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Sangliers, des mesures en demi-teinte

Pour la première fois, le gouvernement a pris conscience de la problématique des dégâts de grand gibier, et notamment de sanglier. Mais la réponse ne semble pas à la hauteur des espérances.

En quelques années, la situation est devenue intenable. Il n’y a pas un mois sans que l’on entende un viticulteur relater ses déboires avec les sangliers. Face à la hausse des dégâts et à la gronde des agriculteurs, le gouvernement a décidé de s’emparer du problème. En août dernier, Emmanuel Macron a annoncé une loi sur la chasse, avec deux mesures phares. La première, largement médiatisée, est une réduction du prix de la validation annuelle du permis de chasser à l’échelle nationale, censée inciter les chasseurs à être plus mobiles. La deuxième concerne la généralisation de la contribution territoriale, une sorte de redevance qui augmente avec l’intensité des dégâts, afin de responsabiliser les territoires sur la gestion des populations. Des mesures pleines de sens pour la Fédération nationale des chasseurs (FNC). “Cette contribution s’inspire de ce qui a été mis en place en Côte-d’Or et qui a fait ses preuves, puisque la facture des dégâts a ainsi été divisée par deux”, relate Nicolas Rivet, son directeur général.

Pour lui, toucher au portefeuille en instaurant un malus pour les mauvais gestionnaires est le moyen le plus sûr d’inciter les chasseurs à multiplier les prises. Quant à la validation pour tout l’Hexagone à 200 €, la fédération s’attend à ce que 20 % des chasseurs passent de l’échelon départemental à national. Elle y voit aussi une opportunité pour toucher de nouveaux pratiquants. Du côté de la FNSEA en revanche, on dénonce des mesurettes, tout juste bonne à faire plaisir aux chasseurs. “La baisse du prix national de la chasse est une supercherie, s’insurge Thierry Chalmin, président de la commission faune sauvage du syndicat. Il y a trop de disparités, et ce n’est pas le chasseur de Saône qui va régler le problème de surpopulation dans le Gard.” Quant à la contribution territoriale, la FNSEA craint que cela devienne simplement une taxe donnant droit à laisser faire les dégâts. “Les zones critiques sont souvent là où il y a des chasses commerciales. Les usagers paieront la contribution pour être tranquilles et continueront comme avant”, prédit Thierry Chalmin.

Une mission parlementaire mandatée pour chercher des solutions

En plus de cette loi, le gouvernement a mis en place, sous la houlette du ministère de la Transition écologique, un comité de gestion des dégâts de grand gibier, en invitant les principaux syndicats agricoles, la fédération des chasseurs et celle des propriétaires forestiers. Ledit comité s’est réuni pour la première fois le 7 septembre, et n’a abouti qu’à un tour de table. “Chacun a exposé ses propositions, parfois contradictoires, et tout le monde a campé sur ses positions, relate Nicolas Girod, secrétaire national de la Confédération paysanne. Le ton est même légèrement monté en fin de séance, car le ministère nous dit qu’il veut prendre le temps de travailler tous ensemble, alors que nous répétons qu’il y a urgence à agir.

Si la manœuvre du ministère paraît tout à fait louable, on peut toutefois regretter le manque de clarté dans son approche. Car Sébastien Lecornu, secrétaire d’État de la Transition écologique, a bel et bien promis une baisse de moitié des dégâts de grand gibier d’ici trois ans, mais aucun plan d’action, ni calendrier de travail, n’ont été définis. Et nul ne sait à quoi elle doit aboutir précisément, aucun livrable n’ayant été annoncé. En attendant une prochaine réunion, une mission parlementaire a été constituée afin de proposer des solutions. Autant dire que pour Thierry Chalmin, le compte n’y est pas du tout. “Les plans de chasse ont été mis en place dans les années quatre-vingt-dix pour développer les populations de sanglier, et ça a marché. Et aujourd’hui, on veut nous vendre que ce même outil va permettre de les baisser. C’est une aberration !" s’insurge-t-il.

Quand on voit que les prélèvements explosent tous les ans des records, et que pourtant les populations ne cessent de croître, on se demande effectivement si le modèle actuel n’a pas du plomb dans l’aile. Alors que des solutions semblent à portée de main. " Il faudrait par exemple que nous puissions poser des cages-pièges, suggère un vigneron de l’Hérault. Seuls les lieutenants de louveterie en ont le droit à l’heure actuelle." De son côté, la FNSEA appelle de ses vœux que le sanglier soit déclaré espèce nuisible sur l’ensemble du territoire, que les agriculteurs aient le droit de destruction, et surtout que l’agrainage soit stoppé. “Des tonnes de maïs sont épandues tous les ans, observe Thierry Chalmin. Et cela amène les sangliers à retourner davantage nos champs, car ils ont besoin de compléter leur régime avec des vers de terre pour les protéines.”

La FNC souhaite augmenter la pression de chasse

Même rengaine du côté de la Confédération paysanne, où l’on se demande si l’on n’est pas arrivé au bout du système. D’autant plus que de nouveaux éléments entrent désormais dans la balance, comme l’effet du réchauffement climatique sur la prolifération. Les hivers de plus en plus doux impactent fortement la mortalité des marcassins, qui est en baisse constante. De même, la multiplication des beaux jours permet aux laies de faire une troisième portée dans l’année, et entraîne régulièrement de meilleures productions de glands par les chênes. Mais du côté de la FNC, le directeur se dit serein sur la capacité des chasseurs à prendre le problème à bras-le-corps et réguler les populations. La fédération est d’ailleurs prête à augmenter la pression de chasse, et briser quelques codes s’il le faut, comme autoriser les tirs de nuit. “Les dégâts de gibier sont également une vraie problématique pour nous, assure Nicolas Rivet, ils nous coûtent 60 millions d’euros par an. Mais je pense qu’avec la nouvelle loi, nous avons un arsenal complet pour contrer ce fléau." Ce qu’il faut espérer. Car en attendant, la pression monte dans les campagnes. Les viticulteurs sont contraints de clôturer leurs parcelles, avec les conséquences que cela implique sur la rentabilité, la logistique de travail et la relation avec les riverains. Sans parler de certains agriculteurs prêts à tout pour s’affranchir de ce problème, qui commence à réfléchir à des méthodes peu recommandables, comme le poison ou encore l’arme bactériologique, sans prendre en compte les problèmes sanitaires que cela causerait…

Les dégâts déclarés ne reflètent plus la réalité

Au-delà de la question de la régulation, se pose également celle de l’indemnisation. Que ce soit de côté des agriculteurs ou des chasseurs, personne cette fois-ci ne remet le fondement du système en cause. “Mais il faut absolument revoir les conditions, il y a un grand chantier” estime Thierry Chalmin. En effet, les modèles d’agricoles ont évolué et de plus en plus de producteurs choisissent la valorisation via les circuits courts. Or, l’indemnisation, qui n’est que partielle, se base sur une quantité détruite indexée sur le cours du vrac, et non pas sur la valeur ajoutée perdue. De cette façon, de plus en plus de viticulteurs s’abstiennent de signaler leurs dégâts, qui ne sont ainsi plus comptabilisés.

Mais la bataille est sans doute loin d’être gagnée, car les chasseurs se plaignent de devoir indemniser 100 % des dégâts alors qu’ils ne peuvent chasser que sur 70 % du territoire. “Nous avons proposé à tous les syndicats agricoles de les rencontrer pour aborder ces problématiques”, informe Nicolas Rivet. Si l’on ne peut que se réjouir de voir enfin une prise de conscience nationale de la problématique, il faudra malheureusement être patient. Car les mesures ne sont prévues qu’à partir de la saison 2019-2020…

Le secrétaire d’État à la Transition écologique a promis une baisse de moitié des dégâts en trois ans

Un potentiel vecteur de la peste porcine africaine

Début septembre, deux sangliers sauvages ont été retrouvés morts en Belgique, à quelques kilomètres de la frontière française. Quelques jours plus tard, la Direction générale de l’alimentation informait qu’il s’agissait d’une contamination par la peste porcine africaine, maladie jusque-là contenue en Europe de l’Est. Une annonce qui fait naître de nombreuses inquiétudes sur le plan sanitaire. “Les sangliers représentent 4 millions de vecteurs potentiels et incontrôlables pour nos porcs d’élevage, alerte la Confédération paysanne. C’est tout un pan de notre agriculture qui est menacée.” Le président des Groupements de défense sanitaire a demandé au gouvernement d’agir dès maintenant pour réduire les populations de sanglier. " Cela est d’autant plus impératif que, sur les zones où un cas est confirmé, la chasse se voit interdite afin de ne pas déplacer le gibier d’une zone à risques vers une zone saine”, expose-t-il.

Balance ton sanglier !

Afin de dénoncer l’étendue des dégâts et d’exprimer son ras-le-bol, la FNSEA a lancé en fin d’été une opération de sensibilisation sur les réseaux sociaux. Elle invite tous les agriculteurs à poster des photos de leurs champs retournés par les bêtes noires, en mentionnant le hashtag #SangliersChallenge, ainsi que le compte de Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique. “La battue numérique est ouverte !” s’est ainsi exprimée Christiane Lambert sur Twitter le 22 août. La présidente espère ainsi faire pression sur le gouvernement. Alors n’hésitez pas, dégainez tous vos portables !

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