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Sandrine Hennetier plébiscite l’œuf sur paille

Installés non loin de Rouen, Sandrine Hennetier et son fils Alban conduisent depuis trois ans un élevage de pondeuses à « taille humaine » avec des poules en liberté, conformément à leur éthique.

Les poules pondeuses de Sandrine Hennetier et de son fils Alban ne font pas leur âge. À soixante semaines de production – presque l’âge de la retraite fixée à 72 semaines- elles sont encore bien alertes, l’œil brillant et très bien emplumées. Il faut dire que Sandrine et Alban sont aux petits soins pour leurs 3 800 pensionnaires logées dans le poulailler de 500 m2 et libres de leurs mouvements. C’est le nombre maximal autorisé par le cahier des charges œufs fermier label rouge Cocorette. Leur élevage se situe à Bosc-Mesnil, à égale distance de Rouen et de Dieppe. « Nous sommes à la limite du bassin de production historique de Cocorette, qui conditionne ses œufs à Doullens dans la Somme », souligne Élodie Lebleu, technicienne et accompagnatrice des porteurs de projets. Comme beaucoup d’éleveurs, Sandrine et son fils avaient le « profil » pour cette production : une forte empathie envers les animaux et le goût pour l’élevage, la recherche d’un revenu complémentaire, du temps disponible. En effet, il en faut pour ramasser à la main des œufs pondus dans des nids garnis de paille, ou de foin comme ici. Après avoir obtenu son BTS agricole, Alban est revenu travailler sur la ferme maternelle en polyculture et élevage ovin (100 ha SAU et 250 brebis). Son challenge est de faire renaître une exploitation qui a été délaissée un certain temps. Il lui fallait ajouter du revenu sans toucher au foncier. « On avait pensé au veau gras, puis à l’engraissement de porcs. C’est le conseiller de gestion qui nous a orienté sur les œufs », raconte Alban. « Et moi, je ne voulais pas élever d’animaux privés de liberté, ajoute sa mère Sandrine. J’aime aussi le contact avec les bêtes et je voulais un élevage à taille humaine. » D’où leur choix de l’œuf fermier label rouge Cocorette qui associe économie avec respect de l’environnement et de l’animal.

Un système de production durable

Cocorette a associé deux approches habituellement opposées  — la basse-cour et l’élevage rationalisé — pour concevoir un système d’élevage intégrant les trois composantes du développement durable : l’environnement, le social et l’économique. D’un côté, des conduites d’élevage proches de celles du poulailler d’antan, dont la plus différenciante est la ponte dans un nid garni de paille avec un ramassage au nid. La recherche du bien-être de la poule est maximale. De l’autre, des méthodes rationalisées et contrôlées (adhésion à la charte sanitaire, aliments et souches référencés) d’une organisation structurée en filière longue jusqu’à la vente. C’est un argument de poids pour convaincre de "petits" producteurs. Le contrat de reprise de dix ans sécurise l’investisseur. Travailler en filière ne veut pas dire être intégré. Les éleveurs choisissent leur fournisseur de génétique (Lohmann Tradition chez Sandrine et Alban) et d’aliment (Novial). Pour réduire l’investissement emprunté à 100 % et se prouver qu’il en était capable, Alban Hennetier a choisi l’auto construction. C’est une entreprise du Luxembourg qui lui a livré le bâtiment en kit pour 50 000 euros (100 €/m2), « avec une structure métallique galvanisée à chaud et des panneaux isolés tôlés », précise-t-il. Avec de l’entraide, Alban et Sandrine ont mis environ six mois pour boucler le chantier (hors électricité). Ce bâtiment est assez atypique avec ses six mètres au faîtage pour 10 m de largeur. « Au cas où, il peut être facilement reconverti. » Avec ce grand volume et la ventilation statique, l’ambiance y est assez bonne. L’intérieur est équipé d’un caillebotis central qui supporte deux lignes de pipettes, deux chaînes circulaires d’alimentation et les perchoirs. Les 600 nids en bois « faits maison » et à deux niveaux sont disposés sur les pourtours. L’investissement atteint 28 euros par poule, en deçà du maximum de 35 euros préconisé par Élodie Lebleu, pour faire en sorte que la marge brute annuelle puisse atteindre 6 à 7 euros par poule. L’atelier a bénéficié de 18 000 euros d’aides de la région Haute-Normandie et du Feader.

Une heure de travail pour mille poules

En rythme de croisière, Sandrine estime son travail quotidien à deux-trois heures au minimum, réparties sur la journée. C’est le démarrage qui prend le plus de temps. Le soir, elle aide des jeunes poules à remonter sur le caillebotis. Pendant environ 2 mois, elle doit aussi disposer des passerelles en contreplaqué entre ce caillebotis et les nids, pour apprendre à aller au nid et donc limiter la ponte au sol. « C’est variable d’un lot à l’autre, mais pour l’instant ces passerelles sont inévitables » commente Sandrine. L’éleveuse réalise sa tournée de ramassage au moins deux fois par jour. « L’éclairage commence à 4 h 30. Quand j’arrive à 8 h, je commence par l’inspection avec mon tour de caillebotis. Il y a déjà beaucoup de poules aux nids. Je ramasse jusqu’à 15 œufs par nid. » Elle en profite pour regarnir le nid et le nettoyer si besoin. « J’utilise du foin car la paille est plus rejetée. Je suppose qu’elles cherchent les grains de blé. » Comme beaucoup, l’élevage de Sandrine et Alban connaît le pou rouge, surtout logé aux interstices des caillebotis et sous les perchoirs. Pour les contenir, elle emploie un répulsif dans l’aliment. « Chez nous, on a toujours un petit souci avec le calibre, mais on fait du nombre", souligne l’éleveuse. Mis en place fin 2014, le premier lot réformé à 72 semaines a atteint 309 œufs d’un poids moyen de 60,9 g pour 12 % déclassés en élevage et 2 % au centre, soit environ 270 œufs payés. Avec l’expérience, les déclassés élevage ont baissé à environ 5 %. Le taux de ponte moyen avait été de 81,2 % et la mortalité de 3,6 %. À raison d’un prix de reprise de l’ordre de 8,5 centimes par œuf, l’élevage de Bosc-Mesnil dégage un peu plus de 20 000 euros de marge brute à l’année (7,32 euros de marge sur poulette et aliment au premier lot). En défalquant les 1000 euros mensuels de remboursement pendant dix ans, le revenu mensuel est de l’ordre d’un demi-smic. Un niveau jugé correct par Sandrine devenue une passionnée des poules. Disposant de foncier, mère et fils songent à construire un second poulailler de même taille, détenu cette fois-ci par Alban.

 

Caractéristiques de l’œuf fermier Cocorette

3 800 poules au maximum par exploitation, sans autre production d’œuf ;

8 poules par m2 de bâtiment, au sol uniquement, avec un tiers de la surface en litière ;

Œufs pondus dans un nid paillé (un pour 7 poules), avec ramassage au moins deux fois par jour et au nid ;

Parcours herbeux de 8 m2 par poule, accessible à partir de 25 semaines ;

Aliment composé de 70 % au minimum de céréales et produits dérivés (dont 15 % maximum de sous-produits) ;

Réforme des poules au maximum à 72 semaines d’âge.

 

Naissance de Cocorette à contre-courant

C’est au début des années 80 que Charles Gluszak, alors technicien aliment pour la société des Grands Moulins de Paris dans la région d’Arras, décide de se lancer dans l’aventure de l’œuf alternatif. Avec d’autres visionnaires (Loué en Sarthe et Fermiers d’Argoat en Côtes-d’Armor), il a anticipé l’évolution des attentes des consommateurs. Son idée est de rationaliser et massifier des œufs produits à l‘ancienne pour les proposer aux circuits modernes de distribution. À partir de 1983, il convainc peu à peu des agriculteurs nordistes qui commencent par aménager des bâtiments pour y loger de petits cheptels, plus faciles à gérer et moins risqués au plan financier. Charles Gluszak a ensuite développé la franchise Cocorette et diversifié la gamme (bio, plein air, label rouge). L’œuf pondu en nid de paille est devenu un label rouge fermier en 1998. Il est produit dans 120 fermes françaises, dont 65 dans la zone historique (sur les 210 producteurs du bassin Nord).

 

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