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Les lactations longues, outil d’ajustement de la production des chèvres

Au Gaec des Cabrioles, à Fongombault dans l’Indre, le recours aux lactations longues est très large. À chaque période de reproduction, leur nombre et celui des chèvres mises au bouc sont repensés pour ajuster la courbe de production et assurer le renouvellement.

Depuis leur installation en 2004, les trois associés du Gaec des Cabrioles dans l’Indre ont toujours eu recours aux lactations prolongées. Initialement, pour produire du lait toute l’année, les 150 chèvres de Laurent Moreau, Thierry et Séverine Reulier avaient deux périodes de mises bas, au printemps et à l’automne. En fonction de la réussite à la reproduction et par rapport aux besoins en lait et aux contraintes du bâtiment, il fallait équilibrer les lots de mises bas. « Ainsi par exemple, nous avions toujours des chèvres de mises bas de printemps qui changeaient de lot avant d’être mise au bouc pour regonfler l’effectif des chèvres ayant mis bas à l’automne ».

Parallèlement, la conduite du troupeau a été fortement améliorée au fil des ans. « Nous avons amélioré la conduite du pâturage et la qualité des fourrages notamment pour la ration hivernale. Nous avons également été plus vigilants sur le suivi général des animaux (élevage des chevrettes, sélection etc.) ». C’est pourquoi la productivité du troupeau a significativement augmenté en passant de 84 000 l de lait produit en 2014 à près de 120 000 l en 2018.

« Notre objectif de production étant de 100 000 l de lait par an, nous avons donc décidé de réduire l’effectif à 120 chèvres. Comme notre besoin de renouvellement était plus faible et que les chèvres conduites en lactation prolongées avaient une bonne persistance, nous avons décidé de mettre moins de chèvres à la reproduction et de conduire une grande partie du troupeau en longue lactation. »

Lactations longues : ni reproduction, ni réforme !

Il n’y a pas de critères précis de choix des lactations longues. En réalité, sont sélectionnées en priorité les meilleures chèvres du troupeau par rapport aux résultats du contrôle laitier pour les mettre au bouc et assurer un renouvellement de qualité. « Nous complétons généralement ce lot avec quelques primipares ayant chuté en lait pour leur donner une seconde chance. Ainsi par exemple, sur les 36 chèvres mises à la reproduction à l’automne 2019, nous avions sélectionné les 30 meilleures chèvres du troupeau ayant mis bas depuis plus de 7 mois (alors à 2,7 kg de lait) complétées avec 6 primipares moins productives (à 1,8 kg de lait). » Le reste du troupeau produisait 2,3 kg de lait avec 850 000 cellules.

Ensuite les chèvres qui ne produisent pas assez sont réformées au fil de l’eau. Le seuil de réforme dépend du nombre de chèvres présentes et de la production quotidienne. Il peut varier entre 1,2 kg et 1,7 kg. Enfin, en tant que producteur de fromage au lait cru, les éleveurs sont vigilants sur le niveau des cellules. Les chèvres à haut niveau de cellules sont plus rapidement réformées.

Pas de conduite spécifique des lactations longues

En fonction des périodes, les lactations longues représentent une proportion plus au moins importante du troupeau. « Nous avons la possibilité de faire facilement deux lots. Lorsque nous mettons des chèvres à la reproduction, nous sommes contraints de faire un troisième lot pour la mise au bouc et c’est donc celui-ci qui a une conduite spécifique. » En 2020, il n’y avait aucune chèvre au bouc, les éleveurs en ont profité pour ne pas gérer les lots pendant la saison de pâturage pour simplifier le travail et pour faire deux lots l’hiver par niveau de production et de cellules pour ajuster les rations et limiter les risques de contaminations.

« Nos choix de conduite du troupeau nous ont permis d’atteindre nos objectifs. Nous avons à la fois ajusté la production annuelle à nos besoins (de 120 000 l en 2018 à 100 000 l en 2020) et écrêté les pics de production notamment celui du printemps. » Avec 2,4 l de lait par chèvre toute l’année et une production mensuelle autour de 8 000 l, le travail en fromagerie et la commercialisation se sont largement simplifiés.

Pour 2022, l’objectif de maintenir une seule période de mise bas au printemps risque de réduire cet avantage. Mais en ajustant en fonction de la production le nombre de chèvres mises à la reproduction et le nombre de lactation longue, les éleveurs espèrent maintenir une production toute l’année. « En supprimant une période de mise bas, plus difficile à gérer au pâturage et en agriculture biologique, nous simplifierons le travail. Les bonnes persistances laitières que nous avons observées les années précédentes nous laissent espérer une bonne production hivernale. Par ailleurs, nous gérerons le pic de production printanier avec du report de lait (fabrication de tomme etc.). »

Chiffres clés

120 chèvres Alpines et Saanens
103 000 l transformés (860 l/chèvre)
Vente directe AOP Pouligny Saint Pierre
3 associés Séverine et Thierry Reulier, Laurent Moreau
30 ha dont 27 de SFP Système alimentaire : pâturage + foin
35 à 100 % proportion de lactation longue

Projet Cllap : analyser les pratiques et créer des références techniques

La conduite en lactations longues, d’abord adoptée dans un contexte de désaisonnement des troupeaux, a évolué de manière importante au cours de ces 20 dernières années et suscite un intérêt croissant. Les motivations des éleveurs sont désormais multiples et les travaux conduits récemment sur cette thématique ont mis en évidence des profils et des carrières de chèvres en lactations longues également diversifiés. Financé par l’Anicao, le projet CLLAP (Conduites intégrant les lactations longues en élevages caprins : évolution et impact) vise d’abord à mieux appréhender cette pratique en associant : une analyse dynamique de la conduite en lactation longue (état des lieux sur plusieurs années, cartographie, caractérisation des cheptels concernés), la création de références à partir des bases de données disponibles, et la description des pratiques d’élevages (retours d’expérience sur le pilotage de ces lactations).

Les références acquises, notamment en termes de performances laitières (niveaux de production, persistance, courbes de lactation), seront ensuite valorisées pour évaluer l’impact de l’utilisation de lactations longues sur les productions de lait et de viande des élevages (simulations), et la gestion du renouvellement des animaux, en considérant plusieurs systèmes de reproduction modèles.

Cette étude ouvre un champ de recherches important en lançant pour la première fois un enregistrement conjoint de la gestion de la reproduction et du choix des chèvres conduites en lactation longue. La différenciation du caractère choisi ou subi des lactations longues devrait permettre d’identifier d’éventuels « échecs » dans le déroulé des lactations, de rechercher des indicateurs de performances et d’apprécier les antagonismes éventuels entre production et fonction reproductive. De manière complémentaire, le recueil des pratiques d’élevage devrait permettre de soulever un ensemble de questions pratiques en termes de gestion des lots (conduite spécifique notamment sur le plan alimentaire) et plus globalement du système (raisonnement de la sélection, du renouvellement, des réformes, etc.). Premiers résultats attendus pour le premier semestre 2022.

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