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Stimulation des défenses de la vigne, une solution à haut potentiel

Le transfert du labo vers le champ des stimulateurs de défenses naturelles est plus difficile que prévu. Mais ils restent une réelle voie d’avenir pour diminuer l'emploi des produits phytosanitaires.

En conditions contrôlées, l'efficacité des SDP est souvent élevée.
© Syngenta

Depuis des millénaires, la vigne et ses pathogènes se livrent à une course à l’armement effrénée. Et pour notre plus grand désarroi, Plasmopara viticola, Uncinula necator et consorts ont trouvé le moyen de doubler l’espèce Vitis vinifera. Mais il se pourrait que les avancées de la science redonnent un avantage de taille à la vigne. Cet avantage est conféré par les stimulateurs de défense naturelle des plantes (SDP ou SDN), aussi appelés éliciteurs. « Car la vigne sait se défendre face aux agresseurs, assure Xavier Daire, à l’Inra de Dijon. C’est le cas, par exemple, lorsqu'elle rencontre le mildiou du tournesol, qui n’arrive pas à l’atteindre. » Le problème dans le cas du mildiou de la vigne ou de l’oïdium, c’est que la vigne ne détecte pas leurs attaques. C’est là qu’interviennent les SDP, en déclenchant les mécanismes de défense. « Les connaissances fondamentales de l’immunité des plantes nous poussent à dire que les éliciteurs ont un réel intérêt dans la protection phytosanitaire », pose Fabienne Baillieul, enseignante-chercheuse à l’université de Reims.

Simuler l’attaque d’un agresseur pour mettre la vigne en alerte

Il existe deux grands principes de fonctionnement des SDP. Il y a d’un côté des produits comprenant des hormones de défense (souvent de synthèse), qui entrent dans les cellules et déclenchent les réactions immunitaires, comme si la plante était attaquée. De l’autre, il y a des molécules, similaires à celles émises par les pathogènes (peptides, fragments de chitine…), qui se fixent sur les récepteurs de la plante. « En fait, on leurre la vigne, qui pense être attaquée et se prépare à riposter », explique Fabienne Baillieul. Les mécanismes de défense, eux, peuvent être de plusieurs ordres. Il s’agit généralement d'activer la production de composés qui renforcent la paroi du végétal, avec par exemple des dépôts de polyphénols qui colmatent une brèche ouverte par le champignon. Mais aussi de synthétiser des composés antimicrobiens, comme les phytoalexines (dont le resvératrol), qui attaquent les cellules des pathogènes. Et les résultats de cette stimulation peuvent être surprenants. « Dans le cas de la rouille du chrysanthème, par exemple, l’acibenzolar-S-méthyl, qui mime une hormone, a une efficacité de 100 % », assure Xavier Daire.

Serait-il possible alors de développer un produit similaire pour la vigne ? En théorie, rien n’interdit d’y croire. Il suffit simplement de trouver le bon éliciteur, la bonne voie. « Une variété résistante n’est autre qu’une vigne sachant reconnaître son agresseur », rappelle Christophe Schneider, à l’Inra de Colmar. Seulement, la tâche n’est pas simple, et les candidats sérieux ayant un intérêt pour notre culture sont encore rares. « Il faut dire que la vigne est une plante difficile à stimuler », regrette Xavier Daire. De très nombreuses substances ont été testées ces dix dernières années, mais seules deux ou trois sortent du lot. Pour le scientifique, on ne peut pas s’attendre à des efficacités supérieures à 30 % à l’heure actuelle. Sa collègue de l’Inra de Bordeaux, Marie-France Corio-Costet, a toutefois démontré qu’il était possible de maîtriser les maladies au champ (mildiou et oïdium en particulier) simplement à l’aide d’éliciteurs.

Augmenter la prise de risque pour gagner en efficacité

En les utilisant à la bonne période, elle a même réussi à faire régresser les expressions de maladies du bois de 40 à 60 %. « Mais pour arriver à un tel résultat, il y a une prise de risque », avoue-t-elle. Le premier risque, c’est qu’à la dose efficace, le stimulateur employé (Bion de Syngenta, non homologué sur vigne) peut se révéler phytotoxique et favoriser la coulure. Le deuxième, c’est qu’un SDP est beaucoup moins souple qu’un produit fongicide. « Ce sont des solutions purement préventives », rappelle la chercheuse. Si la réaction de la plante est rapide, dès deux heures après le traitement, la rémanence est aléatoire, et diffère entre cinq jours et trois semaines en fonction du produit et de la cible. Autre élément à prendre en compte, et qui entraîne bien souvent des déceptions quand on passe du laboratoire au champ, c’est que l’on se heurte à la complexité du vivant, et que de nombreux paramètres font varier l’efficacité. Le type de stimulation, le matériel végétal, l’état de la plante ou encore l’environnement sont autant de facteurs qui jouent sur le résultat final. Dès lors, à quel moment appliquer le stimulateur et dans quelles conditions ? Ces questions sont encore sans réponses pour les chercheurs. « Nous manquons cruellement d’études sur le comportement des éliciteurs au champ », estime Xavier Daire, qui précise que l’usage que l’on fait de ces produits est encore très empirique. « Lorsque la protection échoue, nous ne savons pas pourquoi, ajoute Fabienne Baillieul. Il faudrait observer la réponse de la plante à chaque traitement pour comprendre, mais cela demande des moyens. » Il y a là pourtant un levier important pour optimiser l’efficacité des solutions existantes. À l’Inra d’Angers par exemple, l’équipe de Marie-Noëlle Brisset s’est donné les moyens d’effectuer ces recherches sur le cas de la pomme, et les scientifiques commencent à faire fonctionner les SDP au verger. « C’est rassurant de voir qu’ils ont réussi à résoudre le problème en suivant cette voie, admet Fabienne Baillieul. Cela leur permet maintenant de substituer certains traitements chimiques par des éliciteurs. La prochaine étape sera de créer des outils d’aide à la décision pour démocratiser l’usage. »

Les substances au potentiel de stimulation sont nombreuses

Améliorer la compréhension de ces produits pour mieux les utiliser, mais aussi travailler sur la formulation, tels sont les enjeux de demain pour Xavier Daire. « Les hormones sont de petites molécules qui entrent facilement dans la plante, mais pour les autres, qui sont plus grosses, c’est plus difficile. Cela réduit donc leur biodisponibilité », observe-t-il. Pour Florent Bidaut, de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire, ce travail est indispensable avant de pouvoir définir des stratégies précises d’intégration des SDP dans des programmes classiques avec réduction de dose. À moins que de nouveaux éliciteurs plus performants n’apparaissent dans les prochaines années. « Il va y avoir du mouvement ! », promet Xavier Daire. Car les sources de composés potentiellement éliciteurs sont abondantes. D’ici peu, le Regalia de Syngenta (extraits de renouée de Sakhaline) devrait arriver en France. Utilisé depuis longtemps sur diverses cultures, il présente une efficacité qui peut atteindre 50 à 60 % sur oïdium. L’ingénieur a également testé récemment une solution intéressante, en cours de développement, à base de bouillons de culture (extraits de levures, de protéines, etc., utilisés comme supports en bactériologie). Les premiers résultats montrent des effets probants sur oïdium au champ et sur mildiou sous serre. De son côté, Marie-France Corio-Costet assure également qu’« il y a des choses dans les cartons ».

Et lorsque les verrous techniques seront levés, il faudra encore régler la question de la réglementation. « Car il existe un flou à l’heure actuelle », relève Xavier Daire. En effet, s’ils veulent pouvoir communiquer sur l’aspect phytosanitaire d’un SDP, les fabricants sont obligés d’obtenir une autorisation de mise en marché (AMM). Mais un produit comprenant le même principe actif peut très bien, en respectant les normes NF de type U42, être vendu en tant que simple engrais foliaire aux effets biostimulants…

voir plus clair

Stimulateurs de défense, biostimulants, éliciteurs, biocontrôle… Souvent la confusion règne dans les esprits entre ces termes. Bien qu’il n’y ait pas de définition officielle, voici ce que l’on peut retenir :

Les stimulateurs de défense, aussi appelés éliciteurs, sont des substances qui miment une attaque de pathogène, et activent les mécanismes de défense de la plante (renforcement des parois, production de polyphénols…) face aux stress biotiques.

Les biostimulants sont des produits qui aident la plante à réduire les stress abiotiques. Il s’agit par exemple d’améliorer l’absorption ou l’efficience des nutriments.

Le biocontrôle regroupe toutes les méthodes de protection de la plante par des mécanismes naturels. Les SDP et les biostimulants en font partie.

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