Désherbage betteraves : comment se passer du desmédiphame et du chloridazone ?
La fin du desmédiphame et du chloridazone cette campagne modifie les programmes de désherbage en betterave sans engendrer d’impasse technique, avec une potentielle hausse du coût dans certaines situations.
La fin du desmédiphame et du chloridazone cette campagne modifie les programmes de désherbage en betterave sans engendrer d’impasse technique, avec une potentielle hausse du coût dans certaines situations.
Avec la fin d’usage du desmédiphame (DMP) et du chloridazone, les planteurs de betteraves doivent réajuster leur programme de désherbage cette campagne. « Ces deux retraits d’homologation ne créent pas d’impasse technique, mais ils modifient le marché des spécialités », affirme Cédric Royer, en charge du dossier protection des cultures à l’ITB.
La fin du chloridazone entraîne davantage de changement que celle du desmédiphame. Très utilisé en pré-émergence, le produit Zepplin (quinmérac à 100 g/l + chloridazone à 325 g/l) était apprécié par les planteurs pour son efficacité sur ombellifères. Il constituait la référence en pré-émergence, notamment contre l’ammi majus et l’éthuse. Aujourd’hui, l’ITB préconise l’utilisation de triflusulfuron-méthyl et du quinmérac pour lutter contre ces ombellifères.
« Seules les parcelles présentant une forte infestation d’ombellifères justifient un traitement en pré-émergence, souligne Cédric Royer. Les infestations importantes d’ombellifères seront traitées avec une application de Kezuro (métamitrone 571 g/l + quinmérac 71 g/l) à 3,5 l/ha en pré-émergence. Autre solution, une application de Kezuro à 1,6 l/ha en pré-émergence complétée par Okido (quinmérac 167 g/l + diméthénamide-P 333 g/l) en post-émergence (0,3 l/ha avant 2 feuilles ou 0,5 l/ha avant 8 feuilles). »
Un désherbage plus cher pour les ombellifères
Le traitement de pré-émergence se réalise juste après le semis (48 heures maximum) pour éviter la toxicité possible en début de germination des betteraves. « Son intérêt est limité en conditions sèches et en cas de semis tardifs », remarque Cédric Royer. Avec sa forte quantité en métamitrone, le produit Kezuro coûte plus cher que les herbicides disponibles antérieurement comme Zepplin. En post-levée, en cas d’infestation modérée d’ombellifères, Safari (triflusulfuron-méthyl) garde tout son intérêt, de même que Centium 36 CS (360 g/l de clomazone) pour les éthuses.
Le desmédiphame (DMP) n’était jamais utilisé seul dans les formulations herbicides. Cette matière active était toujours accompagnée d’éthofumesate ou de phenmédiphame, voire de lénacile. Des produits haut de gamme de type Bétanal Booster associaient éthofumesate, phenmédiphame et DMP. L’intérêt de ces spécialités de contact se révélait surtout en année sèche. Le DMP et la formulation complète apportaient un plus en année difficile. Mais leur coût plus élevé que les matières actives utilisées en solo limitait leur emploi.
Les planteurs qui utilisaient le DMP sous la forme de produits trois voies (éthofumesat + phenmédiphame + DMP) pourront employer des produits deux voies (éthofumesate + phenmédiphame) ou des produits solo meilleur marché. Les produits deux voies n’existaient pas auparavant. Ils ne disposent pas de l’atout de la formulation apporté par le DMP. Il pourrait donc y avoir une légère perte d’efficacité en année sèche des produits deux voies.
Intervenir sur des adventices très peu développées
Ces évolutions de programme ne remettent pas en cause les fondamentaux du désherbage en betterave, à commencer par des produits en adéquation avec la flore de la parcelle. François Courtaux, délégué ITB de l’Aisne, met également en exergue l’importance de la période du désherbage. « Il faut intervenir tôt sur des adventices très peu développées. Le principal échec du désherbage provient souvent d’un premier traitement (T1) réalisé trop tard. En 2021, cela a été exacerbé par le gel. Certains planteurs ont décalé leur première intervention, craignant la présence de gel avant ou après leur désherbage. Résultat : les adventices étaient trop développées lors du premier désherbage. »
En réalité, il n’existe pas d’arrière-effet du gel sur la qualité d’un désherbage. Ceux qui avaient traité entre les deux périodes de gel ont donc obtenu de bons résultats. « Même en cas de gel à - 5 °C, il est possible de traiter dès le lendemain si le gel a cessé. De même, une faible gelée blanche n’empêche pas le désherbage », précise François Courtaux.
Autre rappel du spécialiste : « en situation de forte pression chénopodes, la métamitrone reste la matière active à mettre en priorité dans le programme ». Il préconise de passer à 0,5 kg/ha de Goltix 70 dans le programme à chaque passage. La métamitrone, très sélective de la betterave, renforce toujours l’efficacité du désherbage sur chénopodes.
Si les planteurs disposent de solutions techniques pour remplacer le DMP ou la chloridazone, l’ITB reste très vigilante sur les prochaines molécules dont l’homologation devra être bientôt renouvelée. En betteraves, il n’y a pas de rattrapage possible pour un désherbage raté.
Des solutions efficaces contre les vulpins et ray-grass résistants
Face au vulpin et ray-grass résistants, le premier levier reste la lutte agronomique, dont le labour, rappelle Cédric Royer, ITB. Autre recommandation : utiliser des familles de produits au mode d’action HRAC (1) différents dans la succession culturale.
En présence avérée de résistance ou en situation de forte infestation, l’ITB préconise l’application d’Avadex 480 (Triallate, groupe HRAC N) à 3 l/ha avant le semis, incorporé sur 3 à 4 cm dans l’heure qui suit l’application avec la dernière préparation de sol. Il devra être complété en végétation avec un graminicide de la famille des Dimes (clethodime ou cyclocydime). Le produit Mercantor Gold (S-metolachlor, groupe HRAC K3) à 0,6 l/ha permet de diversifier les modes d’action en pré-émergence.
En l’absence de traitement en prélevée, il est possible d’utiliser Isard (diméthénamide-p) ou Mercantor Gold (S-metolachlor) de 0,4 à 0,6 l/ha en mélange avec un graminicide. Le Mercantor Gold doit être évité dans les sols filtrants, en raison du risque de phytotoxicité. Les graminicides à action foliaire sont d’autant plus efficaces qu’ils sont appliqués par temps poussant. L’ITB conseille de les utiliser à la dose d’homologation. L’ajout d’huile Actirob B (seule huile homologuée à 2 l en herbicide) et de sulfate d’ammonium (1 l) renforcera leur efficacité.