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Une nouvelle ère pour les vignes en pente

Les derniers entretiens du Beaujolais ont été l’occasion de faire le point sur les coteaux. Des terroirs fragiles, qui se trouvent à un moment charnière de leur histoire. Voici trois pistes évoquées pour s’adapter aux contextes environnementaux, techniques et socio-économiques.

Sans prise de conscience des consommateurs ou sans aides des pouvoirs publics, l'avenir de la viticulture de pente est incertain.
© X. Delbecque

Connaître les sols pour les préserver

Qu’ils soient d’origine granitique ou calcaire, les coteaux ont en commun d’avoir été érodés par les glaciers ou encore les cours d’eau. Aussi, ils ne contiennent que très peu de formations sédimentaires, telles que les marnes, argiles résiduelles ou autres dépôts, mais sont majoritairement composés de saprolites et régolites (roches altérées). Les géologues de l’entreprise Sigales ont d’ailleurs constaté que plus la pente est forte, et plus la proportion de roches mères est importante. « Ce qui en fait des sols plus fragiles qu’on ne le pense », alerte Isabelle Letessier, pédologue et agronome au bureau d’études Sigales. La scientifique estime que dans les vignobles en pente plus qu’ailleurs, le vigneron a besoin de connaître précisément son sol. Les itinéraires techniques et la protection des terroirs en dépendent. « Car on ne travaille pas de la même façon si l’on a 30 ou 150 centimètres de sol, explique-t-elle. Et connaître la fragilité de l’horizon de surface permet de s’adapter au risque d’érosion. » De même, la perméabilité se raisonne sur toute la hauteur du sol. Hauteur qui définit la taille du réservoir hydrique. Selon la pédologue, une étude personnalisée est d’autant plus importante que la France est riche d’une grande diversité géologique, et que la variabilité ultra-locale est très importante. Une fois le sol et le sous-sol connus, il est possible de déterminer les aménagements qui s’adapteront le mieux au contexte. « Pour faire un système de banquettes, il faut un ancrage solide supportant les murs. Sur des schistes c’est l’idéal, mais sur un sol granitique c’est compliqué », illustre Isabelle Letessier. Dans ce dernier cas, il faudra opter pour des systèmes de bandes tampons enherbées afin de retenir la terre. Autre piste levée par la scientifique pour améliorer la résistance des sols de pente : remettre de la matière organique.

Définir une stratégie rentable

La chambre d’agriculture du Rhône et CER France ont cherché à savoir quel est le différentiel de coût d’exploitation entre une situation en plaine et en coteaux. Pour cela, les conseillers ont comparé deux groupes d’entreprises du Beaujolais, l’un travaillant sur des vignobles escarpés, l’autre non. Et ils ont observé un surcoût dû à la pente d’environ 15 %. « Travailler un hectare revient en moyenne à 8 000 € dans un contexte de coteaux, contre 7 000 € en plaine », observe Stéphanie Terrier de CER France. Les différences proviennent de plusieurs facteurs. D’une part, des charges supérieures sur les postes vendanges, carburant ou encore assurance. Mais aussi la concentration des coûts totaux, car les exploitations en coteaux sont en moyenne de plus petite taille.

Pour faire face à l’augmentation de ces coûts, Mayeul Plaige, étudiant à Montpellier SupAgro, a identifié deux grands types de stratégies. La première, repose sur une excellente valorisation des vins, comme il se fait dans le nord de la vallée du Rhône. La deuxième, observée par exemple dans le Diois, vise la réduction des coûts de production via la baisse de la densité et l’implantation du tracteur. " Mais les évolutions réglementaires, comme le possible retrait du glyphosate et l’interdiction des traitements au canon ou à l’hélicoptère, tendent de toute façon à faire évoluer les vignobles en coteaux vers cette seconde stratégie ", estime le jeune ingénieur. C’est d’ailleurs la voie que prend le Beaujolais. De nombreux essais ont été menés par les instituts techniques, et vont dans le sens de la simplification des itinéraires. Jean-Yves Cahurel, de l’IFV Beaujolais Savoie, a suivi pendant douze ans des parcelles de chénas, côte de brouilly et rivolet. Celles-ci étaient composées de trois modalités : un témoin traditionnel en vignes étroites et gobelet, une section avec l’arrachage d’un rang sur deux, et une autre avec l’arrachage d’un rang sur trois, avec un changement de mode de taille (cordon). Un test concluant puisque, selon l’ingénieur, la pénibilité du travail a été réduite, et la qualité n’a quasiment pas été impactée.

Sensibiliser les consommateurs

En vue de monter en gamme, l’ODG beaujolais et beaujolais villages a commandité une étude sur la réceptivité des consommateurs au concept de coteaux. Il en ressort que les mentions de « Coteaux » où « Côte » ne sont pas valorisantes auprès du grand public. « Les gens ne savent pas caractériser ce qu’il y a derrière, constate Axelle Verniol, conseillère à la chambre d’agriculture du Rhône. Ce n’est pas un facteur d’achat. » Par contre, les termes d’« excellence », « pierres dorées » ou ceux relatifs à un nom de village ressortent de façon plus positive. Le grand public est en revanche sensible à la charge supérieure de travail quand on la lui explique. Un des moyens pour valoriser les coteaux est donc de miser sur la communication, de donner au consommateur des informations sur les hommes et les régions. « Il faut mettre en avant le travail que les vignobles en pente représentent, et miser sur le story-telling », explique Axelle Verniol. L’œnotourisme est aussi une voie privilégiée pour toucher directement les gens sur la problématique des coûts de production et le rôle prépondérant du viticulteur dans le façonnement de ces paysages, et de les rallier à la cause. « Quand on amène les gens dans les vignes, et qu’on leur fait monter cent mètres de dénivelé en cinq minutes, ils percutent », illustre Denis Bertholier, viticulteur à Chignin en Savoie, qui mise d’abord sur la vente directe pour expliquer ses contraintes aux acheteurs.

Les réflexions du groupe « coteaux » de l’ODG du beaujolais ont par ailleurs débouché sur la création d’un cahier des charges technique pour monter en gamme, couplée à un travail de communication avec une bannière « coteaux d’exception ». Des actions complétées par une valorisation du territoire en association avec le syndicat mixte du beaujolais via la labellisation Unesco « Geopark » (site géologique remarquable).

Les sols de pente sont souvent plus profonds mais aussi plus fragiles qu’on ne le pense
 

Quel avenir pour les coteaux ?

La Fédération des associations viticoles d’Allemagne et l’Assemblée des régions européennes viticoles (Arev) ont profité du congrès viticole d’Intervitis à Stuttgart pour organiser une conférence sur l’avenir des vignobles escarpés. Car la problématique du prix de revient trop faible par rapport aux coûts de production et le déclin de la viticulture en forte pente sont récurrents dans toute l’Europe. En Allemagne, la région du Bade-Wurtemberg planche sur une aide de l’État, qui prendrait la forme d’une subvention annuelle de 3 000 euros par hectare, à l’image des indemnités compensatoires aux handicaps naturels (ICHN) de la PAC, qui profitent aux éleveurs de haute montagne. Mais pour beaucoup, c’est la solidarité sociétale qui doit supporter le coût de la préservation de ces paysages culturels. Et cela passe par des activités de marketing créatives et ciblées pour sensibiliser le consommateur. Autre nécessité pour préserver la viticulture de pente à long terme : optimiser les technologies de culture et faciliter le travail. La protection phytosanitaire par drones ou encore la machine à vendanger pour pentes raides ont été citées comme des pistes d’avenir…

Une définition encore floue

« Le concept de viticulture de coteaux ne rentre pas dans un cadre clair et précis », a souligné Bertrand Chatelet, directeur de la Sicarex Beaujolais, lors des entretiens. Et pour cause, il n’existe pas de définition officielle autour de la viticulture de pente. Seul le Cervim, Centre de recherche et d’études, de protection, de représentation et de valorisation de la viticulture de montagne, propose une classification, et définit ce type de production par des terroirs dont l’inclinaison est supérieure à 30 %, ou bien à une altitude supérieure à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, ou encore par un système en terrasses et gradins. Une chose est sûre, la préservation de la viticulture de pente devra aussi passer par une harmonisation des critères qui la définissent…

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