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En Charente : « Un gain de rendement de 31 % avec le meilleur tailleur de vigne »

Un tailleur bien formé permet des gains de productivité non négligeables. C’est ce qu’a constaté le Vignoble Bourgoin, en Charente.

Un bon tailleur peut à terme procurer un gain de rendement d’au moins 30 % par rapport à un moins bon. C’est ce qui ressort d’un essai du Vignoble Bourgoin, sis à Saint-Saturnin, en Charente. Un résultat qui témoigne, s’il en est, de l’impact de la formation lors de la taille. Pour arriver à ce chiffre, Frédéric Bourgoin et son père Alain Bourgoin, à la tête du Vignoble éponyme, ont mis en place un essai de taille en 2017. Il consiste à affecter à chaque tailleur en CDI sur l’exploitation, soit sept salariés : Nathalie, Nadine, Régine, Alain, Stéphane, Jean-Christophe, et Romain, un rang de taille, identique année après année. Hormis cette différence de tailleur, le reste de l’itinéraire technique est strictement similaire d’un rang à l’autre.

« Le but était de tester, sur le long terme, l’évolution de la vigne en fonction du tailleur », contextualise Frédéric Bourgoin. Pas question pour autant de stigmatiser les salariés en fonction de leurs résultats. « Le but n’était pas d’effectuer un classement interne, avec un médaillé d’or et un bizuth, mais plutôt de prendre ça comme un jeu et un plaidoyer pour l’amélioration continue, poursuit-il. On voulait que chacun se sente fier de l’essai, quelle que soit sa place dans le classement. »

Avant de démarrer, tous les salariés ont reçu les mêmes consignes, à savoir respecter les flux de sève, limiter les plaies de taille, laisser des chicots, rationaliser le choix des lattes. Et dans la salle de repos, des reproductions de coupes longitudinales de ceps montrent l’impact de la taille sur la formation de l’amadou et sur les flux de sève. Les tailleurs sont affectés à un rang d’environ 100 mètres de long, dans une parcelle d’ugni blanc greffé sur du 140 Ruggieri, et travaillent à l’aide de leur sécateur électrique. La taille à appliquer est du guyot double, avec deux lattes (ou astes) à sept yeux et deux coursons de trois yeux.

Une pesée de la vendange à chaque rang

« L’objectif était de vérifier si la réalité rejoint la théorie, si les lattes trop longues, mal positionnées, bien placées mais trop faibles, avaient la même charge de vendange que les bien taillées » ajoute le viticulteur. Pour ce faire, tous les ans, son père et lui ont pesé la vendange de chaque rang. « L’un de nos voisins, Hiersac Matériaux, qui est prestataire de services, dispose d’une balance pour poids lourds », informe Frédéric Bourgoin. La benne à vendange est ainsi pesée à vide, puis à la fin de chaque rang d’essai. Et ce, chaque année. « Au départ, l’écart était invisible, témoigne Frédéric Bourgoin. Mais il y a deux ou trois ans, on a commencé à voir de gros écarts» Jusqu’à arriver, cette année, à un différentiel de 31 % entre le rang le plus productif et le moins productif. « Plus le temps passe, plus l’écart s’accroît et devient visible », synthétise le vigneron.

En cause, une moins bonne application des règles afférentes à la taille douce. Plaies de taille, cônes de dessèchement, arrêts de flux de sève, pieds chétifs, apoplexie, 37 % de manquants en plus, tels sont les phénomènes constatés sur les rangs les plus faibles. À l’inverse, le respect du nombre d’yeux est au rendez-vous. « Les salariés savent qu’une vigne taillée trop court ou trop long, ça se voit, extrapole Frédéric Bourgoin. Du coup, ils sont assez vigilants sur cet aspect. » De même, les chicots sont globalement bien réalisés.

Deux jours de formation de taille par salarié

Forts de ce constat, Alain et Frédéric Bourgoin ont envoyé leurs salariés suivre un stage de formation de taille. « C’est très didactique, rapporte Frédéric Bourgoin, qui a également assisté à une formation à la taille douce. On vous montre des ceps coupés en deux avec l’amadou, l’impact du chicot sur le cône de dessèchement, etc. » S’il estime que suivre ce type de formation est un vrai plus, son impact dépend néanmoins du profil du salarié. « Certains proviennent d’un milieu familial avec une longue expérience viticole, ils aiment le végétal, décrit-il. Pour d’autres, originaires d'autres secteurs d’activité, cela peut être plus difficile. » De même, certains salariés ont « la main verte » et une vraie appétence pour la physiologie végétale, quand d’autres préfèrent le bricolage, la conduite d’engins ou la distillation. « Mais il est plus facile, pour un salarié, de comprendre les règles de taille données à la parcelle après avoir suivi une formation, juge Frédéric Bourgoin. Il comprend l’importance du respect des flux, son impact sur les ceps. C’est plus pédagogique et ça ne vient pas de la hiérarchie, c’est toujours intéressant. »

En revanche, un mauvais tailleur ne deviendra pas un excellent tailleur uniquement grâce à une formation. « On ne transforme pas un âne en cheval de course, image Frédéric Bourgoin. Mais un cheval de course entraîné va encore plus loin. Mon message à mes confrères pourrait être : envoyez vos meilleurs tailleurs en formation, ils seront encore meilleurs ! » Former ses salariés a un coût, mais la formation est « prise en charge à 100 % par Vivéa », nuance le vigneron. Le Vignoble compte poursuivre cet essai jusqu’à l’arrachage de la parcelle. Néanmoins, l’impact de la formation risque de ne pas être très visible sur les rendements ; « une fois que le végétal est blessé, il ne peut pas se refaire », craint-il.

repères

Vignoble Bourgoin, à Saint-Saturnin en Charente

Superficie 106 hectares

Encépagement ugni blanc

Densité de plantation 2 750 pieds par hectare (3 mx 1,20 m)

Taille guyot double

Production annuelle 80 hl par hectare depuis deux ans, 100 hl par hectare auparavant

Chiffre d’affaires annuel 1 000 000 euros (sur cinq structures)

La prétaille affaiblit les ceps

« Dans les années quatre-vingt-dix, mon père s’est équipé d’une prétailleuse pour diminuer les coûts », indique Frédéric Bourgoin. Il a alors délaissé le guyot double pour une taille courte. La reprise derrière la prétailleuse était rapide, la machine effectuant 80 % du travail. « Mais au fur et à mesure, les vignes se sont épuisées. C’est devenu un enfer, avoue le vigneron. Beaucoup de pieds avaient des apoplexies, mourraient. » En 2007, le père et le fils ont décidé de revenir au guyot double, qui leur semble avoir un meilleur impact sur la pérennité des vignes.

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