En milieu hospitalier qui est victime d’infections à bactéries multirésistantes aux antibiotiques (BMR) ?
Martine Aupée - « Les établissements de santé ont été les premiers à observer des épidémies d’infections à BMR dès les années 80. Tout le monde peut être atteint, mais les plus exposés sont évidemment les patients les plus fragiles (âgés, immunodéprimés…). Selon l’Institut de veille sanitaire, en France, les staphylocoques dorés résistants à la méticilline (SARM) et les entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération (C3G) ont été responsables de 103 000 infections en 2012 (90 000 à 172 000), soit 65 % du total des infections dues à des BMR. Le nombre de décès est estimé à 12 500 (11 500 à 17 500). »
Comment se propagent ces bactéries BMR et avec quelles conséquences ?
M. A. - « Il faut distinguer les infections des colonisations, c’est-à-dire les situations dans lesquelles une personne héberge des BMR mais ne présente pas d’infection. Seules les infections nécessitent un traitement antibiotique. Par contre, les patients porteurs sains hospitalisés représentent un réservoir important à partir duquel il y a un risque de transmission croisée à d’autres patients. Il y a aussi un risque de diffusion vers le secteur médico-social, la ville, les eaux usées, les animaux… En cas d’infection sévère avec une de ces entérobactéries hautement résistantes émergentes d’apparition récente, on est confronté au risque d’impasse thérapeutique. Ce qui veut dire qu’il n’y plus d’antibiotiques pour les traiter. Il faudra donc accepter que des gens meurent faute d’antibiotiques efficaces pour les guérir… Il peut s’agir de nos parents, de nos enfants, nous pouvons être tous concernés. »
Cette situation est-elle la même partout et est-elle réversible ?
M. A. - « Certains pays sont encore plus touchés que la France. Il s’agit de pays du sud de l’Europe, d’Europe de l’Est, d’Afrique et du Sud-Est asiatique. Voyager dans ces pays et à plus forte raison y être hospitalisé constitue un risque important de revenir avec une ou deux souches de bactéries hautement résistantes. Dans ces cas-là, il est important de ne pas prendre d’antibiotiques, le temps que la flore intestinale normale élimine ces bactéries indésirables. »
Pourquoi les plans de réduction des antibiotiques ont manqué d’efficacité ?
M. A. - « Le premier plan avec le slogan Les antibiotiques, c’est pas automatique avait été efficace. Malheureusement, les deux plans suivants l’ont été beaucoup moins. À la fin du troisième plan, on assiste à une remontée des consommations d’antibiotiques, notamment en ville où ils sont beaucoup prescrits à tort dans les infections virales hivernales. Le premier plan vétérinaire Écoantibio semble beaucoup plus efficace, puisqu’il a déjà pratiquement atteint ses objectifs dès la quatrième année. »
Est-il important que les élevages réduisent eux aussi leur consommation antibiotique ?
M. A. - « Du fait de la mondialisation et de la densité des échanges internationaux de personnes, d’animaux, de denrées alimentaires, tout est interdépendant. Ce problème dépasse évidemment la médecine humaine. On parle du concept One health pour illustrer qu’il n’y a pas de barrière entre l’animal et l’homme pour les bactéries qui ont des capacités extraordinaires à échanger des gènes de résistance entre elles. »
Interdire certains antibiotiques en vétérinaire serait-il efficace ?
M. A. - « Le recours aux antibiotiques critiques (Colistine, C3G et C4 G, Fluoroquinolones) doit être impérativement limité et contrôlé afin qu’ils soient préservés pour traiter les infections vraies et en premier lieu chez l’humain. Il est vital que tous les prescripteurs de tous les pays se mobilisent face à cet enjeu de santé publique majeur. »
« Plus de barrière infranchissable pour les bactéries »