Une spécificité française
Le Sysaaf, "la matière grise" des sélectionneurs
À la frontière de la recherche et de l’entreprise, le syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français (Sysaaf) apporte à ses adhérents une expertise mutualisée mais aussi personnalisée.

Peu de professionnels des filières avicoles connaissent le Sysaaf et encore moins les dix personnes qui rendent de précieux services à l’économie avicole. Et pour cause, cette organisa- tion, « syndicale » par ses statuts, œuvre pour des adhérents par définition très discrets : les sélectionneurs d’espèces animales qui finissent dans nos assiettes. Au total onze espèces avicoles et treize aquacoles. « À ses débuts en 1979, le Sysaf, avec un seul A, ressemblait un peu à un club privé » rappelle Daniel Guéméné, l’actuel directeur.
« La règle était d’avoir un seul sélectionneur par espèce ou par type de production, œuf ou chair. » Les choses ont changé dans les années 90. D’abord avec l’implication dans le secteur aquacole, justifiant le second A. Puis l’ouverture à la pluralité. Des six adhérents avicoles initiaux(1), le Sysaaf est progressivement passé à dix-huit adhérents (voir encadré).
Le conseil à la sélection, « cœur du métier »
« Avoir plusieurs adhérents concurrents ne pose pas de souci majeur de confidentialité, assure le directeur. De plus, nos ingénieurs n’en sont que meilleurs pour analyser les données et interpréter les calculs d’index de sélection. » La principale mission du Sysaaf est d’assister les sélectionneurs dans les calculs des valeurs génétiques, dans le choix des animaux des lignées pures, et dans l’établissement des plans d’accouplement. À quelques exceptions près, héritées du passé. Avant la création du Sysaaf, trois des six adhérents du Syndicat national des aviculteurs agréés, fondé en 1952 et ancêtre du Sysaaf, assuraient la gestion de leur programme de sélection.
« Les objectifs sont toujours fixés par le sélectionneur, souligne Daniel Guémené. Nous établissons des scénarios avec l’adhérent et nous calculons leurs effets. C’est au sélectionneur, parfois soumis à la pression du terrain, de prendre la décision. Mais nous rappelons qu’il faut savoir résister et garder un cap sur plusieurs générations. » Cette force de frappe mutualisée au service de PME, devenues grandes voire très grandes, a fait ses preuves.
Anticiper les prochaines méthodes de sélection
« Aujourd’hui, on ne s’improvise pas sélectionneur, sans de solides connaissances en mathématique, en statistique, en biologie, souligne Hervé Chapuis. La sélection ‘presse- bouton’ cela n’existe pas, malgré les progrès de l’informatique. » Chez un sélectionneur, cette expertise n’occuperait pas une personne à plein temps. Sous-employée, elle perdrait peu à peu ses compétences dans un secteur très évolutif. Et ajoute Daniel Guémené, « le Sysaaf rassemble des compétences complémentaires que la majorité des sélectionneurs pourrait difficilement mobiliser en interne. » Recruté en 1997, Hervé Chapuis a modernisé les méthodes de calculs de l’organisation, en introduisant le « blup multigénération » et le recours à des logiciels statistiques plus sophistiqués.
« À mes débuts, le choix des animaux à conserver se faisait sur un énorme listing sur papier, au cours de longues soirées sandwich. Maintenant, la saisie est faite par les adhérents et la transmission automatisée via internet. » Cette évolution a permis d’augmenter le nombre d’adhérents et le nombre de lignées suivies, tout en offrant une meilleure prestation. Plus de cent lignées avicoles sont traitées par an, auxquelles s’ajoute une vingtaine de lignées aquacoles. La seconde mission du syndicat concerne l’appui technique, avec des travaux de recherche finalisée qui permettront de répondre à des besoins des adhérents. Sur l’amélioration des méthodes de calcul (modélisation...), sur l’identification des individus (identification et traçabilité) pour mieux gérer la consanguinité, sur la prise en compte du bien être animal (se rapprocher du milieu d’élevage), sur la sélection génomique qui révolutionne déjà le secteur bovin.
« Grosso modo, la sélection d’un mâle de ponte ressemble à celle d’un taureau laitier, remarque Hervé Chapuis. Sauf qu’en volaille, les lignées pures sont toujours croisées. Il y a donc un énorme travail de recherche à faire. » Dans le monde, peu de sélectionneurs ont les moyens d’investir seuls. Une analyse de génotypage coûte environ 150 euros, alors qu’il faudrait analyser 2 ou 3000 individus.« Avant de passer à cette étape, on doit savoir si cela vaut le coup », résume Hervé Chapuis. Sans ses adhérents, le Sysaaf n’est rien ou presque. « Les animaux se trouvent chez les sélectionneurs, conclut Daniel Guémené. À Nouzilly, nous avons des bases de données sans aucune valeur intrinsèque. Le résultat final de la chaîne de sélection, dont nous sommes un maillon, dépend de la rigueur et de l'implication quotidienne des sélectionneurs. C'est ce qui se fait la différence entre les produits commerciaux.»
Les dix-huit adhérents avicoles
Poulet de chair : Association de la poule de Barbezieux (Aspoulba), Centre de sélection de Béchanne, Hubbard, SIGT (Géline de Touraine), Sasso
Poule pondeuse : Gauguet, Isa, Novogen
Pintade : Galor, Grimaud Frères sélection
Canards (Barbarie, Pékin, Mulard) : Bréheret, Grimaud Frères sélection, Orvia- Gourmaud sélection et Orvia-Sepalm Sélection
Canard Colvert : canarderie de la Ronde
Oie : Orvia-Sépalm sélection
Caille : Caillor, Caille Robin
Dindes fermières : Grelier
Faisan et perdrix rouge : Gibovendée À ces adhérents s’ajoutent 22 adhérents aquacoles en 2013