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Ail : de nouvelles pistes contre la fusariose

Le projet Garlic, piloté par l’Inrae en partenariat avec la filière ail, confirme la complexité du processus à l’origine de l’émergence de la fusariose et ouvre de nouvelles pistes. [Article de Sophie Sabot]

En moins de vingt ans, la fusariose est devenue l’une des principales préoccupations des producteurs d’ail de consommation et d’ail semence. Cette pourriture sèche se développe dans les caïeux durant la période de stockage, sans aucun signe préalable, ni au champ, ni à la récolte. « Il s’agit d’une maladie émergente à l’échelle mondiale », rappelle Christel Leyronas, phytopathologiste à l’Inrae d’Avignon. Elle pilote depuis 2022 le projet Garlic (1), dont l’ambition initiale était de garantir l’état sanitaire des semences d’ail au cours du processus de multiplication pour aboutir à des plants certifiés indemnes de fusariose.

Lire aussi : Protection phyto : pour les cultures d'alliacées, quelles sont les substances actives en sursis ?

Ce projet, qui s’achève en 2025, comprenait notamment trois actions : l’évaluation de la sensibilité à la fusariose des variétés d’ail certifiées ; la mise au point d’outils de détection des agents responsables de la maladie dans les lots d’ail semence ; la recherche de méthodes alternatives permettant d’assainir les semences.

Deux agents pathogènes identifiés

Ces trois années de recherche et d’expérimentation viennent compléter les connaissances déjà acquises depuis 2016 grâce à l’étroite collaboration entre la filière ail – notamment l’association Prosemail, la coopérative Alinéa et le syndicat de l’ail rose de Lautrec – et les chercheurs.

Un travail de thèse avait déjà permis de caractériser les agents pathogènes responsables de la fusariose sur l’ail français. « Dans plus de 90 % des cas, il s’agit de Fusarium proliferatum mais on retrouve aussi Fusarium oxysporum », rappelle Christel Leyronas. « Le projet Garlic répond à la double question : comment réagit l’ail face à ces deux agents pathogènes ? et toutes les variétés réagissent-elles de la même façon ? », souligne la phytopathologiste. Seize variétés fournies par Prosemail et ses adhérents ont été testées par inoculation de quatre souches de Fusarium (trois de F. proliferatum et une de F. oxysporum).

Cette première étape du projet a immédiatement soulevé de nouveaux questionnements. Les lots de caïeux témoins, non inoculés, ont eux aussi développé des taches et/ou du mycélium après incubation. Ce qui suggère que des caïeux asymptomatiques pourraient abriter des souches de F. proliferatum et F. oxysporum sous forme endophyte. « L’évaluation de la sensibilité variétale s’avère donc très compliquée car nous n’avons pas pu travailler sur du matériel végétal non porteur », commente Christel Leyronas.

Des méthodes de détection en partie au point

La seconde action du projet Garlic portait sur la mise au point d’une méthode de détection de F. proliferatum facile à mettre en œuvre sur le terrain. Objectif : permettre aux techniciens d’identifier les lots porteurs et explorer les éventuels réservoirs d’inoculum (air, sol, pluie, eau d’irrigation). La technique d’amplification d’acides nucléiques LAMP, nécessitant peu de matériel spécifique, a permis de répondre en partie à ces objectifs. « Elle présente cependant des limites en termes de sensibilité de détection », précise Christel Leyronas. À noter, le projet Garlic a également permis de valider une méthode de détection de F. proliferatum par PCR digitale, utilisable en laboratoire pour les travaux de recherche. Celle-ci offre la possibilité de détecter d’infimes quantités du champignon dans l’ail, le sol ou l’eau.

« Dans ce projet, nous étions partis de l’hypothèse qu’il nous fallait mettre au point des outils de détection puis des solutions pour assainir les semences », rappelle la phytopathologiste de l’Inrae. D’où la troisième action du projet qui consistait à tester plusieurs méthodes pour inhiber le champignon dans les caïeux et empêcher sa pénétration dans les tissus sains, tout en conservant la capacité germinative des semences. La thermothérapie, dans des conditions de températures et de durée bien spécifiques, ainsi que les traitements par rayonnement UVC ont montré des résultats intéressants in vitro. « Mais lorsqu’on passe au champ, ça ne fonctionne plus », constate la chercheuse. Quant aux solutions de biocontrôle testées dans le cadre du projet Garlic, elles n’ont pas montré d’efficacité.

Travailler en parallèle sur l’oignon et l’échalote

Après huit années de travaux sur la fusariose, Christel Leyronas dresse un constat essentiel pour orienter la suite des recherches : « Tous nos tests ont montré la présence récurrente de F. proliferatum ou F. oxysporum dans les caïeux. Nous nous sommes également aperçus que le sol n’est pas un réservoir majoritaire de F. proliferatum. » D’où l’hypothèse qu’elle avance désormais avec prudence : le champignon serait en fait présent sous forme endophyte dans les tissus de l’ail, peut-être depuis toujours. Et, dans ce cas, il pourrait être nécessaire de comprendre quel facteur, à l’échelle planétaire, fait qu’il a tendance à passer plus facilement sous forme pathogène.

« C’est le pathosystème le plus complexe que j’ai eu à traiter de ma carrière. Je sens la détresse des producteurs qui ont besoin de solutions. Nous ne pouvons pas leur apporter de réponse immédiate mais nous avançons grâce à une étroite collaboration avec la filière. Et surtout, ce que je peux dire c’est que la fusariose ne vient pas de la manière de cultiver l’ail. Les producteurs d’ail en France, notamment en semences, sont vraiment très compétents », constate la chercheuse. Elle invite aussi à examiner cette question de la fusariose sous un angle multi-espèces, en travaillant en parallèle avec les filières oignon et échalote. Un moyen selon elle d’aller plus vite et plus loin dans la compréhension des mécanismes et des réponses à apporter face à cette maladie.

(1) Le projet Garlic s’est déroulé sur la période 2022-2025 avec des financements du ministère de l’Agriculture (fonds Casdar) et une labellisation du GIS PICLég. Il associe l’Inrae, dont l’unité de Pathologie végétale d’Avignon, coordinateur du projet, l’université d’Avignon et la profession via Prosemail.

Des distorsions de concurrence face à la rouille

Lutter contre la rouille reste un défi majeur pour les producteurs d’ail français. Mi-avril, Alexandra Barthelémy, animatrice de l’association Prosemal (1), confirmait la présence de la maladie pour la campagne en cours. Or, la rouille favorise également l’apparition des taches brunes caractéristiques de Stemphylium. Très localement, certains producteurs avaient déjà signalé leur présence. Face à la rouille, un seul produit est homologué en curatif sur ail, Amistar Top (azoxystrobine + difénoconazole). « Mais son application unique autorisée ne suffit pas à couvrir la saison. Une des seules substances actives à avoir démontré son efficacité reste le tébuconazole, encore autorisé pour les producteurs d’ail semence mais interdit en ail de consommation », précise Alexandra Berthelémy. Depuis dix ans, Prosemail travaille en collaboration avec la Fnams (2) pour tester des solutions fongicides contre la rouille de l’ail, en conventionnel comme en biocontrôle. « Mais aucun produit de biocontrôle n’a pour l’instant montré d’efficacité », souligne l’animatrice. Sans oublier qu’avec moins de 5 000 hectares d’aulx de consommation cultivés en France, les firmes ne se précipitent pas dans la course aux homologations. Les producteurs pourraient donc monter au créneau pour dénoncer les distorsions de concurrence au niveau des produits phytopharmaceutiques. En effet, des produits à base de tébuconazole sont toujours autorisés en Espagne. Ils sont donc susceptibles d’avoir été utilisés sur l’ail espagnol qui représente plus de la moitié des importations françaises.

(1) L’association Prosemail regroupe les établissements français producteurs de plants certifiés d’ail et d’échalote.
(2) Fnams : Fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.
Rédaction Réussir

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