Comment vérifier la maturité des abricots au verger ?
Le projet Aspir a démontré que la spectroscopie de proche infrarouge peut apporter une réponse pour vérifier la maturité des abricots au verger. [Article de Sophie Sabot]
Le projet Aspir a démontré que la spectroscopie de proche infrarouge peut apporter une réponse pour vérifier la maturité des abricots au verger. [Article de Sophie Sabot]


Ingénieure de recherche à l’Inrae d’Avignon, Sylvie Bureau est convaincue de l’intérêt de la spectroscopie proche infrarouge pour mesurer la qualité interne des abricots au verger. Durant quatre années, elle a participé au projet Aspir (1) aux côtés du CTIFL et de SudExpé. Quatre spectromètres portatifs ont pu être testés. Ce projet a notamment permis de construire des modèles de prédiction spécifiques à l’abricot. Ceux-ci permettent d’estimer en fonction du spectre du fruit son indice réfractométrique (en degré Brix) et son acidité titrable (en milliéquivalent par 100 grammes - meq/100 g). Ces modèles s’appuient sur une large variabilité de données acquises entre 2019 et 2022 par l’Inrae, le CTIFL et SudExpé. Leur travail a permis de balayer un large panel de variétés et de situations climatiques.
La maturité de l’abricot avant récolte
Le projet Aspir a confirmé que le spectromètre portatif est performant pour évaluer directement sur l’arbre et sans destruction la teneur en sucre des abricots. « Les valeurs d’indice réfractométrique obtenues sont similaires aux résultats obtenus avec des spectromètres de laboratoire », souligne Sylvie Bureau.
Quant à l’acidité titrable, les prédictions avec le spectromètre s’écartent un peu des valeurs réelles mesurées mais fournissent tout de même une tendance fiable. « Cela confirme les résultats déjà disponibles dans la littérature scientifique. C’est à la filière de nous dire à présent si ces capacités prédictives d’acidité, couplées à la prédiction du taux de sucre, donnent suffisamment d’information sur la maturité de l’abricot avant récolte », indique l’ingénieure de recherche.
Régis Aubenas, arboriculteur dans la Drôme et président de l’association Fruits Plus, souhaite que les expérimentations se poursuivent autour de cet outil. Son ambition : que le spectromètre portatif, désormais paramétré pour l’abricot, puisse être testé en station expérimentale puis chez les producteurs. Il est convaincu que ce type d’outil peut jouer un rôle d’aide à la décision pour le pilotage des cueilles. « Compte tenu de la variabilité génétique en abricot, il est beaucoup plus difficile qu’en pêche de définir une règle précise. On tâtonne beaucoup, on est sur de l’empirique pour prendre la décision de cueillir », commente Régis Aubenas. Même chez les producteurs les plus expérimentés, certaines variétés n’autorisent selon lui « aucune erreur » sur la date de récolte.
Connaître l’état intérieur du fruit
Sans oublier les variétés à épiderme bicolore, voire rouge, qui compliquent encore la donne. « L’apparition de cette surimpression rouge, décorrélée du stade maturité, est souvent très précoce et très antérieure à la maturité physiologique des fruits », rappelle la station SudExpé dans sa présentation du projet Aspir. La méthode « code couleur », mise au point par le réseau d’évaluation variétale (CTIFL et stations régionales d’expérimentations), révèle ses limites face à ces nouvelles variétés. « Désormais, il nous faut un moyen de connaître aussi l’état intérieur du fruit », estime le président de Fruits Plus.
Reste à imaginer comment déployer la technique de la spectroscopie proche infrarouge dans les vergers. L’outil portatif est onéreux et nécessite un suivi métrologique pour garantir la fiabilité de ses mesures. Les modèles de prédiction construits pour l’abricot par l’Inrae, le CTIFL et SudExpé doivent également être enrichis chaque année de nouvelles valeurs et prendre en compte les nouvelles variétés. « Nous sommes loin d’une démocratisation des spectromètres chez les producteurs, reconnaît le président de Fruits Plus. Mais je pense que cet outil peut nous aider à valider ou invalider des choses dans nos processus de décision ». Régis Aubenas espère que la Sefra, station expérimentale basée à Étoile-sur-Rhône (Drôme), pourra prochainement tester la spectroscopie proche infrarouge au verger et commencer à réfléchir à ses applications sur le terrain.