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Une SCIC pour préserver le foncier de la coopérative

Pour pallier une déperdition des surfaces de son vignoble, la cave coopérative Mas Olivier, dans l’Hérault, a créé une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Toute personne physique ou morale peut y acquérir des parts sociales. Les grandes orientyations sont prises par les sociétaires, tandis que la gestion technique est assurée par la coopérative.

La SCIC Mas Olivier vignoble investissement compte 279 adhérents, dont 90 % de particuliers. Elle possède 20 ha en propriété et 60 ha en fermage. © Movi
La SCIC Mas Olivier vignoble investissement compte 279 adhérents, dont 90 % de particuliers. Elle possède 20 ha en propriété et 60 ha en fermage.
© Movi

Comme de nombreuses caves coopératives viticoles françaises, le Mas Olivier- Les crus Faugères perd régulièrement des surfaces de vignes suite aux départs en retraite de ses adhérents. Ici comme ailleurs, les repreneurs ne sont pas légion. « Cette déperdition est très problématique. D’une part car nous avons les marchés mais pas assez de volume de vin pour les alimenter. Et d’autre part car nous avons investi 2,5 millions d’euros lors du rachat de la cave coopérative de Laurens en 2010, et qu’il nous faut amortir les charges », contextualise Magali Palomares, directrice adjointe et responsable qualité du Mas Olivier. Pour éviter de répercuter ces coûts sur le revenu des adhérents, les dirigeants de la cave ont cherché une solution pour maintenir les surfaces au sein de la cave. « Une cave coopérative ne peut pas gérer du foncier. Il fallait donc créer une société qui soit adhérente à la cave coopérative et qui puisse être gérée collectivement par un grand nombre d’investisseurs », expose la directrice adjointe.

Préserver le vignoble et l’économie locale

Avec l’aide de la fédération des SCIC et SCOP (1) de France, la SCIC Mas Olivier vignoble investissement (Movi) est créée fin 2016 avec un premier objectif fixé à 300 000 € de capital et 50 ha de vignes. Le montant d’une part est fixé à 1 000 €. « On en a parlé aux clients de nos caveaux de vente, ainsi qu’à nos fournisseurs. Puis le bouche-à-oreille à fait le reste », constate Magali Palomares. En deux ans, Movi atteint son premier objectif. « Les sociétaires sont à 90 % des gens du coin qui défendent la préservation des paysages, les circuits courts et l’économie locale », analyse la directrice adjointe. Une économie qui est d’ailleurs ici fortement dépendante de la viticulture. Parmi les sociétaires, il y a notamment des descendants de coopérateurs qui n’ont pas souhaité reprendre les vignes car ils travaillent dans d’autres secteurs. La SCIC leur permet de garder un lien avec cet héritage. Des touristes, des salariés de la cave, des fournisseurs et deux communes de l’AOP faugères font également partie de la société.

La gestion de la SCIC est menée collectivement par les adhérents, selon le principe de la coopération « un homme, une voix ». Un particulier ne peut détenir plus de 25 % du capital, et une collectivité pas plus de 1 %. Une assemblée générale (AG) a lieu une fois par an. Les grandes orientations y sont déterminées, avec le soutien technique de la cave. Le conseil coopératif est élu pour trois ans, et chaque collège (particuliers, salariés, collectivités locales) est représenté.

La production est valorisée avec une gamme spécifique

Les nouveaux coopérateurs ont rapidement manifesté leur intérêt pour une certification environnementale. « On n’a pas voulu engager le capital de nos adhérents sur une production que l’on estime risquée, c’est pourquoi nous avons opté pour la certification HVE plutôt que AB », précise Magali Palomares. La récolte 2020 sera la première certifiée. Un technicien a été recruté pour assurer tous les travaux manuels, tandis qu’un prestataire assure l’entretien mécanique et les traitements. « On a atteint un palier, ça commence à coûter cher de payer un sous-traitant. Mais avec la période incertaine que l’on traverse, on n’est pas encore sûrs de pouvoir embaucher une personne supplémentaire », songe Magali Palomares, qui estime de son côté consacrer en moyenne 3 heures par semaine à la gestion de la SCIC.

La vinification est assurée par les salariés de la coopérative sur le site de Laurens. La SCIC produit une gamme nommée La Jasse d’Aimé, composée de trois vins génériques (blanc, rouge et rosé) et un vin rouge haut de gamme. Ils sont commercialisés en direct via les deux caveaux de vente de la coopérative et ont un design qui leur est propre afin de les différencier du reste de la production du Mas Olivier.

 

Dotations en vin, abattement fiscal et journées thématiques

Par principe, une SCIC bénéficie d’une gestion désintéressée, c’est-à-dire qu’une grande partie de ses bénéfices est réinvestie dans l’activité. En contrepartie de leur investissement, les adhérents reçoivent tous les ans douze bouteilles des cuvées génériques ou six bouteilles de la cuvée Prestige par part sociale acquise. Ils jouissent par ailleurs tout au long de l’année d’une réduction de 15 % sur l’ensemble des produits vendus dans les caveaux de vente. Jusqu’à 2021, les particuliers adhérant à la SCIC profitent par ailleurs d’un abattement fiscal de 18 % du montant de leur investissement, soit 180 €/an et par part. « Cette mesure issue de la loi de Finances est valable pendant les cinq années qui suivent la création de la SCIC », détaille la responsable qualité. À noter toutefois que les parts sont uniquement cessibles à d’autres adhérents de la SCIC. « Dans la plupart des cas, les investisseurs achètent une part pour eux et une part pour leurs enfants. Ils peuvent ainsi céder leur part à leurs enfants à tout moment. » Quatre journées par an sont spécialement organisées pour les sociétaires. « Il y a une journée de formation à la taille, une journée assemblages, une journée mise en bouteilles et une journée vendanges », développe Magali Palomares. Une façon aussi de familiariser les participants aux métiers de la vigne et du vin dans un cadre convivial.

Mas Olivier vignoble investissement a remporté en 2019 le Grand prix d’or de la première édition des Trophées des vignobles d’Occitanie organisée par Terre de Vins, dans la catégorie « dynamique territoriale ». « Ça donne de la valeur et de la crédibilité à notre projet », se réjouit Magali Palomares. Au 31 mars 2020, la SCIC comptait 279 associés et 431 000 € de capital, pour 80 ha de vignes dont 20 ha en propriété. « On est prêts à vendre des parcelles à des jeunes qui veulent s’installer en cave coopérative », indique Magali Palomares. Les dirigeants de la cave prévoyaient de gérer 100 ha de vignes via la SCIC en 2021. L’objectif est pratiquement atteint.

(1) Société coopérative de production.

 

Témoignage : Philippe Bouche, maire de Faugères et adhérent à la SCIC

« La cave conserve ses volumes et nous, nous conservons nos paysages »

« Dès que j’ai entendu parler du projet Movi, j’ai été séduit par l’idée. La coopérative Mas Olivier-Les crus Faugères produit plus de la moitié des volumes de l’AOP faugères. Elle représente un poids économique majeur pour notre commune qui compte 525 habitants. On ne peut pas la laisser mourir sans rien faire. De plus, on profite de la renommée de l’appellation qui attire de nombreux touristes, donc je voyais mal la commune ne pas soutenir le projet. Je suis d’ailleurs déçu qu’avec Laurens on soit les deux seuls villages de l’AOP à faire partie de la SCIC. C’est une opération gagnant-gagnant puisque la cave conserve ses volumes, et nous nous conservons nos paysages, garants de l’authenticité de notre village. Je trouve d’ailleurs le projet tellement bien que j’ai à titre personnel acheté trois parts sociales. Je ne suis pas issu du milieu viticole et cette implication dans la SCIC me permet de mieux comprendre ce que sont la vigne et le vin. Les journées organisées pour les adhérents sont très conviviales et pleines de pédagogie. On passe vraiment un moment sympa. Et puis si on fait le calcul, on voit que pour 1 000 € investis, on récupère environ 85 € en vin, soit un taux de 8,5 %/an. Et c’est sans compter la déduction fiscale et sans compter le fait que si l’on parraine une nouvelle personne, on a également un carton offert. Moi qui ai travaillé dans la finance par le passé, je ne vois pas de placement plus intéressant ! »

repères

Mas Olivier-Les crus Faugères

Appellations AOP faugères, IGP pays d’oc

Surfaces environ 1 000 ha

Coopérateurs une centaine, dont Movi, composé de 279 adhérents

Production 45 000 hl dont 60 % commercialisés en bouteilles

Commercialisation 90 % grande distribution, 10 % vente directe

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