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De fil en aiguille et du fromage au savon

Dans le Perche, Annie, Christian et Malvina Lalière ont mis sur pied une exploitation caprine aux multiples atouts. Fromage, savon ou laine, tout est confectionné sur la ferme.

La ferme de l’Aritoire, à 50 kilomètres à l’ouest de Chartres, est une exploitation bien inhabituelle pour l’agriculture du Perche. Christian et Annie Lalière élèvent 40 chèvres alpines depuis 1989. Originaire de la Touraine, le couple a migré à la fin des années soixante-dix pour trouver du travail en agriculture et a atterri dans l’Orne. Ils ont commencé leur élevage avec deux chèvres, reçues en cadeau de mariage. Annie et Christian étaient alors tous les deux salariés sur la même exploitation agricole. De fil en aiguille, ils sont passés de deux à six chèvres, puis seize. Annie s’est alors consacrée à l’élevage des chèvres et à la transformation de toute leur production laitière. Faire manger du fromage de chèvre aux Normands, voilà un défi que les deux chevriers ont su relever avec brio. Lors de leur installation, ils étaient les seuls éleveurs caprins à des dizaines de kilomètres alentour, mais aujourd’hui leur ferme est un modèle dans son genre et, depuis, plusieurs élevages de chèvres ont vu le jour dans les environs. Quant à la clientèle, si les débuts n’ont pas été faciles et ont demandé beaucoup de temps, de communication et de patience, elle est aujourd’hui fidèle et grossit chaque jour. « Nous ne nous sommes pas limités à la population locale et nous avons élargi notre périmètre, explique Christian. Nous sommes présents tous les dimanches matin sur un marché parisien ».

Arrêter le fromage pour faire du savon

Tout comme leur clientèle, au sein de laquelle plusieurs générations se succèdent, leur fille Malvina travaille à la reprise de l’exploitation, programmée fin 2019, lors du départ à la retraite de ses parents. Pour elle qui souhaite travailler seule sur la ferme, plus question de faire du fromage de chèvre, car cela prend trop de temps, entre la traite, la transformation et la commercialisation. Malvina a choisi un débouché original pour le lait de ses chèvres. Assistante vétérinaire de formation, Malvina avait entendu parler des vertus bienfaisantes pour la peau du savon au lait de chèvre. Elle a donc commencé à fabriquer son propre savon. Sur leur point de vente à la ferme, ses parents ont déjà diversifié leur offre en revendant les produits d’autres producteurs de la région, tels que du cidre, du jus de pomme, du miel, ou encore du savon. La demande en cosmétiques alternatifs est en constante augmentation, les consommateurs ne veulent plus seulement savoir ce qu’ils mangent mais également la provenance et la composition des produits du quotidien. Les savons Malva ne sont pas labellisés bio, mais 80 % des ingrédients le sont.

Une réglementation autour des cosmétiques très complexe

Autodidacte à ses débuts dans le monde de la savonnerie, Malvina décide de suivre une formation sur la législation entourant les produits cosmétiques. « La réglementation européenne est tellement précise et contraignante, elle constitue un des principaux freins à l’installation », déclare l’éleveuse de 32 ans. Pour chaque produit de sa gamme, la savonnière doit constituer un dossier. Celui-ci comporte notamment les normes cosmétiques applicables au produit en question et il doit être impérativement validé par un toxicologue. Depuis 2014, elle consacre tout son temps à mettre sur pied son activité de cosmétique fermière. « Les clients apprécient ce mélange entre ferme et cosmétique. Je ne suis pas qu’artisane mais aussi éleveuse », souligne-t-elle. Grâce aux clients fidèles de l’exploitation, elle a pu commencer à tester son produit sur le marché et elle a également développé la vente par internet. En plus du site, les réseaux sociaux ont beaucoup d’importance pour Malvina et ses parents qui voient là un moyen simple et efficace de tenir informée leur clientèle de la vie à la ferme, du retour des fromages et de l’arrivée de nouveaux produits. « Notre meilleur débouché, ça reste les chevriers de toute la région qui les revendent aussi sur leurs points de vente. Nous cherchons aujourd’hui d’autres éleveurs susceptibles d’être intéressés par la démarche », lance Malvina, qui souhaite par ailleurs ne transformer que le lait frais issu de ses chèvres.

Riches en glycérine, ils protègent et hydratent la peau

Elle utilise la technique de la saponification à froid, qui permet de préserver les qualités des matières premières, d’habitude altérées dans les processus industriels. Les savons Malva sont riches en glycérine qui a un rôle protecteur de la peau. Ils sont plus riches en surgras pour l’hydrater et contiennent 10 % de lait de chèvre. Malvina n’a donc besoin que de trois litres de lait par jour pour fabriquer 250 savons. Elle ne gardera que six chèvres alpines pour toujours assurer un volume minimal de lait avec lequel elle produit neuf savons différents dans son atelier sur la ferme. Sa gamme comprend également un savon de rasage, des soins mains et ongles, des laits corporels… Ceux-ci sont fabriqués à façon par un laboratoire agréé qui possède les installations nécessaires. Ces produits-là peuvent contenir jusqu’à 20 % de lait.

Des fils lisses de laine mohair pour toucher une clientèle large

Ainsi l’exploitation ne compterait plus que six chèvres d’ici janvier 2020, date à laquelle Malvina prévoit de racheter la ferme à ses parents. C’est sans compter la volonté d’Annie, Christian et Malvina de se diversifier dans la laine mohair. La ferme de l’Aritoire compte aujourd’hui sept chèvres angoras et le troupeau va s’agrandir avec l’arrivée prochaine de six autres chèvres et d’un bouc. L’objectif final étant d’avoir un troupeau d’une cinquantaine de têtes. Les Angoras donnent entre trois et quatre kilos de laine par an, en deux tontes. Le plus grand soin est apporté à cette période. « La tonte des Angoras est très technique et la plus-value de la laine mohair est trop importante pour risquer d’en perdre une partie », avertit Annie. La petite famille s’oriente vers le tissage en fils lisses, car « ceux-ci permettent de faire plus facilement des vêtements unisexes », explique à son tour Christian. L’homme de la famille montre fièrement les mitaines qu’il a tricotées lui-même et qui font fureur, même en plein été. Le père, la mère et la fille débordent tous les trois de dynamisme et de créativité, imaginant diverses manières de valoriser leur laine. Vêtements, plaids, kits de tricot accompagnés d’une notice d’utilisation, pelotes teintes ou naturelles mélangeant mohair et alpaga pour plus de douceur, la ferme de l’Aritoire ne se repose pas sur ses lauriers et se renouvelle sans arrêt.

Trois litres de lait pour 250 savons

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