pratiquent ce système depuis 30 ans, soit au moment de l’installation des parents de Damien. Pour les éleveurs la Bretagne est "une région qui permet ce système car l’herbe pousse bien". De plus, ils ont la chance d’avoir un parcellaire groupé qui facilite la coupe d’herbe. Les parcelles d’affouragement sont semées en trèfle violet pur, en RGI, en mélange dactyle et trèfle violet et en mélange fétuque élevée, fétuque des prés et trèfle blanc, en luzerne pure. Ce système leur permet de diminuer les coûts d’alimentation même s’il représente une charge mécanique. L’affouragement en vert est aussi en accord avec la philosophie de travail des éleveurs. Mais il comprend tout de même une contrainte importante puisque durant la période d’affouragement, du 15 mars au 15 novembre, "il faut être disponible pour aller faucher les deux repas de la journée". De plus il faut compenser en paillage, car si les chèvres valorisent l’herbe en production laitière elles la valorisent aussi en déjection.

Une triple valorisation de l’herbe

Lors des moments de grosse pousse d’herbe au printemps, le surplus est conservé pour faire du foin et de l’enrubannage, ce qui permet de le valoriser pour la ration d’hiver. Mais pendant les étés secs, comme ces dernières années, les chèvres ne reçoivent qu’un repas par jour pendant un mois. Cette diminution des repas ne pénalise pas la productivité puisque les chèvres sont alors en fin de lactation. Pour les éleveurs, le système d’affouragement en vert permet aussi de maintenir un bon niveau de productivité ce qui sera plus compliqué avec le pâturage.

L’affouragement synonyme d’investissement

Cela leur permet donc de livrer 1100 litres de lait par chèvre à la laiterie Agrial. Les refus sont assez faibles, ils représentent moins de 10 % de la ration journalière. L’installation de Damien, il y a 6 ans, a permis la construction d’un nouveau bâtiment encore mieux adapté à ce système car il est dimensionné pour une autochargeuse à déchargement latéral. Ce matériel représente un coût important mais nécessaire pour ce système alimentaire. En effet ce matériel neuf coûte environ 35 000 euros, « il peut donc être difficile pour un jeune installé de s’équiper dès le départ ». Les éleveurs sont aussi équipés depuis trois ans d’un repousse-fourrage, ce dernier permet une diminution de la charge de travail car avant il fallait repousser à la main. L’herbe est ainsi mieux valorisée.

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