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Un simulateur pour chiffrer l’impact d’un changement de pratique

Au domaine de la Treille, dans le Maine et Loire, Thibault Henrion s’est appuyé sur le simulateur technico-économique développé par sa chambre d’agriculture pour changer ses pratiques et franchir le cap du bio.

Thibaut Henrion (à gauche) vigneron au domaine de la Treille ne prend plus de décisions d'investissement sans utiliser le simulateur économique développé par Guillaume Gastaldi (à droite), ingénieur Dephy à la chambre d'agriculture de Maine-et-Loire © J.Gravé
Thibaut Henrion (à gauche) vigneron au domaine de la Treille ne prend plus de décisions d'investissement sans utiliser le simulateur économique développé par Guillaume Gastaldi (à droite), ingénieur Dephy à la chambre d'agriculture de Maine-et-Loire
© J.Gravé

C’est lors d’une formation « bas intrants » dispensée par la chambre d’agriculture de Maine-et-Loire début 2017 que Thibault Henrion, vigneron, découvre l’existence du simulateur. « J’avais fait un test de désherbage mécanique sur une de mes parcelles, mais je n’étais pas sûr de ce que cela allait me coûter de le généraliser sur mes 43 hectares de vignes », raconte-t-il. Installé en 2014 hors cadre familial, et après deux années de gel, il n’a d’autres choix que de calculer minutieusement ce que ses décisions techniques impliquent sur son bilan comptable. C’est alors que Guillaume Gastaldi, alors animateur d’un des réseaux Dephy de Maine-et-Loire, lui propose de se soumettre au simulateur développé en collaboration avec les conseillers d’entreprise de la chambre d’agriculture avant de prendre une décision.

Les seuls coûts de production ne reflètent pas la complexité d'une exploitation 

Dès 2011, avec le groupe Dephy, Guillaume Gastaldi cherche à déterminer des coûts de production à l’hectare. “Mais on n’obtenait qu’une vision partielle des choses”, raconte-t-il. On ne tenait pas compte de la valorisation des vins, du volume de production ni des variations de stocks… donc de toute la complexité d’une exploitation.” Il entame donc une réflexion en vue de développer un outil plus pertinent, qui tient compte des enjeux de triple performance environnementale, économique et sociale. Il décide alors de coupler les références technico-économiques issues des groupes Dephy avec les compétences issues du réseau Inosys. Après trois ans de développement, l’équipe aboutit en 2016 au simulateur tel qu’il est aujourd’hui. Chaque décision prise, de l’investissement dans du matériel aux changements de pratiques, peut dès lors être quantifiée. Et c’est justement ce qui manquait à Thibault Henrion.

Des estimations très proches de la réalité

Après une matinée à saisir l’ensemble des données comptables du domaine de la Treille, le vigneron et son conseiller tirent les premières conclusions. « En passant la moitié de mes surfaces en désherbage mécanique, mon excédent brut d’exploitation (EBE), ce que regarde mon banquier, n’était quasiment pas modifié ». Il saute alors le pas. Dans la foulée, le binôme simule l’achat d’un pulvérisateur confiné d’occasion, « mieux pour l’environnement et les salariés ». Même constat : il se crée un équilibre entre le coût de l’investissement et les économies de produits, pour un EBE qui est finalement peu impacté. Thibault Henrion n’hésite pas plus longtemps à s’équiper. « Ce qui est bien avec ce simulateur, c’est qu’on fait vraiment du sur-mesure », apprécie le viticulteur. Un an après l’achat de son pulvérisateur confiné, il atteste : « à peu de chose près, mon EBE est le même que celui que nous avions estimé, voire un peu meilleur car nous n’avions pas pris en compte les engrais foliaires ! »

Franchir le cap du passage en bio

Prochaine étape : la conversion en bio, d’abord sur une dizaine d’hectares, puis, sur la totalité des surfaces. « Nous avons estimé à environ 30 % l’augmentation des coûts de production, principalement due à de l’investissement dans du matériel », expose le vigneron. Des estimations établies à partir d’une étude menée par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, dans le cadre du réseau Dephy (voir encadré). Les différents scénarios envisagés, qui tiennent compte des baisses de rendements possibles ainsi que de la revalorisation potentielle des vins sont encourageants. « Le simulateur m’a conforté dans ma décision, c’est rassurant de pouvoir mettre un chiffre concret en face de chaque action à venir », pointe le vigneron. D’autant que ces chiffres ne tiennent compte d’aucunes aides à la conversion.

Un outil de travail en binôme entre le viticulteur et le conseiller

Pour l’heure, le simulateur, qui se présente sous la forme d’un classeur Excel, n’est pas disponible en ligne. « C’est un outil destiné à être utilisé dans le cadre de la relation entre conseiller et vigneron », indique Guillaume Gastaldi. Un fonctionnement en binôme indispensable pour garantir le côté « sur-mesure » de l’outil. Le technicien ne ferme pas pour autant la porte à l’idée d’en faire un outil d’aide à la décision à part entière, diffusé à l’échelle nationale. « Il a un peu tourné dans les réseaux Dephy de Gironde et d’Indre-et-Loire, et les retours sont positifs », affirme-t-il. Quant aux champs d’utilisation, ils sont également extensibles. « On pourrait envisager de l’utiliser pour le chai, ou pour simuler des évolutions de marché sur plusieurs années », imagine Guillaume Gastaldi. Une idée qui a déjà trouvé preneur. Car Thibault Henrion aimerait acheter une chaîne de mise en bouteilles. Lors de leur prochaine rencontre, les deux hommes saisiront les estimations de pertes de récolte dues au gel de ce début de printemps, ainsi que le coût d’une chaîne de mise en bouteilles. Le vigneron pourra alors choisir de s’équiper ou de repousser l’investissement en pleine connaissance de cause.

repères

Domaine de la Treille

Appellations anjou, crémant de loire, saumur mousseux

Surface 43 ha

Cépages cabernet franc, chenin, chardonnay

Commercialisation via un groupement de producteurs

Mode culture en conversion AB

voir plus loin

Conversion bio : priorité au maintien des rendements

Guillaume Gastaldi, conseiller viticole Dephy, a mené pour le compte de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire une étude sur les conséquences d’une conversion en bio à partir de données technico-économiques issues de deux typologies d’exploitation. L’une compte 18 ha de vigne, pour un rendement moyen de 52 hl/ha et valorise sa production en cave coopérative. L’autre compte 47 ha, un rendement moyen de 46 hl/ha et commercialise ses vins en vente directe. Les scénarios envisagés tiennent compte de l’évolution des rendements (constants, - 5 % et - 10 %) et de la valorisation de la production (constante, + 5 % et +10 %). Dans les deux cas, l’embauche d’un salarié supplémentaire est nécessaire. Bilan : les coûts de production (en €/ha) augmentent fortement dans le cas de l’exploitation de type 1 (+ 39 %) alors qu’ils bougent très peu dans le cas n° 2 (+ 6 %). L’impact sur les résultats courants, qui chutent considérablement la première année, met en évidence la nécessité de maintenir le rendement à des niveaux équivalents. Ce paramètre a bien plus d’impact sur la situation économique de l’entreprise que la revalorisation de la production. « Il y a globalement un impact fort de la conversion sur le résultat courant en lien avec la phase d’amortissement. Il faut donc immédiatement revaloriser sa production, en réfléchissant à de nouveaux débouchés commerciaux », indique Guillaume Gastaldi.

Une autre bonne idée Dephy

Connaître les besoins de ses sols grâce aux plantes bio indicatrices

Dans le même réseau Dephy Pays de la Loire, côté Loire-Atlantique, à Clisson, Florent Banctel, conseiller, met en place des formations inspirées d’une technique développée par Gérard Ducerf, botaniste. Par l’observation des plantes et adventices présentes dans les parcelles, il est possible d’avoir une idée assez précise de l’état de son sol. « Beaucoup de viticulteurs ont peur de ne pas reconnaître les espèces, explique Florent Banctel. Pourtant, ce n’est vraiment pas sorcier. » Les principales indications que l’on peut relever en identifiant les cinq espèces végétales majoritaires concernent les carences ou excès d’azote ainsi que le niveau d’aération des sols. Des informations importantes pour ajuster son itinéraire technique, « notamment sur la fertilisation ». Selon le technicien, les résultats d’un changement de pratiques sur la flore indigène sont visibles d’une année sur l’autre. « Avant chaque grande décision, ou au moins tous les cinq ans, il est nécessaire de faire une analyse de sol », rappelle-t-il toutefois. Quant à ceux qui sèment des engrais verts, attention aux conclusions hâtives. « Le fait que les engrais verts poussent est une indication en soi, mais ce n’est pas aussi parlant que les espèces naturellement présentes dans la parcelle », avertit Florent Banctel.

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