Les truffes, une activité rentable et ludique
Au château de Coulaine, dans le Chinonais, la famille Bonnaventure a planté une centaine de chênes truffiers au milieu de ses vignes. Le revenu qui en découle reste modeste mais le faible coût d’entretien a permis de rentabiliser l’activité rapidement.
Au château de Coulaine, dans le Chinonais, la famille Bonnaventure a planté une centaine de chênes truffiers au milieu de ses vignes. Le revenu qui en découle reste modeste mais le faible coût d’entretien a permis de rentabiliser l’activité rapidement.
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Dynamiser la vente directe, développer les activités œnotouristiques : Jean de Bonnaventure ne manque pas de projets pour valoriser les truffes produites au beau milieu des vignes. « C’est comme trouver un trésor, s’enthousiasme-t-il. On a beau s’habituer, ramasser une truffe est toujours impressionnant. » Tout juste installé sur le domaine familial, situé à Beaumont en Véron, en Indre-et-Loire, il prend beaucoup de plaisir à suivre Justin Raimbault, caveur de profession, au moment de la récolte. L’expert passe quasiment toutes les semaines, de novembre à janvier, assisté par son Braque de Weimar et son Pitbull. Les premiers chênes truffiers ont été plantés dans les vignes du château de Coulaine en 2005. Ils dessinent à présent une belle haie, entre deux îlots de cabernet franc. Et cette année, ils ont permis aux vignerons de récolter 2,5 kilos de truffes. Dont un tiers est destiné au caveur, en paiement de sa prestation. La recette s’est étalée sur les quatre mois de récolte, pour une somme totale proche de 2 000 euros. « Vu les coûts d’entretien faibles, cela reste intéressant, estime le viticulteur. L’activité trufficole est depuis le temps complètement amortie. » Néanmoins, il recommande de s’assurer des débouchés avant d’entreprendre la plantation. En ce qui la concerne, la famille Bonnaventure vend à des restaurateurs déjà clients du domaine. Mais la truffe n’est pas toujours aussi facile à écouler qu’il n’y paraît. « Il arrive que les acheteurs en aient déjà suffisamment, via leurs courtiers, ou que l’on n’ait pas exactement le produit qu’ils recherchent, poursuit-il. Car ils sont très attentifs à la qualité, autant que sur le vin. » Pour fixer les tarifs, la famille se fie, entre autres, aux précieux conseils de son caveur. Il estime le prix des champignons en fonction de leur qualité. « Les truffes premium peuvent être vendues 1 000 à 1 200 euros le kilo, indique le professionnel. Mais si elles sont imparfaites ou gelées, le prix peut rapidement être divisé par deux. » Outre la qualité de la production, le cours dépend aussi de la période de l’année. « C’est juste avant Noël que les prix sont les plus hauts, car il y a une forte demande et peu de champignons mûrs », souligne-t-il. Puis, le tarif baisse en janvier, avant de connaître une nouvelle hausse au moment de la Saint-Valentin.
Développer la vente de produits truffés à la propriété
Pour planter leurs 300 chênes, les vignerons ligériens ont dû débourser près de 2 800 euros. « Mais hormis cela, l’entretien des arbres ne prend que quelques heures par an, note Jean de Bonnaventure. Ce qui fait que l’activité reste rentable, malgré la récolte modeste. » Il faut d’abord tenir compte de la taille annuelle des chênes, « que nous couplons avec celle de la vigne, précise-t-il. À trois employés, trois heures suffisent pour tous les tailler. » Vient ensuite l’arrosage, que les vignerons pratiquent depuis peu. « La truffe est une production fragile et sans eau, nous n’avions pas de production », raconte le jeune viticulteur. Pour pallier le déficit, ils arrosent tout au long de l’été toutes les trois semaines mais surtout au mois d’août s’il n’y a pas eu d’orage. Ce qui prend en général une demi-journée de travail. Le reste du labeur se fait au moment de la récolte. « Il faut accompagner le caveur, qui dresse ses chiens par la même occasion. C’est ce qui demande le plus de temps mais c’est très agréable. » Au total, le besoin de main-d’œuvre s’élève donc autour de 15 à 20 heures par an. Une activité tout à fait rentable pour le domaine. À terme, Jean de Bonnaventure souhaite développer les ventes de vins à la propriété en ouvrant un véritable caveau de dégustation. « Cela pourrait être l’occasion de vendre des produits truffés, tels que du beurre, envisage-t-il. On trouve souvent des choses très marquetées. Là l’intérêt, c’est vraiment que les gens sachent d’où viennent leurs produits. » La vente de truffes fraîches peut aussi se développer. Cependant, il faut faire attention à la durée de vie du champignon, qui tourne autour d’une semaine. « Cela demande des rotations rapides. Il faut être très vigilant là-dessus. » Enfin, il n’écarte pas d’inclure l’activité dans des prestations œnotouristiques. Pour dégager des revenus supplémentaires et surtout, inciter les visiteurs à acheter du vin. « Car s’ils ont de bons souvenirs sur le domaine, ils sont plus enclins à partir avec des bouteilles », estime-t-il.
Un compromis entre plantation traditionnelle et modernité
Convaincu par l’activité trufficole, Jean de Bonnaventure réfléchit déjà à planter d’autres arbres. « Car cela permet d’occuper des bouts de terrain trop petits ou trop gélifs pour accueillir des vignes, et dont on ne sait généralement pas quoi faire », observe-t-il. Outre les aspects économiques, il s’est pris d’un réel intérêt technique. Pourtant, les Bonnaventure ne se destinaient pas spécialement à l’agroforesterie. Mais les échanges avec Patrick Monnier et Hervé Lefort, de l’Association des trufficulteurs de Touraine, les ont incités à tenter cette expérience. De même que les discussions avec François Houette, du Syndicat de la truffe rabelaisienne. Ce dernier a réalisé les plantations et les a conseillés sur la taille des arbres. Il préconise un système de culture moderne, irrigué et à haute densité, alors que les chênaies traditionnelles sont plus espacées et nécessitent a priori un entretien moindre. « Vu le peu d’espace dont nous disposions à l’époque, nous avons opté pour un compromis avec le mode de culture traditionnel », indique le viticulteur. Les chênes ont été disposés tous les 1,20 mètre, en conservant un écart de 3 mètres entre la haie de truffiers et les vignes. Au moment de la plantation, Justin Raimbault recommande de pailler les jeunes plants à l’aide d’une bâche en plastique. Il déconseille le compost ou le bois raméal fragmenté qui peuvent provoquer la mychorization d’autres champignons, susceptibles de prendre le dessus sur la truffe ; ainsi que l’installation de la truffière à proximité de bois. Enfin, il faut bien anticiper le choix de la parcelle. Mieux vaut opter pour des sous-sols calcaires, assez drainants, selon le professionnel. « C’est ce qui fait tout l’intérêt de cette culture, assure Jean de Bonnaventure. Il faut vraiment qu’il y ait une interaction entre le sol, les arbres, le caveur et son chien pour obtenir de bons résultats. »
Château de Coulaine
AOC Chinon
Superficie 20 hectares
Encépagement Cabernet franc (17 ha) et chenin (3 ha)
Certification Agriculture biologique depuis 1997
Sols Argilo-calcaires et sablo-argileux
Rendements 35 à 40 hl/ha
Commercialisation Cavistes et CHR (60 %), export (35 %) et vente directe (5 %)
Prix bouteilles 10 à 22 euros départ caveau
Nombre de chênes truffiers 300 arbres répartis en deux plantations
Années de plantation 2005 à 2007
Production de truffes en 2016 2,5 kilos
Temps annuel dédié à l’entretien des chênes 1 journée + le temps passé à caver
Chiffre d’affaires trufficole en 2016 2 000 euros