Les fromages de chèvre AOP sont en pleine forme
À l’assemblée générale du Cnaol, les fromages sous appellation d’origine protégée (AOP) au lait de chèvre ont le vent en poupe malgré des défis majeurs à relever.
Le comité national des appellations d’origine laitières (Cnaol) e tenu son assemblée générale à Autrans, dans le massif du Vercors, en Isère. Haut lieu de la production de bleu du Vercors-Sassenage, fromage emblématique lié à la race de vache locale la Villard-de-Lans, l’évènement a rassemblé plus de 240 personnes investies dans le fromage français. Les problématiques sont nombreuses et la journée et demie prévue pour l’évènement passe trop vite pour pouvoir tous les aborder. Le lait cru reste au centre des préoccupations, c’est un marqueur fort des AOP mais il est régulièrement mis à mal par des allégations santé. Le Cnaol souhaite que les fromages au lait cru soient réintroduits dans les cantines scolaires à travers le programme « Lait dans les écoles ». Le Cnaol et l’Inao organiseront également en 2019 un colloque international sur le lait cru et ses bienfaits. Pour que les AOP conservent leur bonne image auprès des consommateurs, « il est nécessaire que chaque ODG (organisme de défense et de gestion des produits sous signe de qualité, N.D.L.R.) ait une démarche d’évolution sur les attentes sociétales, avec la prise en compte de l’environnement et du respect du bien-être animal et le Cnaol se doit de les accompagner dans ces démarches », appuie Dominique Chambon, président du Cnaol et producteur de rocamadour.
Un réseau européen contre la contrefaçon
Des copies de fromages AOP continuent à apparaître sur les marchés mondiaux. Pour lutter contre ce type de fraude qui pénalise gravement l’image de qualité des appellations fromagères, oriGIn UE a vu le jour en mars 2018. Ce réseau européen a pour objectif de donner du poids aux producteurs de chaque pays, notamment dans les négociations d’accords de libre-échange pour protéger les indications géographiques en Europe et à travers le monde. Dominique Chambon a également réitéré sa demande au gouvernement d’agir contre ce fléau de concurrence déloyale. D’autant que les AOP représentent 14 % des débouchés du lait de chèvre collecté en France, soit 67 millions de litres annuels. En 2017, près de 7 000 tonnes de fromages AOP au lait de chèvre ont été produites, toutes appellations confondues. La production a augmenté de 0,9 % entre 2016 et 2017 et de 9,5 % sur les dix dernières années. Sans grande surprise la première place en volume revient au sainte-maure-de-touraine, avec 1 720 tonnes produites en 2017, suivi par le rocamadour avec 1 265 tonnes. Le selles-sur-cher obtient la troisième place avec 1 033 tonnes.
Des AOP caprines dynamiques
Sur les 14 AOP caprines enregistrées en 2017, les deux originaires de Bourgogne enregistrent les deux extrêmes en termes d’évolution de production. Le charolais est passé de 62 tonnes produites en 2016 à 81 en 2017, soit 31 % de progression. A contrario, le Mâconnais a perdu 17 % de production en 2017, passant de 85 à 70 tonnes produites. Globalement le nombre d’exploitations produisant des AOP caprines diminue moins vite, avec une perte de 8 % de l’effectif entre 2016 et 2017, que pour les autres exploitations (- 12 %). Néanmoins le problème du renouvellement générationnel se pose aussi pour les producteurs de lait ou fromage sous appellation comme le rappelle Franck Moreau, président du Criel Centre Val-de-Loire : « nous avons des difficultés pour trouver des candidats à la reprise d’exploitations en AOP. Nous travaillons avec les chambres d’agriculture et les ODG pour trouver de nouveaux éleveurs et transmettre le savoir-faire propre à l’appellation. » L’annonce que l’appellation fromage fermier pourra être maintenue pour les fromages affinés à l’extérieur de l’exploitation constitue un bon espoir pour les affineurs. « Il faut voir le détail de la loi, mais déjà dans l’idée c’est une bonne chose pour nous, s’exclame Christian Moyersoen qui affine du picodon AOP en Ardèche. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt, un grand volume de fromages AOP est affiné hors exploitation et l’appellation fermière est essentielle pour le consommateur. »
Pour un avenir radieux, jouer collectif !
Avec l’arrivée au printemps 2018 de la brousse du Rove, la famille des AOP caprines s’agrandit. « C’est bon pour nous, cela montre le dynamisme de la filière et l’engouement de nos concitoyens pour le fromage de chèvre rattaché à un terroir », témoigne Dominique Verneau, présent à l’assemblée générale du Cnaol pour représenter le crottin de Chavignol. Les ODG sont indépendantes et autonomes, mais peuvent compter sur le soutien du Cnaol, du Cniel et de l’Inao sur les problématiques rencontrées. « La filière des produits laitiers et plus précisément des AOP fromagères est forte car le collectif y a toute sa place, assène Olivier Moyersoen, président du syndicat du picodon AOP. De même, au sein de l’AOP picodon, nous avons mis en place des fiches techniques à destination des producteurs fermiers afin de pérenniser notre savoir-faire et sa transmission aux générations futures ». D’autant que dans les reprises d’exploitations produisant des AOP fromagères, un phénomène a tendance à s’amplifier ces derniers mois. Le renouvellement se fait de plus en plus par des personnes en reconversion professionnelle, déjà d’un certain âge et qui souhaitent se tourner vers la fabrication de produits de qualité et de tradition. Pour Dominique Chambon, c’est là que réside tout l’enjeu futur des AOP laitières : « les AOP ont traversé les décennies et les siècles et si elles sont toujours là aujourd’hui, c’est qu’elles ont su s’adapter et se renouveler sans pour autant oublier leurs racines. »