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Marchés
Dynamique du lait de chèvre en Espagne

Deuxième pays producteur de lait de chèvre en Europe, l’Espagne connaît une réelle dynamique qui suscite l’intérêt des acteurs français. Analyse des données de production.

La production laitière caprine espagnole est l’une des plus importantes du continent, talonnant de près la production française depuis de nombreuses années. En 2017, la collecte au sud des Pyrénées pourrait d’ailleurs s’établir au-dessus de la collecte française, ce qui constituerait une première depuis le début des années 90. Fin septembre (1), la collecte cumulée espagnole dépassait en effet de 20 millions de litres la collecte française. Aussi, bien que les derniers mois de l’année soient habituellement plus favorables à cette dernière, il semble peu probable que cet écart soit intégralement comblé, d’autant plus qu’à l’image de la collecte française, la collecte espagnole connaît elle aussi un fort rebond sur le second semestre. Par ailleurs, sur la période de 12 mois allant d’octobre 2016 à septembre 2017, la collecte cumulée espagnole a dépassé de près de 12 millions de litres la collecte française.

Retour à des prix un plus encourageants

L’année 2017 a également vu remonter les prix payés aux producteurs espagnols après une année 2016 qui leur a été particulièrement défavorable. Fin septembre, le prix moyen (obtenu par pondération des prix mensuels par rapport à la collecte) s’établissait ainsi à 581 € les 1 000 litres, soit 26 € au-dessus de son niveau de 2016 (555 €/1 000 l), mais près de 38 € sous son niveau de 2015 (619 €/1 000 litres). Ces fortes variations du prix constituent une caractéristique de la filière espagnole qui a par exemple vu ses prix atteindre des sommets à plus de 750 €/1 000 litres de moyenne en 2014 (+70 € par rapport à la France) avant de chuter à 600 € en 2016 (soit 40 € en dessous du prix français).

Une professionnalisation de la filière qui se poursuit

La dynamique connue par la collecte ne constitue que la face émergée de l’iceberg et est le résultat d’une filière caprine en pleine évolution dans son ensemble. Ainsi, la professionnalisation constante d’un plus grand nombre d’élevages, que ce soit au travers de programmes génétiques ou par l’adoption de nouvelles pratiques d’élevage est souvent mise en avant par les acteurs de la filière.

Par ailleurs, des outils de suivi de la filière ont vu le jour ces dernières années. Le suivi mensuel de la collecte à l’échelon national constitue par exemple l’un de ces outils très récents dont il semblerait aujourd’hui difficile de se passer. Pourtant, un tel suivi ne remonte qu’à 2014, année où les déclarations d’achats auprès du Fonds espagnol de garantie agricole (Fega) de lait ont été rendues obligatoires. La nécessaire période de « montée en charge » des données nous amène même à estimer que ce n’est qu’à partir de 2016 que ces données sont devenues fiables, lorsqu’elles ont enfin été en correspondance avec d’autres sources d’estimations de la collecte annuelle.

Le succès du Foro nacional del caprino (la foire nationale caprine) qui s’est tenu en Andalousie début mai (voir La chèvre n° 341 de juillet-août 2017) et a réuni un record de participants pour sa 8e édition est également un indicateur de l’attrait que suscite la filière et du regain de dynamisme des éleveurs.

Sécheresse, tuberculose et faiblesse de l’appui technique

Cependant, au-delà des incertitudes liées aux prix du lait, les élevages caprins espagnols doivent encore relever de nombreux défis, certains d’ordre conjoncturel comme la sécheresse historique connue dans certaines régions, d’autres plus en profondeur tel que le volet sanitaire (tuberculose caprine notamment). Le taux de pénétration de l’appui technique dans les élevages reste également relativement faible et nombre d’éleveurs sont donc « livrés à eux-mêmes ». Certains opérateurs mettent également en avant le poids des nombreux petits producteurs qui se seraient tournés vers l’élevage comme « refuge » face à la crise économique (sujet qui a d’ailleurs fait l’objet de nombreux articles dans la presse espagnole ces dernières années). Si ces producteurs participent à la hausse de collecte, ce circuit restant majoritaire, même si certains d’entre eux pratiqueraient aussi la transformation fermière (voir encadré), ils n’offrent pas toujours les garanties sanitaires souhaitées, ni la certitude d’une pérennité de leur production à l’avenir.

Par ailleurs, de nombreux opérateurs estiment que les chiffres publiés par le Fega ou le ministère de l’Agriculture restent incomplets et ne tiennent pas compte de l’ensemble de la production.

Enfin, concernant le suivi de la filière, une question trouvant difficilement réponse est celle du devenir du lait une fois collecté. En effet, compte tenu de la tradition de fabrication de fromages de mélange (lait de vache, brebis et chèvre en proportion variable), les fromages purs chèvre ne représentent qu’une petite partie de la production. Le suivi du lait depuis les fermes jusqu’aux quais d’usines reste ainsi une question sans réponse certaine, ce qui ne permet pas de se faire une idée très précise des volumes destinés à l’export dont nous savons pourtant qu’ils pèsent dans la production totale.

France et Espagne, des filières connectées

Les filières espagnoles et françaises entretiennent des liens étroits, notamment du fait de la présence de certains opérateurs majeurs de chaque côté de la frontière, mais aussi par la connaissance de flux de matières premières (lait, lait concentré et caillé congelé) souvent depuis l’Espagne et à destination de la France. Il convient en effet de rappeler que si la production de lait de chèvre française dépasse les 600 millions de litres, un peu plus de 20 % (soit près de 130 millions de litres) de cette production est transformée directement sur les fermes. De fait, près de 100 millions de litres de lait de chèvre sur les 564 millions transformés par les industries spécialisées françaises en 2016 provenaient de matières premières importées, et l’Espagne compte assurément pour une part non négligeable de ces volumes.

Afin de mieux comprendre les interactions entre les deux pays, une étude sur la filière espagnole menée par l’Institut de l’Élevage et la Fnec, avec le soutien de FranceAgriMer est en cours de finalisation. Elle fera l’objet d’une publication dans l’année 2018.

Bientôt la première collecte européenne

(1) Les données disponibles à la mi-décembre 2017 s’arrêtaient à septembre 2017.

Chiffres clef

L’Espagne caprine

506 000 km² (avec les îles Canaries)
46 millions d’habitants
2 millions de chèvres et chevrettes laitières sur 3 millions de chèvres au total, deuxième cheptel européen derrière la Grèce
506 millions de litres de lait de chèvre produits en 2016, deuxième producteur européen derrière la France
460 millions de litres de lait de chèvre collectés

"De plus en plus de fromageries fermières ou artisanales"

« Il n’y a pas en Espagne de statistiques fiables sur le nombre de fromageries fermières et artisanales mais on peut estimer qu’il y en a entre 800 et 1 000 sur un total de 2 000 fromagers traitant le lait de chèvre, de brebis ou de vache. La crise sévère qu’a connue la filière caprine en Espagne au début de la décennie a entraîné la cessation d’activité pour de nombreux élevages. La production a repris depuis, et certains éleveurs se sont mis à transformer une partie du lait de chèvre qui ne trouvait pas d’acheteur auprès de l’industrie. Je pense que le phénomène va s’amplifier et que cela peut contribuer à stabiliser le prix du lait de chèvre. Pour preuve aussi de ce mouvement de fond, les fromageries qui se sont créées récemment sont toujours en activité et satisfont la demande de consommateurs de plus en plus demandeurs de produits pur chèvre (influencés sans doute par les nouvelles tendances de consommation) même si le fromage de mélange reste le produit traditionnel présent dans tous les foyers. Mais la concurrence est rude au rayon fromage et il y a donc un enjeu pour les producteurs fermiers à se différencier davantage, en développant par exemple la technologie lactique, la fabrication de yaourt ou laits fermentés, afin de pouvoir rechercher une valorisation supplémentaire. »

Maria Jesus Jimenez Horwitz, productrice andalouse de fromages de chèvre fermiers, présidente de Quered, une des associations espagnoles de producteurs de fromages fermiers et artisanaux

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