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Retrait du glyphosate : comment passer le cap

Avec l’arrêt annoncé du glyphosate dans trois ans, la priorité est à la recherche de méthodes alternatives d’entretien du sol, et surtout du cavaillon. Tour d’horizon des différentes solutions, et de leur impact tant financier qu’écologique.

Avec la suppression programmée du glyphosate, le désherbage de la ligne des souches s'annonce ardu.
© J.-C. Gutner archives

S’il on en croit le tweet lapidaire d’Emmanuel Macron, dans trois ans, les viticulteurs devront cesser d’employer du glyphosate dans leurs parcelles. Et ce, malgré le renouvellement de l’autorisation de l’herbicide pour une durée de cinq ans par la Commission européenne. Même si nombre de responsables professionnels ne veulent pas croire en cette nouvelle, il faut néanmoins s’y préparer.

Dès lors, quelles sont les solutions alternatives disponibles ? Il y en a pléthore. Mais leur adoption ne se fera pas sans heurt. L’arrêt de la molécule coûtera, au bas mot, entre 250 et 300 millions d’euros à la filière viticole, prévient l’IFV. Et encore, ces chiffres « ne prennent pas en compte les baisses de rendements », souligne Jean-Pierre Van Ruyskensvelde, directeur de l’Institut. Et de fait. Toutes les alternatives actuellement disponibles sont plus onéreuses et/ou moins efficaces.

Le chimique sera plus technique et onéreux

En chimique tout d’abord, certains redoutent des impasses techniques. Car en termes de produits non sélectifs de post-levée, seuls le pyraflufen-éthyle, la carfentrazone-éthyle et l’acide pélargonique, qui sont des produits de contact, subsisteront. « Sur les monocotylédones, telles que le chiendent ou le sorgho d’Alep, on pourra continuer à gérer grâce aux molécules systématiques spécifiques aux antigraminées, telles que la cycloxydime, estime Thierry Favier, expert viticulture à la CAPL (Coopérative agricole Provence Languedoc) et secrétaire du groupe Columa vigne. Mais sur les dicotylédones ce ne sera pas la même histoire. »

Et notamment pour les vivaces déjà installées, comme les chondrilles, mauves ou encore liserons, qui risquent bien de repartir de plus belle après un traitement par simple contact. Pour Éric Chantelot, de l’IFV, une gestion 100 % chimique sera toujours possible, mais beaucoup moins souple qu’avant. « Le mode d’action des produits de contact convient plutôt sur des stades de jeunes plantes, explique-t-il. Cela implique un positionnement plus pointu et des passages plus nombreux. » Intervenir sur des juvéniles suppose donc de garder un sol propre en permanence. « Si l’on est capable d’identifier le bon stade, deux à trois passages pourraient suffire, ajoute le technicien, mais cela demandera beaucoup d’observation et de réflexion. »

L’idée serait ainsi de réaliser une application en post-levée après les vendanges, un prélevée en sortie d’hiver et un nouveau post levée en saison pour garder le sol propre jusqu’aux vendanges suivantes. Seulement, bien que des extensions aient été demandées, l’usage de ces herbicides en automne est pour l’instant interdit. Gérer avec des produits de prélevée seuls est également inenvisageable, ne serait-ce que par leurs restrictions d’usage après les premiers stades végétatifs de la vigne.

Le coût du traitement tout comme l’empreinte carbone seront multipliés par le nombre de passages supplémentaires nécessaires. « Il est probable que l’option du chimique soit toujours plus avantageuse financièrement que le mécanique, mais elle sera davantage technique », avertit Éric Chantelot. Un programme tel que celui que nous avons présenté avoisine les 200 euros par hectare en vignes larges, sans compter les rattrapages qui pourraient être fréquents en contexte humide.

Le mécanique, une technique chronophage

La première alternative au désherbage chimique venant à l’esprit est le désherbage mécanique. Et ce d’autant plus que nombre de conseillers prônent son utilisation sous le cavaillon, à l’instar de Pauline Garin, de la chambre d’agriculture du Vaucluse. À cet effet, de nombreux appareils, appartenant à différentes familles d’interceps, sont sur le marché. Malheureusement, aucune n’est omnipotente, et les conseillers recommandent de disposer d’au moins deux ou trois types d’interceps, le début de saison devant être réalisé avec un outil impactant, et l’entretien estival avec un plus léger.

Et pour cause. Les traditionnelles décavaillonneuses, qui soulèvent, puis retournent, une bande de terre, sont particulièrement adaptées à la sortie d’hiver, pour reprendre les sols. En saison, elles possèdent une bonne aptitude à détruire les adventices, même bien développées. Mais leur utilisation implique la présence d’une butte sous le cavaillon, et leur vitesse de travail est faible : entre 2 et 3,5 km/h.

De leur côté, les outils rotatifs arrachent et sectionnent les herbes. Il en existe différentes sortes, travaillant de manière plus ou moins superficielle selon la profondeur d’enracinement de la vigne. L’un des intérêts de ces appareils réside dans leur adaptabilité aux conditions de la parcelle. Mais tout comme pour les décavaillonneuses, leur vitesse de passage est limitée, entre 2 et 3 km/h.

Les lames sont également des interceps intéressants, notamment en été. Car à l’inverse de certains autres appareils, elles n’ont pas besoin d’un sol frais et meuble ; elles peuvent travailler même quand la terre est un peu refermée. Elles procurent un éclatement de la croûte et leur vitesse de travail accentue l’émottement. Additionnées d’un coutre ou d’un soc ouvreur à l’avant, elles sont efficaces même sur des adventices estivales assez développées en hauteur mais peu denses. Les lames sont rapides et peuvent évoluer entre 4 et 6 km/h. Mais au-delà de 5 km/h, le taux de blessure des ceps augmente, et la zone de retour derrière le pied est moins bien nettoyée.

Nouveaux venus, les disques émotteurs ou crénelés permettent de découper une bande de terre et de la brasser sans toutefois réaliser de projections dans le rang. S’ils peuvent progresser jusqu’à 8 km/h, un couvert végétal important et un sol mal ressuyé peuvent les mettre en difficulté.

Les outils superficiels tels que les disques Kress sont quant à eux efficaces sur une butte meuble, en brassage de terre, à vitesse élevée (6 à 8 km/h). Mais le palissage doit être parfait, sous peine d’avoir des soulèvements de ceps. Par ailleurs, ce type d’intercep ne convient pas aux terrains pierreux, aux argiles lourdes, ni aux sables.

Enfin, un outil innovant de désherbage mécanique a été lancé l’an dernier par Caffini, utilisant la force de l’eau sous pression. Le Grass Killer, présenté en version double tête au Sitévi, permet de travailler à un peu moins de 3 km/h sur tous types de terrain. Néanmoins, les tests réalisés au printemps 2017 ont montré que l’outil, très onéreux, devait encore être perfectionné. De plus, il occasionne des tassements du fait du transport de l’eau.

Au final, travailler avec des interceps est ardu. Il faut réaliser les bons réglages et intervenir au moment opportun, ce qui n’est pas toujours aisé, étant donné que cela dépend de la météo. Cette technique ne convient pas à toutes les configurations de parcelles, notamment les situations de fortes pentes et de dévers. Sur un vignoble mal adapté et avec des outils trop agressifs, cette technique implique généralement une baisse des rendements durant environ quatre ans. En outre, comme nous venons de le voir, le travail est lent et le risque de blesser, voire d’arracher des ceps de vigne, est important.

Selon des estimations de l’IFV, ce mode de désherbage du cavaillon nécessite entre 3 et 5 passages par an, contre 2 actuellement en chimique. De plus, la vitesse de passage du tracteur est moindre : de l’ordre de 3 km/h contre 5 km/h en chimique. Au final, selon les calculs de l’IFV effectués en 2009, le coût annuel par hectare en vigne large était compris entre 229 et 309 euros, contre 133 à 203 euros en chimique. Et l’écart se creusait encore plus sur vignes étroites, avec un coût moyen de 181 euros/ha/an en chimique et de 529 à 841 euros/ha/an en travail du sol. À moyen terme, des solutions de robotisations devraient arriver sur le marché et ainsi rebattre les cartes.

Au niveau du bilan carbone, le désherbage mécanique est loin d’être la panacée. Les émissions de gaz à effet de serre seraient à peu près doublées par rapport à un désherbage chimique. Malgré tout, en conditions méditerranéennes, cela reste la solution préconisée.

Le thermique provoque des émissions de gaz à effet de serre

Le bilan carbone du désherbage thermique est encore plus mauvais, du fait des émissions du gaz brûlé. Elles sont proches de 600 kg de CO2 par hectare, contre environ 50 kg de CO2 par hectare pour le désherbage chimique. Cette technique est néanmoins utilisable « quel que soit l’état du sol, pour peu que l’on puisse rentrer dans les parcelles, souligne Christophe Gaviglio, de l’IFV. Et il n’y a pas de raison pour que le rendement soit affecté ».

En revanche, son efficacité est restreinte, du fait de l’absence d’effet racinaire. Pauline Garin rapporte d’ailleurs avoir mené des essais non concluants. « Les herbes repoussent très vite, note-t-elle. Et il faut intervenir à un stade précoce pour que ce soit efficace, ce qui implique de passer très régulièrement et cela revient cher. » Selon l’IFV, le désherbage thermique sous le rang nécessite entre cinq et huit passages par an, à 2,5 km/h, pour un coût annuel estimé à 449 euros/hectare en 2009. Dès lors, il n’apparaît pas comme la solution idéale.

Le paillage est à réserver aux plantiers

De même, la chambre d’agriculture du Vaucluse a testé le paillage, ou mulch, à l’instar de divers autres organismes, tels que la chambre d’agriculture du Bas-Rhin, la chambre d’agriculture de Charente, l’Inra de Colmar, ou encore le GDDV 41. Tous s’accordent sur l’intérêt relatif de cette solution pour les vignes en place, quel que soit le type de paillage (BRF, paille, sarments, plaquettes forestières, miscanthus, support de culture de fraise hors sol).

« C’est une technique onéreuse, qui n’est pas très durable dans le temps, résume Jérôme Attard, de la chambre du Bas-Rhin. Au bout de deux ans, on a des apparitions de vivaces telles que du liseron ou du chiendent. » Elle revêt néanmoins un intérêt pour les plantiers, jusqu’à leur entrée de production, « surtout si le sol possède un fort potentiel minéralisant », précise Lionel Ley, de l’Inra de Colmar. Néanmoins, l’Irstea a récemment présenté des tuiles de paillage en polypropylène recyclé, qui pourraient peut-être améliorer la technique.

L’enherbement est très concurrentiel pour la vigne

De même, l’enherbement sous le rang n’est pas satisfaisant. « Toutes les espèces que nous avons essayées sont concurrentielles, et provoquent une baisse de rendement de 20 à 50 % », poursuit Pauline Garin. Des essais menés dans le Val de Loire, par l’ATV 49 confirment le faible intérêt de la technique. « Pour les espèces les moins concurrentielles, la vitesse de recouvrement est trop lente et des passages sont nécessaires pour maîtriser les adventices qui poussent au travers, commente Perrine Dubois, de l’ATV 49. Le plantain s’installe rapidement mais est très concurrentiel. » Par ailleurs, l’enherbement reste onéreux, et les vignerons ont constaté un impact négatif de la technique sur la complantation.

On le voit. D’un point de vue technique, financier, et écologique, aucune solution actuelle n’est la panacée. Les techniciens s’orientent en majorité vers la composition de nouvelles solutions mixtes. « Il ne faut pas chercher un échange standard du glyphosate, remarque Nadège Brochard, conseillère viticole à la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique. Le mieux sera d’utiliser les molécules que l’on a à bon escient pour les préserver plus longtemps, en combinant du chimique et du mécanique. » C’est d’ailleurs dans ce sens que va travailler le Columa cette année, en expérimentant des programmes mixtes.

En parallèle à cela, de nombreuses autres alternatives sont en plein développement : du biocontrôle, du thermique, une machine à désherber électrique, ou encore le laser d'Escarda. S’il est encore trop tôt pour connaître leur impact global, elles n’en restent pas moins des voies d’avenir à suivre de près. Mais quoi qu’il en soit, une chose est désormais sûre : avec la diminution des molécules chimiques disponibles, il va falloir revoir l’organisation du travail et surtout, son seuil de tolérance à l’herbe.

"Il ne faudra pas chercher un échange standard du glyphosate mais combiner du chimique et du mécanique"

voir plus loin

Le 1er décembre, l’Inra a remis aux divers ministères concernés un rapport visant à « l’élaboration d’un plan de sortie du glyphosate et permettant d’identifier les alternatives existantes ». Il stipule les impasses techniques sur lesquelles le gouvernement et les filières devront prioritairement travailler. En viticulture, il apparaît clairement que les parcelles en terrasse et sur des terrains très empierrés sont les plus utilisatrices de glyphosate, faute d’alternative viable. Les rapporteurs indiquent le travail manuel ou avec des animaux de trait comme solutions de recours ! Ailleurs, l’emploi de désherbants autres que le glyphosate, le biocontrôle ou encore le travail du sol sont les alternatives les plus matures identifiées par les experts.

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