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Elevage caprin
L´autonomie alimentaire en pratique

En élevage caprin, l´intérêt technique et économique de l´autonomie alimentaire soulève nombre d´interrogations. Analyse des résultats d´une enquête et voies d´amélioration.


Pour ne pas dépendre de la fluctuation du prix des déshydratés, du soja, pour garantir soi-même la qualité des aliments, respecter les chartes mises en place par certaines laiteries, se préparer aux conditions de production des AOC : des éleveurs caprins s´interrogent sur l´intérêt d´améliorer leur autonomie alimentaire. Quelle autonomie faut-il viser ? Individuelle, entre agriculteurs, dans la région.
Est-ce toujours rentable ? Est-ce que ça ne va pas engendrer du travail en plus ?
Pour apporter des éléments de réponse, un état des lieux de l´autonomie alimentaire et des moyens mis en oeuvre a été réalisé dans 38 exploitations du Réseau d´Elevage Caprin de Poitou-Charentes et Pays de la Loire.
©D. R.


Autonomie : 61 % en énergie, 45 % en azote
L´autonomie en fourrage est élevée. Deux tiers des élevages ont une autonomie supérieure à 90 % et un peu plus de 30 % se situent à moins de 85 %.
L´autonomie en concentrés est faible. Près d´un quart des élevages achète la totalité de ses concentrés. Pour les autres, la dispersion est grande, de moins de 20 à plus de 80 % d´autonomie. Seul un éleveur sur 6 n´utilise pas de déshydratés. Les autres en consomment en moyenne 170 kg par chèvre par an. Dans un quart des élevages, la quantité utilisée est inférieure à 90 kg par chèvre par an, à l´inverse 13 % sont à plus de 300 kg.
Si on considère les déshydratés comme des concentrés, l´autonomie en concentrés s´établit alors à 30 %. Si on les considère comme des fourrages, l´autonomie en fourrages descend à 77 %. Il n´y a aucune relation entre l´autonomie en fourrages et celle en concentrés. Pour une autonomie en fourrages équivalente, certains élevages achètent peu de concentrés alors que d´autres sont très dépendants. Les niveaux d´autonomie observés dans le réseau bovins lait de Poitou-Charentes sont plus élevés, 10 points de mieux pour l´autonomie en énergie et 20 points pour l´autonomie en azote.

En vaches laitières, les systèmes alimentaires sont à dominante fourrages. Davantage d´éleveurs pratiquent le pâturage et ils utilisent moins de concentrés.
L´exploitation moyenne utilise 636 kg MS fourrages, 145 kg de déshydratés et 373 kg de concentrés par chèvre par an. Avec 15 chèvres par hectare de surface fourragère, elle obtient une autonomie totale moyenne de 65 %. Les élevages les plus autonomes utilisent davantage de fourrages et moins de déshydratés que les autres. Ils ont 4 chèvres de moins à l´hectare et autoconsomment davantage de céréales. Ils distribuent autant de concentrés par chèvre que les élevages les moins autonomes.
©D. R.


Quel niveau de chargement pour être autonome ?
Les élevages très autonomes en fourrages, déshydratés compris (plus de 80 %), ont en moyenne 11 chèvres par hectare de SFP. Au-dessus de 15 chèvres par hectare de surface fourragère caprine, il semble difficile d´obtenir un niveau d´autonomie supérieur à 60 % sauf pour quelques élevages en ensilage de maïs qui obtiennent de très bons rendements (18 à 20 t MS en irrigué).

Peut-on avoir une bonne production laitière en étant autonome ?
D´après les données traitées, il n´y a pas de relation entre autonomie et lait par chèvre. On observe seulement que les élevages avec une autonomie en azote, dépassant 70 %, produisent moins de 800 kg de lait par chèvre. Mais la taille de l´échantillon ne permet pas de donner une conclusion significative.

Concilier autonomie et grand troupeau
Là non plus, il n´y a pas de relation significative entre autonomie et taille des troupeaux. Au-delà de 80 % d´autonomie, la taille des troupeaux est comprise entre 140 et 250 chèvres. Les élevages au-dessus de 400 chèvres sont moins autonomes que les autres. Ils ont pour la plupart opté pour la ration « foin et déshydratés », privilégiant la simplification du travail.

Autonomie et systèmes alimentaires
Les systèmes à dominante «fourrages» en ensilage de maïs ou foin sont bien sûr plus autonomes que le système foin et déshydratés. Les systèmes «foin» essentiellement à base de foin de luzerne sont les plus autonomes en concentrés et en azote. Ces systèmes présents en zone de plaine, produisent aussi des céréales. Avec un très bon foin de luzerne en quantité, la complémentation azotée est minime. Ces données moyennes masquent bien sûr de fortes variabilités intra système. Concernant l´autonomie en MS et en énergie, c´est en système «foin» que les écarts sont les plus forts. C´est en ensilage de maïs que l´autonomie en azote est la plus variable. Elle augmente avec l´apport de foin de luzerne, d´ensilage d´herbe, de protéagineux. Elle diminue avec l´apport de déshydratés. Les systèmes à dominante «fourrages» obtiennent des coûts alimentaires similaires avec un petit mieux pour l´ensilage de maïs. Les élevages en ensilage de maïs ont des charges de concentrés plus faibles que les élevages en foin mais ils utilisent davantage de déshydratés et ont des charges fourragères plus élevées. C´est bien sûr les déshydratés qui expliquent la différence de coût entre les deux systèmes «foin».
©D. R.


Autonomie rime-t-elle avec économie ?
Les élevages les plus autonomes ont un coût alimentaire moyen plus faible que l´ensemble des éleveurs. Ils économisent 35 euros pour 1000 l soit 5250 euros pour 150 000 litres de lait. Les éleveurs les plus économes, conjuguent autonomie et performances laitières. Ces résultats concernent uniquement l´atelier caprin. Il faut bien sûr s´assurer que cette économie n´a pas une incidence négative sur le reste de l´exploitation (moins de cultures de vente, moins de primes.).

Autonomie et temps de travail
Les bilans travail déjà réalisés dans les élevages du réseau nous donnent quelques repères. Les systèmes les moins gourmands sont les systèmes « paille » et « pâturage » qui s´opposent en terme d´autonomie. Au-delà des données moyennes, il y a davantage de variabilité intra groupe qu´entre groupes. L´équipement pour distribuer les aliments, la localisation des bâtiments et des lieux de stockage, le nombre de repas. pèsent souvent plus fort que la nature du système alimentaire.
Concernant le travail de saison, plus les surfaces augmentent, plus le temps consacré à l´hectare diminue. Des pistes existent pour se libérer du temps. S´équiper en mesurant bien les incidences économiques de tels investissements, travailler en Cuma, faire appel à l´entreprise.
©D. R.


Vers plus d´autonomie alimentaire
1. Plus de fourrages de qualité et moins de déshydratés.
Stocker au moins 800 kg de MS fourrage par chèvre par an et viser 8 à 10 chèvres par hectare de surface fourragère. Le repère de chargement est bien sûr à moduler suivant le contexte pédoclimatique de l´exploitation, la possibilité ou non d´irriguer.
En caprins et cultures de vente, le développement de l´autonomie passera par l´augmentation de la surface fourragère au détriment des surfaces en cultures de vente. L´impact économique de ces choix dépendra du potentiel des sols, des marges dégagées par les cultures et du prix des aliments achetés. Le découplage des aides devrait favoriser cette voie.

En caprins spécialisés ou caprins et bovins viande, l´autonomie sera sans doute plus difficile à atteindre, un certain nombre d´éleveurs étant limités en surface. Pour ces éleveurs, l´autonomie alimentaire individuel nécessitera forcément une remise en cause de l´équilibre actuel du système, en particulier entre les différents troupeaux. Ces éleveurs peuvent envisager l´autonomie de façon plus collective, entre agriculteurs, dans la région en mesurant bien les intérêts et les limites de ces choix. Au-delà de la quantité, le fourrage offert au troupeau doit être de qualité pour réduire les achats de concentrés et déshydratés. En système « foin » , la qualité de la première coupe est souvent difficile à assurer. Pour la gérer au mieux, certains éleveurs ont investi dans un séchoir en grange, d´autres ont opté pour le pâturage. A côté de ces voies qui constituent de véritables changements de systèmes, des pratiques comme la combinaison d´espèces fourragères, la combinaison d´animaux sur l´exploitation voire même avec les voisins. peuvent être mises en place.

2. Utiliser ses céréales pour améliorer son autonomie en énergie.
80 % des éleveurs enquêtés utilisent aujourd´hui leurs céréales dans des proportions très diverses. La quantité utilisée par chèvre est en moyenne de 190 kg, elle varie de 4 à 350 kg. Ce sont bien sûr les systèmes à dominante « foin de luzerne » qui en utilisent le plus. 60 % des éleveurs qui utilisent leurs céréales, font consommer du maïs grain, 40 % de l´orge et près d´un quart du blé. Le triticale et l´avoine sont également utilisés. Enfin 5 éleveurs introduisent du tournesol dans leur ration pour améliorer leur taux butyreux. Utiliser ces céréales suppose de pouvoir investir un peu de capital dans le stockage des céréales et dans leur transformation. Cette voie nécessite aussi du temps disponible sur l´exploitation au quotidien pour la préparation et la distribution. Si cette pratique occasionne un peu de travail supplémentaire, elle est techniquement facile à maîtriser (veiller toutefois à la bonne conservation des céréales), ne remet pas en cause le système et est économiquement très rentable.

3 . Optimiser les quantités de concentrés utilisés.
C´est une étape souvent oubliée mais pourtant facile à mettre en place. Elle ne demande pas plus de travail, ni d´investissement., et peut se réaliser dans bon nombre d´élevages. En système ensilage de maïs et foin et luzerne par exemple, les concentrés ne devraient pas dépasser 300 g au litre de lait. Enfin, ce n´est pas parce que l´on consomme ses propres céréales qu´il faut les gaspiller.

4. Améliorer son autonomie en azote.
- En utilisant davantage d´herbe : les systèmes « herbe » (pâturage, vert.) produisent des fourrages dont les valeurs sont à peu près équilibrées en énergie et en matières azotées. Les graminées au stade feuillu contiennent environ 0,95 UFL et 100 g de PDI par kg de matière sèche. En plus l´introduction du pâturage ou de l´affouragement en vert permet de réduire les quantités de foin à stocker et d´assurer ainsi des stocks de meilleures qualités.
- En cultivant des protéagineux pour remplacer du correcteur : l´intérêt économique de cette pratique dépend de l´aptitude des sols et des potentiels de rendement pour ces cultures. Il est également fonction du prix des correcteurs azotés du commerce. Les rendements en protéagineux sont souvent aléatoires, or en lupin, il faudrait atteindre au moins 30 quintaux/ha pour que cette alternative soit économiquement favorable.


Article réalisé par le Réseau d´élevage caprin des régions Poitou-Charentes et Pays de Loire ainsi que l´Institut de l´Elevage.

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