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Le juste prix du picodon

Un produit de qualité, une image de terroir et de nature reconnue par les consommateurs, le picodon AOP doit rémunérer ses producteurs.

« Les picodons ne sont pas à brader ! » Christian Moyersoen dirige la SARL Peytot, spécialisée dans l’affinage et la commercialisation du picodon AOP. « Nous nous sommes battus pour obtenir un label d’authenticité et de qualité. L’AOP, ce n’est pas rien, commente l’éleveur et entrepreneur d’origine belge. Malgré cette reconnaissance du produit, il y a toujours beaucoup d’éleveurs qui vendent leurs fromages à un prix trop bas ». Créée en 1983, la fromagerie Peytot est née d’un regroupement de producteurs ardéchois qui voulaient avoir du poids face à la grande distribution. Devenue une SARL en 2007, Peytot compte aujourd’hui 21 producteurs, la majorité en Ardèche et quelques Drômois. Son fonctionnement est plus souple qu’une coopérative. « Ici, les producteurs et les salariés détiennent chacun la moitié du capital et nous faisons régulièrement des réunions pour que chacun s’y retrouve », détaille Christian Moyersoen. Parmi les 80 producteurs de picodon AOP, près de 95 % vendent au moins une partie de leur production en direct. Pour l’éleveur de 65 ans, la relation entre producteurs et consommateurs est importante, elle permet plus de transparence sur le produit et tisse un rapport de confiance. Néanmoins, pour celui qui fut président de l’AOP picodon pendant 12 ans, ce sont « les démarches collectives qui représentent le vrai avenir pour la valorisation du travail fermier ». Et pour cela, il faut d’une part accepter de travailler en bonne intelligence avec le réseau de connaissances du territoire et d’autre part, avoir une vraie cohérence au sein d’un même produit, afin de véhiculer une image dans laquelle tout le monde se retrouve, producteur et consommateur.

En épicerie ou en grande distribution, les prix restent les mêmes

Afin de faciliter le travail des salariés de la fromagerie, les producteurs ont pour mission d’étaler au maximum leurs livraisons sur l’année. « Pour les inciter, nous récompensons les livraisons décalées », annonce Christian Moyersoen. En effet, les picodons sont payés 0,80 euro HT au producteur au moment du pic de production. Lorsque le lait et donc le fromage viennent à manquer, c’est-à-dire en janvier, février, juillet, août, novembre et décembre, l’affinage Peytot prend les picodons de ses producteurs autour de 0,94 euro pièce. « Notre objectif est aussi de convaincre les producteurs qui nous livrent de ne pas vendre moins cher lorsqu’ils font du direct. Le produit est aussi bon, il n’y a pas de raisons de le brader », s’exclame l’affineur. Lui vend ses picodons AOP affinés à 1,80 euro pièce. « C’est comme ça et pas autrement », insiste-t-il avec aplomb. Les grandes surfaces qui ont voulu baisser les prix ne font plus partie du portefeuille de clientèle de l’affinage. D’ailleurs, qu’ils soient commercialisés dans l’épicerie du village ou dans les enseignes nationales de distribution, les picodons Peytot seront toujours au même prix. À Ribes, à quelques kilomètres de l’affinage, dont les murs accueillent depuis 2010 un musée de l’AOP picodon, les frères Balmelle élèvent leurs 100 chèvres et transforment tout leur lait. Sylvain, 35 ans, a repris l’exploitation parentale depuis 2010, il s’occupe essentiellement de la conduite d’élevage. Laurent est arrivé sur l’exploitation en 2014, après une reconversion professionnelle à 180 degrés. Responsable d’une plateforme logistique dans la région lyonnaise, il fait l’Enilbio à Poligny où il apprend les techniques de transformation fromagère.

Multiplier les débouchés pour un revenu équilibré

Avec les 90 000 litres annuels de leurs saanens, ils produisent des picodons AOP bien sûr, mais également des tommes lactiques, des tommes pressées et du camembique (cousin caprin du camembert). Cet élargissement de gamme leur a permis de faire rentrer deux fois plus d’argent en trois ans sur leur magasin de producteurs, qui représente la moitié de leur chiffre d’affaires. Laurent et Sylvain livrent également des restaurateurs, des crémeries et des épiceries de produits régionaux, soit 35 à 40 % de leur production. Ils parviennent à valoriser leurs picodons à 1,65 euro pièce et leurs tommes autour de 30 €/kg. Les 10 à 15 % restants de la production, soit à peu près un jour de production par semaine, sont livrés à l’affinage Peytot. Au plus fort de la saison, le Gaec Élevage du Serre peut sortir jusqu’à 700 fromages par jour. « Il vaut mieux avoir plusieurs débouchés car cela permet d’être plus souple dans la fabrication, même si cela demande de l’organisation pour gérer les livraisons », explique Laurent Balmelle qui, en plus de la fromagerie, se charge de la commercialisation. Les deux frères souhaitent augmenter encore leur part de vente directe et développer la valorisation de leurs chevreaux. Ils parviennent à se dégager chacun 1 500 euros par mois et ont commencé des travaux d’agrandissement de leur bâtiment d’élevage, qui sera équipé de trois cellules de séchage de foin.

L’affinage Peytot voit tout en bio

Selon Christian Moyersoen, l’avenir du fromage de chèvre, c’est le bio. L’élevage caprin se doit d’être exemplaire en termes de bien-être animal, de pratiques extensives, de pastoralisme, etc. Il souhaite que les 21 producteurs qui livrent leurs fromages à l’affinage passent tous en bio, c’est aujourd’hui chose faite pour cinq d’entre eux. Les picodons AOP bios sont achetés par l’affineur à 0,88 euro HT la pièce en basse saison et 1,02 euro HT en haute saison.

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