« Les préjugés sur les femmes sont toujours présents »
Depuis quinze ans, Nathalie est à la tête d'une exploitation agricole de 90 hectares, avec 60 vaches allaitantes et 2400 m2
de poulaillers. Battante, elle croit en l’avenir
et court pour concilier vie professionnelle,
familiale et sociale.

un projet en tête.
« Quand j’étais jeune, je n’imaginais pas devenir agricultrice, explique Nathalie. Aujourd’hui, je suis très heureuse de l’être. En tant que salariée je n’aurais pas fait ce que je fais : entreprendre, avoir des projets, employer un salarié, être libre. » Après un Bac S et un passage en fac de bio, elle suit un BTS agroalimentaire puis entre dans une entreprise fabriquant des pizzas surgelées. « J’étais au laboratoire et je m’ennuyais. C’est mon futur mari, qui créait une entreprise de paysagiste, qui m’a donné l’idée de m’installer à la suite de mes parents. »
En 1997, Nathalie s’installe en Gaec avec son père sur l’exploitation du Maine-et-Loire qui compte alors 60 vaches allaitantes, un poulailler de 1200 m2 et 90 hectares. Un autre poulailler de 1200 m2 est créé à son installation. « Jusqu’en 2008, j’ai travaillé avec mon père. Il m’a beaucoup appris. De plus, je crois que j’ai l’œil de l’éleveur. Je vois vite quand il y a un problème. » Jusqu’en 2008, le Gaec produit de la dinde et du poulet pour Doux. « Depuis, je travaille avec Val’iance, en dinde et poulet. Cela m’a enlevé beaucoup de pression. Il y a beaucoup d’échanges, c’est très humain. »
Être dans une dynamique de projets
Les volailles apportent les deux tiers du revenu, pour la moitié du travail. Et l’exploitation s’en sort plutôt bien, avec en général de bons résultats en dinde. Le plus difficile pour Nathalie est de trouver le temps de tout faire. Car entretemps, elle a eu deux enfants. Et bien qu’elle soit inscrite au registre Départ Installation depuis la retraite de son père en 2008, elle n’a pas réussi à trouver un associé. « Je n’ai eu que deux contacts. J’ai donc embauché un salarié à plein temps. » Au quotidien, l’éleveuse s’occupe un peu plus des volailles et le salarié des bovins. Mais elle assure tous les postes : labourer, ensiler, faire les foins, nettoyer les poulaillers, s’occuper des vêlages… « Physiquement, ça commence à être un peu plus dur. J’essaie de me ménager. Je me suis remise à faire du sport pour me détendre, du jujitsu. Et je fais parfois appel à mon mari pour des vêlages difficiles. » Nathalie peut aussi compter sur son père, en cas de coup dur et pour les alarmes quand elle part en vacances. Mais c’est elle qui assure la plus grande partie du travail, week-ends et nuits compris. « J’ai deux sœurs. Nous avons été élevées comme des garçons. Mais cela ne m’empêche pas de vouloir rester une femme et m’occuper de moi. » C’est elle aussi qui gère seule son entreprise. « Quel que soit le métier, il faut se battre et être très impliqué dans son travail. J’aime entreprendre et avoir des projets. Et je n’ai pas peur d’aller voir un banquier. » Avec son mari, elle a fait installer des panneaux photovoltaïques sur la stabulation. Et elle va le faire prochainement sur les poulaillers.
Gagner du temps pour la famille et la vie sociale
Pour bien faire son travail et pouvoir se consacrer à ses projets, sa famille, sa vie sociale, Nathalie essaye de gagner du temps. Elle s’est équipée de sondes et d’une caméra pour les bovins, a changé les mangeoires des poulaillers pour réduire les temps de lavage. Et elle réfléchit à faire appel à une entreprise pour les semis et le nettoyage des poulaillers. À l’aise dans son travail, l’éleveuse l’est un peu moins dans son environnement professionnel. « J’ai peu de collègues femmes et il y a toujours des préjugés. On me demande encore où est « le patron ». À la Cuma, je ne suis pas toujours en phase avec les autres adhérents. Pour moi, le matériel doit être fonctionnel et ne pas coûter cher. Ce n’est pas toujours bien perçu. »
Nathalie veut aussi avoir une vie de famille, prendre des vacances, avoir une vie sociale. Après avoir milité aux JA, elle adhère à la FDSEA, participe aux réunions et manifestations, est correspondante avicole de la chambre d’agriculture. Et elle se pose beaucoup de questions, sur la rentabilité de l’élevage par rapport à l’investissement, les marges de la grande distribution, la politique de la France en matière d’emploi ou d’environnement.
« La France pourrait produire les volailles dont a besoin le pays. Il serait possible de créer beaucoup d’emplois dans l’environnement. Il faudrait que plus de gens se mobilisent dans l’intérêt collectif. »