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AG du Cnaol à Rocamadour
Les 14 AOP caprines bientôt toutes au lait cru

Les fromages de chèvre sous appellation seront prochainement tous fabriqués au lait cru. Pour les producteurs d’AOP, le lait cru est une pratique exigeante mais signe de qualité.

Avec le prochain passage au lait cru du Picodon et du Chabichou du Poitou, les 14 fromages sous appellations d’origines protégées (AOP) au lait de chèvre seront bientôt tous fabriqués au lait cru. En considérant les 45 AOP fromagères, ce sont déjà les trois quarts du tonnage qui sont fabriqués au lait cru. En tout, c’est 194 000 tonnes de fromages au lait cru qui ont été fabriqués en 2014. Le Conseil national des appellations d’origine laitière (Cnaol) en avait fait le thème central de son assemblée générale, organisée les 1er et 2 octobre à Rocamadour et Gramat dans le Lot. 

Pour les producteurs de fromage au lait cru, le lait non pasteurisé revêt une pléthore de vertus. « C’est une matière noble, riche d’une flore naturelle issue de l’écosystème dans lequel les animaux sont élevés » apprécie Benoît Bonizzoni de l’atelier Fermiers de Rocamadour. « Un lait plein de vie, riche de diversité, d’équilibre et d’harmonie » renchérit Christian Moyersoen, affineur de Picodon. Pour Nathalie Masbou, productrice fermière de Rocamadour, « c’est un lait non traité qui garantit la typicité, l’identité et le lien au terroir ». Propos confirmé par Dominique Chambon, producteur de rocamadour et président du Cnaol : « Le lait cru et ses populations microbiennes ont une incidence directe sur la qualité du fromage. C’est aussi un patrimoine qu’il faut entretenir ».

Des dompteurs de lait cru très vigilants

Un lien au terroir confirmé par Nathalie Desmasures de l’université de Caen : « le transfert de souche de micro-organismes des laits crus vers les fromages a été démontré pour divers types microbiens et divers types de fromages ». Pour Marie-Christine Montel, chercheuse à l’Inra de Clermont-Ferrand, « on peut faire de bons fromages au lait pasteurisé et on arrive à reconstituer un écosystème microbien en rajoutant des ferments. Mais on ne peut pas reconstituer une communauté aussi complexe avec autant d’interactions qu’avec du lait cru ». « Pour les demandes de reconnaissances AOP, l’utilisation du lait cru facilite la démonstration du lien entre le terroir et le produit final, apprécie Michel Erhart à la tête de l’unité politique de qualité à la Commission européenne. Les goûts spécifiques, la flore de la région, du pâturage sont très bien transmis pour faire un fromage très spécial qui mérite la reconnaissance en tant qu’appellation d’origine protégée ».

Mais cette matière riche et vivante doit être domptée. Le lait peut être contaminé par un animal malade ou par l’environnement de l’élevage. « C’est une vigilance au quotidien chez nos producteurs et dans notre entreprise » explique Pierre Marty qui fabrique des camemberts de Normandie et qui précise que les pathogènes sont recherchés quotidiennement dans son atelier. « Travailler le lait cru demande beaucoup de rigueur dans l’élevage et un grand respect des règles d’hygiène lors de la traite » confirme Benoît Bonizzoni de l’atelier Fermiers de Rocamadour. « C’est une exigence de travailler au lait cru car on ne peut pas tricher mais ça donne beaucoup de sens à notre métier d’agriculteur » apprécie quant à lui Matthieu Bergougnoux, producteur fermier de Rocamadour.

Des études pour orienter les équilibres microbiens des laits

Mais au-delà de cette exigence sanitaire qui implique des efforts au quotidien, les fromages au lait cru présentent aussi des bénéfices plus larges. Ainsi, une étude menée depuis 12 ans sur 500 enfants vivants sur une ferme d’élevage et 500 enfants des mêmes villages confirme l’intérêt du lait cru dans la protection contre les maladies allergiques (asthme, eczéma, rhinite, rhume des foins…). « Le lait cru ressort parfaitement comme élément protecteur, explique Dominique Vuitton, la professeure d’immunologie clinique qui mène cette étude. La consommation de lait cru entraîne des modifications des défenses immunitaires dès le ventre de la mère. Les autres résultats de cette étude (qui se poursuit) touchent la diversité. Plus il y a de diversité dans notre environnement, plus la protection sera importante… »

Or, cette diversité tend à diminuer car les laits ont tendance à être de plus en plus déficients en bactérie lactique. La faute souvent à une hygiène trop poussée. Heureusement, en levant un peu la pression de sélection, la diversité peut revenir. C’est l’un des enseignements du projet FlorAcQ, mené par le RMT Fromages de terroirs, qui indique que les pratiques d’hygiène à la traite peuvent être allégées à condition bien sûr de s’assurer de la santé des animaux et de l’état de la machine à traire. Les travaux du RMT Fromages de terroirs ont ainsi permis la publication des classeurs FlorAcQ qui proposent une démarche d’accompagnement pour orienter les équilibres microbiens des laits. Pour mieux connaître toutes les populations microbiennes des fromages au lait cru, le RMT veut maintenant s’appuyer sur la génomique ou le séquençage de l’ADN à grande échelle. Ainsi, afin de se constituer une bibliothèque de référence, le RMT prévoit d’analyser prochainement les populations microbiennes de 1 350 fromages issus des 45 AOP laitières.

Les arguments favorables au lait cru sont hélas peu entendus. « Les consommateurs attendent du lait cru davantage de saveurs et de naturalité mais ils évoquent aussi les risques associés » explique Noëlle Paolo en charge des études consommateurs au Cniel. Et, en cas d’incident sur une fabrication, les risques sanitaires sont largement plus diffusés que les bénéfices à long terme… « Il y a pourtant plus de risque à prendre sa voiture qu’à manger du fromage » rappelle Daniel Rizet de l’AOP charolais en évoquant les petits nombres d’incidents face au près de 200 000 tonnes de fromage au lait cru fabriquées chaque année. D’où l’urgence de communiquer largement et notamment auprès des médecins qui déconseillent le lait cru aux femmes enceintes.

Une pratique exigeante mais riche en bénéfice

Des pubs pour mieux faire connaître le logo AOP

Seuls 23 % des personnes de 25 à 59 ans savent reconnaître le logo AOP. Pour pallier ce manque de reconnaissance, les AOP laitières cofinancent avec le Cniel et l’Union européenne une vaste campagne TV et internet. Dotée de 6,1 millions d’euros sur trois ans (2014 à 2016), cette campagne se base sur la signature « AOP, la plus belle preuve d’authenticité ». Des spots de 15 secondes ont été diffusés en février, juillet et octobre à la fois en télévision et sur internet pour tenter d’améliorer la notoriété du logo et mettre en avant les valeurs des AOP.

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