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En Ardèche
Diversifier les circuits pour assurer ses revenus

Avec un souci écologique, Karine et Aurélien Mourier sécurisent leur revenu en livrant du lait et en fabriquant du picodon et du caillé doux de saint-félicien.

À Préaux, dans le nord de l’Ardèche, Karine et Aurélien Mourier se sont installés sur le site d’une vieille ferme familiale. À 500 mètres d’altitude, les bâtiments, datant de 1670, sont encore debout et donnent un cachet authentique à l’exploitation, mais le couple de chevriers a su mettre en place une conduite d’exploitation moderne, écologique et économique. Installé en 2006, Aurélien Mourier a commencé en livrant tout son lait à l’entreprise Triballat pour qu’il soit transformé en picodon AOP. À l’arrivée de Karine Mourier sur l’exploitation en 2011, le couple réfléchit à diversifier leurs circuits de commercialisation avec l’envie de transformer eux-mêmes une partie de leur production. Ils se lancent alors dans la construction de leur fromagerie de 65 m². Ils cherchent à optimiser les coûts énergétiques du bâtiment en utilisant du bois et en installant des panneaux solaires et un récupérateur de chaleur. Autant d’installations écologiques dont ils peuvent être fiers et qui s’ajoutent à la bonne image qu’ont leurs clients de la ferme. Car cette fromagerie n’a pas seulement un atout environnemental. Elle comprend également un espace de vente et l’agencement des pièces a été pensé d’une part pour faciliter le travail au quotidien de Karine qui s’occupe majoritairement de la transformation et d’autre part pour que la vente puisse avoir lieu en même temps que le travail en fromagerie.

Pouvoir fabriquer et vendre au même endroit

« Un point de vente à la ferme représentait pour nous moins d’investissements que si nous faisions les marchés, où il faut du matériel, une place, de la préparation et du temps de trajet et de vente. Là, nous sommes sur place et ça facilite bien des choses », explique Aurélien Mourier. Seulement, Aurélien et Karine ne s’arrêtent pas là et vont chercher encore d’autres canaux de vente, notamment sur quelques foires et événements pendant la saison touristique ainsi que lors des marchés de Noël. Le duo a également monté, avec un collectif de paysans locaux, un magasin de producteurs ainsi qu’un atelier de découpe, dans lequel ils transforment leur viande de chèvre et chevreau. Aujourd’hui, ce sont les deux tiers de la production de leurs 125 chèvres qui sont envoyés à la laiterie Triballat avec une valorisation à 756 € les 1 000 litres de lait. « Ici, sans la plus-value de l’AOP picodon, on ne s’en sortirait pas », affirme Karine Mourier. Les enseignements tirés de la crise du lait de chèvre ont incité le couple à diversifier leurs rentrées d’argent sur le tiers de production restant et cela leur permet également de mieux valoriser le pic de lactation de printemps que ne le fait la laiterie. Sur le point de vente à la ferme, où ils écoulent 50 % de leur production fermière, le picodon AOP est vendu à 1,50 €/pièce alors qu’en magasin, où est vendue l’autre moitié de la production, le prix est majoré de 15 centimes, en compensation du coût de livraison et du fonctionnement du magasin notamment.

La vente directe prend du temps mais rapporte beaucoup plus

Au niveau du résultat de l’exploitation, la vente directe dans son ensemble représente 53 % du chiffre d’affaires (hors prime) et cela avec seulement un tiers de la production. Le couple réfléchit actuellement à augmenter la part de transformation dans leur production globale, tout en gardant une partie contractualisée avec la laiterie, qui leur assure un revenu minimum. D’autant plus que les ventes directes pourraient bien augmenter significativement puisque Karine, en plus d’être membre du bureau de l’AOP picodon, est également très investie dans la promotion du caillé doux de saint-félicien, un fromage frais traditionnel issu du village du même nom, situé à une dizaine de kilomètres de la ferme. Bien que pour l’instant, le caillé doux soit moins bien valorisé que le picodon AOP et demande environ un litre de lait pour sa fabrication, Karine et Aurélien, ainsi que les sept autres producteurs du fromage frais local, ont bien l’intention de demander sa reconnaissance en AOP, s’inspirant de l’exemple de la brousse du Rove. La communication du couple d’éleveurs autour de leur ferme et de leurs produits est dynamique. Ils utilisent facilement les réseaux sociaux tels que Facebook, sur lesquels ils mettent des photos de leurs animaux et avertissent leur clientèle du retour des fromages.

Fidéliser la clientèle en étant le plus transparent possible

L’exploitation possède également son propre site internet et des prospectus sont distribués dans le magasin de producteurs et lors des foires. Les clients qui viennent faire leurs achats sur la ferme peuvent également la visiter, soit de leur côté soit en groupe pour des visites guidées. « C’est un exercice intéressant de présenter le fonctionnement d’un élevage à nos clients. La plupart n’y connaissent pas grand-chose et il faut arriver à trouver les bons mots pour que cela soit compréhensible par tout le monde », reconnaît Aurélien. Les deux chevriers n’ont rien laissé au hasard sur leur exploitation et leur objectif est que chaque poste de dépense soit limité au maximum et optimisé d’un point de vue environnemental. De même, ils préfèrent avoir des salariés, aujourd’hui au nombre de deux, qui s’occupent de la ferme et de la fromagerie, plutôt qu’une automatisation dans les bâtiments d’élevage. La ferme compte également un atelier d’une vingtaine de porcs et un autre de 20 vaches allaitantes. En plus de compléter leur gamme de produits carnés de chevreau avec la charcuterie et la viande de porc et de veau de lait, ces ateliers complémentaires s’inscrivent dans une démarche de « zéro gaspillage ». En effet, les cochons sont nourris en partie par le lactosérum issu de la transformation fromagère, ce qui évite aux éleveurs d’avoir ces effluents gras à traiter. Ils consomment aussi une partie des céréales produites sur l’exploitation et des déchets de légumes d’une entreprise agroalimentaire locale.

Un cercle vertueux avec les refus des chèvres

Les vaches, elles, se nourrissent en grande partie des refus de fourrage des chèvres. « On arrive à nourrir quatre à cinq vaches par an rien qu’avec le refus des chèvres, détaille Aurélien Mourier. Les vaches nous servent aussi à optimiser le pâturage en passant après les chèvres ». L’autonomie alimentaire de l’exploitation est bien réelle mais extrêmement fragile en dépit des 91 hectares de SAU car seulement 40 sont mécanisables. Le reste est valorisé en prairie naturelle pâturée et en parcours. Les dix hectares de céréales et de légumineuses ne suffisent pas à l’autonomie protéique des ateliers d’élevage et la sécheresse de l’année passée a causé beaucoup de tort à la production de fourrage. Karine et Aurélien suivent de très près leurs résultats économiques grâce à la comptabilité analytique que réalise Karine, ce qui leur permet de savoir très rapidement quel atelier leur rapporte et lequel les met en difficulté. Ils peuvent ainsi réagir dans les temps pour adapter leur production et leurs circuits de commercialisation.

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