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« Nous sommes proches d’une révolution »

En Charente, le viticulteur Christophe Brandy teste avec succès un fongicide naturel, un éliciteur et plusieurs activateurs de sol. Focus sur ses expériences.

Christophe Brandy se définit comme un viticulteur passionné, innovateur de terrain.
© X. Delbecque

S’il y a bien une chose qui énerve Christophe Brandy, viticulteur à Saint-Saturnin en Charente, c’est l’inertie du modèle viticole actuel, qui peine à réduire ses doses de produits phyto. Las d’attendre des solutions, il a décidé de mener lui-même ses essais, pour diminuer son recours aux spécialités conventionnelles et faire évoluer les connaissances de la filière. « Je n’ai nullement l’intention de court-circuiter les organismes de recherche, explique-t-il. Nous sommes des maillons complémentaires de la chaîne. Mais nous, viticulteurs, avons la chance de ne pas avoir de carcan, ni de compte à rendre. Il est plus facile de se lancer. Et surtout cela nous permet d’évaluer en conditions réelles. » Son credo depuis plus de dix ans est donc la réduction de l’IFT (Indicateur de fréquence de traitements). Après avoir exploré la modulation de dose et la modélisation des maladies, grâce à sa station météo équipée d’un OAD de chez Promété, il a diminué de moitié son utilisation de produits phytosanitaires. En 2017, il a même réussi la prouesse de descendre à un IFT (hors herbicides) de 4, alors que la chambre d’agriculture de Charente estime la moyenne à 11. Pour aller plus loin dans sa démarche, c’est donc tout naturellement qu’il s’est dirigé vers les produits de biostimulation et de biocontrôle. Il a tout commencé par tester, avec satisfaction, les activateurs de sol de la firme PRP Technologie. « Car tout est lié. Plus on s’occupe du sol, plus la vigne est en bonne santé, et moins on a besoin de la soigner », estime Christophe Brandy.

Un stimulateur de défenses naturelles en crash test dès 2014

Puis il a fait connaissance avec la jeune entreprise bretonne Gaïago, spécialisée dans les produits alternatifs naturels. En 2014, elle lui a proposé de tester une solution en développement, un stimulateur de défense des plantes qui semble avoir des effets intéressants sur le mildiou, l’oïdium et le black-rot. Ce produit, actuellement commercialisé sous le nom de Stimulus Bioprotec, possède une homologation en tant qu’engrais. Le vigneron a ainsi traité un demi-hectare cette même année. Mais contrairement aux préconisations de la firme, qui conseille de l’utiliser en gardant 50 % du programme conventionnel, le viticulteur l’a employé en solo tout au long de la campagne avec une cadence comprise entre 12 et 14 jours. « Je suis joueur ! », lance-t-il en riant. Ce premier test n’a pas donné l’effet escompté, le produit ayant décroché en fin de saison. Christophe Brandy ne s’est pas découragé pour autant et a reconduit l’essai sur 1,2 hectare, en resserrant la fréquence de traitement. Et le résultat a cette fois été au rendez-vous. « Sur les trois dernières années, je n’ai pas eu de problème notable, témoigne-t-il. Bien sûr, il faut accepter quelques tâches, mais ce n’est pas préjudiciable, ni pour la quantité, ni pour la qualité. » Selon lui, la cadence optimale est de dix jours lorsque la pression est faible, et huit si elle devient très forte. « Le produit a par ailleurs une petite faiblesse sur l’oïdium, donc je complète avec un peu de soufre mouillable », avertit le viticulteur. Cette année, il est donc passé à 5 ha ainsi conduits. « J’y vais par étapes, car je ne peux pas me permettre de prendre un risque sur toute l’exploitation », avoue-t-il. En parallèle, il essaie les produits d’activation du sol de la firme (Nutrigeo, Alasso, FreeN100, Free PK), ainsi que des biostimulants foliaires (Stimulus SPE), de sorte d’avoir un programme complet. « Je m’aperçois que les vignes ainsi traitées sont moins stressées, assure-t-il. Le cycle ne s’arrête plus comme avant lors d’un coup de chaud ou de froid ; il est plus linéaire. »

La micro-algue d’ImmunRise n’a pas décroché en 2017

Un comparatif entre ses vignes témoins et d’autres ayant reçu les activateurs fait même état d'un ralentissement de l’expression des maladies du bois, de 25 %. Le résultat demande à être consolidé, mais le viticulteur a d’ores et déjà décidé d’étendre cette stratégie de nutrition à l’ensemble de ses 43 hectares. Un calcul financièrement équivalent, puisque les produits alternatifs sont remboursés par l’économie de phytos réalisée.

Seulement, pour Christophe Brandy, la transition vers un système moins dépendant des produits conventionnels devra passer par une multiplicité d’alternatives. Aussi, lorsqu’il entend parler de la start-up bordelaise ImmunRise et sa micro-algue prometteuse contre le mildiou en 2016, il saisit tout de suite la balle au bond, et demande à la tester. L’an dernier, il a été le premier à recevoir un flacon de la précieuse solution aqueuse brunâtre à l’odeur de truffe et de marée : de quoi traiter 10 ares en conditions réelles. Ce qu’il a fait tous les dix jours à l’aide de son pulvérisateur pneumatique, à la dose d’1 g/l, à 120 l/ha, et en association avec un soufre mouillable. Même si la pression a été faible jusqu’à fin juin, les premières contaminations sont apparues sur le témoin non traité en juillet, mais pas sur les vignes protégées avec l’algue. « À la fin de la campagne, le témoin était fortement impacté par le mildiou mosaïque, mais la modalité ImmunRise n’avait pas décroché », certifie le viticulteur, qui a également constaté un effet biostimulant, les feuilles étant plus vertes. L’efficacité de la micro-algue sera vérifiée en 2018 et 2019 par un consortium de viticulteurs bordelais et charentais dont il fait partie, baptisé Almamavi. Ce début de campagne semble d’ailleurs adéquat pour tester sa résistance, la pression mildiou étant maximale. « J’ai bon espoir pour que cela devienne une solution de substitution à moyen terme, commente-t-il. Mais il faut peaufiner le produit, et aussi que le législateur soutienne les PME qui innovent en biocontrôle, dans le processus d’homologation. »

Le viticulteur est toujours en veille, et se dit encore prêt à tester de nouveaux produits en développement, comme l’amibe de la société Amoeba qui en est actuellement à la phase de test in planta. Plus que de baisser son IFT personnel, l’objectif pour lui est aussi de prouver que des alternatives sont possibles, et de motiver ses collègues viticulteurs à aller dans cette voie. « Si nous étions plus nombreux à faire ce genre d’essais, la transition irait beaucoup plus vite », conclut Christophe Brandy.

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