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L’intégration du blé entier fait son chemin

L’incorporation de blé entier dans la ration des volailles standard est réalisable techniquement et serait économiquement envisageable, à condition de faire évoluer le contrat de production.

Quelques décennies de sélection génétique et d’optimisation de la nutrition de grands effectifs n’ont pas réduit la capacité des oiseaux à ingérer et à digérer des graines entières. Si les souches actuelles restent des granivores, elles grandissent dans un environnement standardisé où l’aliment est recomposé sous une forme homogène. Il faut que chaque volaille puisse consommer sans choisir la même quantité adaptée à ses besoins nutritionnels. De la sorte, on obtient des individus aux performances similaires. Alors si cela donne satisfaction, pourquoi revenir en arrière ? Parce que l’intégration de céréales entières a certains avantages que nos voisins européens exploitent. Elle peut être examinée sous quatre angles : environnemental, sociétal, zootechnique et économique.

Des céréales produites et consommées localement ont une meilleure empreinte carbone que celles transportées et manipulées plusieurs fois (organisme stockeur, usine d’aliment, élevage). Mais on manque encore de données chiffrées comparatives et argumentées.

Cette pratique alimentaire plus naturelle permettrait aussi de renforcer l’image d’une production conventionnelle critiquée et en mal de reconnaissance.

Un intérêt zootechnique indéniable

Par rapport à l’aliment complet reconstitué, les graines entières ont un impact zootechnique différent. Chez le poulet, le blé entier augmente le temps de séjour dans le gésier, qui devient plus gros. Le bol alimentaire est plus acide, les enzymes digestives rencontrent de meilleures conditions d’activité, la digestibilité s’accroît. Les pathogènes sont aussi plus inhibés dans le tube digestif. Les rejets d’eau diminuent, l’état des litières s’améliore, avec moins de pododermatites et de lésions au bréchet. Au final, la santé digestive et le bien-être du poulet s’améliorent. Quant aux performances, l’indice de consommation augmente de plusieurs pourcents, avec des rendements carcasse équivalents. Mais à condition que les poulets aient reçu les mêmes apports nutritionnels avec la céréale et l’aliment modifié. En effet, la substitution d’un aliment standard par une céréale pure déséquilibre la ration et change les performances. L’aliment complémentaire est plus riche en protéines, ce qui peut réduire sa durabilité dans le circuit de distribution. Il faut également veiller à une présentation aliment-céréale homogène pour éviter le tri. Pratiquement, l’intégration de la céréale est réalisée à la ferme avec le complémentaire. Les céréales sont introduites après les 10 premiers jours (taille du grain, homogénéité du lot). La proportion croît avec l’âge jusqu’à environ 40 % en dindon lourd et poulet à 2,8 kg. Plus l’animal est abattu âgé et lourd, plus il consomme de grains entiers. Rapporté à la ration complète, le taux de céréales est de l’ordre de 17 à 30 %.

L’intérêt zootechnique étant indéniable, la mise en application se heurte au système français d’organisation en filières interdépendantes. En Europe du Nord, chaque maillon est un centre de profit avec l’objectif de maximiser ses résultats et les potentiels génétiques, tout en acceptant les risques (prix non sécurisés). Ce qui explique pourquoi les fabricants d’aliments belges et néerlandais ont massivement adopté la technique. Ils l’ont exporté dans le Grand Est de la France. Ceci leur permet aussi d’économiser des coûts de transport.

Des enjeux économiques contradictoires

Disons-le tout net. Intégrer 15 à 30 % de céréales en moins se traduirait par autant de volumes fabriqués perdus, et par un surcoût industriel pour l’aliment complémentaire (si ce volume n’était pas compensé). Présentée en juin 2017 à des fabricants d’aliments et à des organisations de production, une étude de la firme services MixScience l’estime à environ 7 euros par tonne fabriquée (1). En contrepartie, l’usine fait des économies logistiques sur les céréales en moins. Mais les fabricants sont-ils prêts à l’accepter et à quelles conditions ?

Une autre question à régler est celle du partage de la valeur ajoutée générée par l’incorporation. Comment la répartir entre un aval qui veut réduire son coût matière et un amont qui veut plus de marge ? La même étude estime le potentiel de gain à 13 euros par tonne de poulet standard de 1,93 kg (plus 30 g de poids et moins 30 g d’indice). Selon la stratégie d’incorporation choisie (intégrer à la ferme ou à l’usine, blé produit ou acheté), le bilan économique varierait de moins 0,90 euro/t de poulet à 10-15 euros/t, en tenant compte des coûts de stockage et des investissements à la ferme. Ces chiffres ne sont qu’indicatifs précise MixScience et seraient à adapter à chaque contexte de filière et de marché. En France, deux organisations ont fait ce choix. Dans l’Est, Néalia incorpore le blé à l’usine pour ses poulets standard et verse une prime de 6 à 8 euros/t d’aliment acheté, conditionnée à la vente de blé à la coop. Dans l’Ouest, la coopérative Cavac a démarré à la ferme en production de canard, avec quelques éleveurs ayant un contrat adapté et avec une valorisation des céréales de l’ordre de 3 euros par lot et par mètre carré (2).

Dernier bémol, tous les éleveurs ne sont pas producteurs de céréales ou en quantité suffisante. Incorporer se raisonnera selon sa propre stratégie d’exploitation et son envie d’ajouter une nouvelle activité : valoriser ses propres céréales ou les acheter, investir ou pas dans l’incorporation (au moins 20 000 euros) et le stockage, valoriser du temps de travail… À condition d’avoir ce choix.

(1) Lire Réussir Aviculture n° 228 juillet-août 2017.(2) Lire Réussir Aviculture n° 222 décembre 2016.
Adapter les contrats de production à cette nouvelle donne

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