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Demain
Les robots débarquent dans la vigne

Des robots intelligents vont-ils remplacer les hommes dans la vigne, pour un meilleur confort de travail et des gains de productivité accrus ? La science-fiction va-t-elle s'effacer devant la réalité ? Des robots tondeurs, épampreurs, lieurs, tailleurs existent déjà. Certains vont être prochainement commercialisés, d'autres le sont déjà. Reste à savoir si la société est prête à accepter la présence de machines, si sagaces soient-elles, au vignoble...

Le robot VIN de Wall-YE épampre et lie. La pré-série sera commercialisée en 2012.
Le robot VIN de Wall-YE épampre et lie. La pré-série sera commercialisée en 2012.
© D R

La robotique est pour la viticulture, un formidable levier de croissance. On va passer de l’ère de l’automatisation à la robotique sensible, avec des machines capables de réagir à leur environnement. Une partie de la viticulture n’est qu’un secteur de production de matières premières, où les gains de compétitivité se font essentiellement sur la diminution des coûts de production. Or, de vraies techniques innovantes comme la robotique vont permettre de gagner des points de marge ”, s’enthousiasme Olivier Zébic, directeur associé de Zébic SARL. Christophe Gaviglio, de l’IFV Sud-Ouest, n’en disconvient pas, même s’il se montre plus mesuré : “ la présence de robots autonomes au vignoble pourrait effectivement devenir une nécessité, engagés que sont les viticulteurs dans une course à la productivité. C’est une piste sérieuse et pertinente à envisager mais ce n’est pas encore une réalité de terrain.

Pourtant, dans d’autres secteurs de l’agro-alimentaire, la robotique est entrée dans les moeurs. En élevage, le robot de traite a depuis longtemps mis fin à cette longue et fastidieuse tâche pour l’agriculteur. Dans le secteur de la viande, un robot coupeur de beefsteak assure le travail de trois bouchers et est, en plus, capable d’opérer jour et nuit. La fabrication de biscuits, leur mise en boîte, sont couramment confiées à des robots. “ La généralisation de la robotique en agro-alimentaire est liée au volume de production traité, explique Christophe Guizard, de l’unité de recherche ITAP (information, technologies, analyse environnementale, procédés agricoles) à l’IRSTEA de Montpellier (ex-Cemagref ). Il n’est en effet pas concevable pour un industriel de trier des frites ou des grains de café un par un. De plus, la production est parfaitement maîtrisée. Et souvent les produits sont bien définis, ce qui facilite la robotisation des opérations.

Dans les fruits et légumes, on peut détecter l’invisible. “ Les capteurs embarqués sur le robot perçoivent des choses que l’oeil humain ne peut voir. Ils voient plus vite et plus de choses. Ils sont capables de détecter des défauts, telle la trace d’un choc sur une pomme, avant même que celle-ci ne soit visible à l’oeil nu. ” Des robots sont aussi en mesure d’effectuer la récolte de fruits aussi fragiles que des fraises. La société espagnole Agrobot a ainsi mis au point un robot capable de différencier une fraise mûre de celle qui ne l’est pas, de la prendre et de la poser, le tout en douceur et sans l’abîmer. “ Créer un robot vendangeur capable de se mouvoir de façon autonome et de prendre des décisions en fonction des images de la végétation qu’il perçoit serait techniquement tout à fait faisable ”, assure Christophe Guizard. C’est d’ailleurs l’objet des recherches d’un programme européen baptisé Clever Robots for Crops.

L’une des difficultés de ce projet est de faire évoluer un robot sur le terrain, explique Patrice Bedin, directeur marketing de Force-A, l’un des partenaires du projet européen. C’est autrement plus complexe qu’un robot à poste fixe. ” Une étape pourtant accessible. En effet, les militaires américains de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) ont lancé en 2004 un concours visant à mettre au point un véhicule susceptible d’aller d’un point à un autre, distant de 240 km, de manière complètement autonome dans un environnement réel, semé d’embûches.

Ce concours a été remporté en 2005 par l’Université de Stanford. La technologie est donc mûre mais est-elle acceptable socialement, accessible financièrement et existe-t-il un vrai besoin de la part des viticulteurs ? “ La robotique serait en train de révolutionner en douceur la viticulture ”, poursuit Christophe Guizard. Les solutions d’autoguidage sur le rang grâce à un système de caméras 3D, qui dispense le chauffeur du tracteur de la tâche d’alignement, sont très proches d’une automatisation de plus en plus intelligente. Des capteurs divers (Greenseeker, Lidar, ultrasons…), associés à la géolocalisation (GPS), sont autant d’outils générateurs d’informations et donc d’actions adaptées (guidage du tracteur, coupure automatique de tronçons de pulvérisateur, plantation, modulation d’intrant…), se rapprochant de la robotisation.

Cependant, certains ne considèreront pas qu’il s’agit de robotique, estime Christophe Guizard. Pour ces derniers, le robot est un automate intelligent capable de prendre une décision dans un univers évolutif. Une prétailleuse automatisée est-elle un robot ? Elle s’en approche puisqu’elle a besoin de vision, d’une certaine intelligence artificielle pour commenter les dispositifs mécaniques nécessaires à son travail. Je pense que c’est par ces automatismes intelligents que peu à peu la robotique va s’immiscer dans l’agriculture. Peu de recherches en fait, sont menées sur la mise au point d’un robot complet en agriculture car c’est un domaine complexe. D’aucuns travaillent sur la mobilité, les capteurs de caractérisation du végétal, la préhension, la taille, la récolte. Tout ce qui est nécessaire à la construction d’un “ véritable ” robot existe déjà et un jour, toutes ces technologies vont fusionner.

Elles fusionnent déjà, comme en témoignent les nombreux projets en cours. Aux Etats-Unis et en Nouvelle- Zélande, des chercheurs planchent sur des robots de taille. Ils devraient être opérationnels d’ici 2014. En France, un robot épampreur, lieur, ébourgeonneur sera commercialisé en ce début d’année 2012. À long terme, il pourra également tailler. Un autre robot, capable de tondre, est en gestation et devrait être prêt d’ici six mois à un an. Un prototype de robot vendangeur européen devrait quant à lui voir le jour d’ici quatre ans.  La demande sociétale pousse également les chercheurs et les industriels à trouver des solutions de plus en plus intelligentes. C’est le cas, par exemple, d’Ecophyto 2018. Comment en effet diminuer la dose de produit phytosanitaire appliquée, si ce n’est en appliquant les produits là où il faut et pas ailleurs ? Ont donc été mis au point des capteurs intelligents qui renforcent la précision de l’opération. Plusieurs firmes travaillent ainsi sur la création de pulvérisateurs dits “ intelligents ”.

Imaginer des robots dans les vignes ne relève donc plus de la science-fiction. “ Il y a néanmoins quelques verrous à lever pour assister à leur généralisation, estime Christophe Gaviglio. Quelle confiance accordera en effet le viticulteur à un robot qui travaille tout seul ? Il y a là un sacré pas à franchir. Et puis il faudra tenir compte du prix d’un robot. Pour qu’ils se multiplient dans les vignes, un contexte économique favorable est nécessaire. Ceux qui en auront besoin n’auront peut-être pas les moyens de se les payer. ” La question de la rentabilité de la robotisation doit être pensée pour chaque opération. “ À combien évalue-t-on le surcroît qualitatif en cave, lorsque l’on fait récolter sélectivement chaque grappe de raisin par un robot, questionne Patrice Bedin. Y a-t-il un retour sur investissement ? ” Pour d’autres travaux, comme la taille qui peut nécessiter jusqu’à 200 heures par hectare, la rentabilité d’un robot à 75000 euros travaillant avec la même constance d’efficacité 80 hectares par hiver, de jour comme de nuit, pose beaucoup moins question, lorsque le personnel vient à manquer. De même, un robot épamprant et liant pour 18250 € devrait rapidement pouvoir être amorti.

Retour sur investissement

Pour Christophe Guizard, la question de la réduction des coûts de production grâce à l’avènement de la robotique dans le vignoble n’est sans doute pas la seule et l’essentielle à laquelle doit répondre  la société. “ En 1986, le Cemagref de Montpellier, en partenariat avec le laboratoire LIRMM avaient mis au point Magali, un robot cueilleur de pommes, prémices d’un robot vendangeur, qui donnait de bons résultats. Mais celui-ci n’a connu aucun développement commercial, car à l’époque il a été considéré qu’il allait alimenter l’usine à chômeurs. Cette question de l’emploi doit donc être mise sur la table. ” Bruno Tisseyre, du Cemagref à Montpellier entrevoit un autre frein au développement aux robots, à savoir le service après-vente. “ Pour suivre ces engins, il faut des gens formés en conséquence. Dans un premier temps, les concessionnaires viticoles reculeront à la vente de tels engins, puisqu’ils n’auront pas de personnel qualifié ou n’auront pas de quoi les occuper à plein temps. ” Dernier frein, mais non des moindres : les risques de vol de ces automates, s’ils ne sont équipés d’aucun système anti-vol. “ Quoi qu’il en soit, conclut Christophe Guizard, ces robots restent des machines. Ce ne sont pas eux qui feront que le vin est bon.


CLAUDINE GALBRUN,

CLARA DE NADAILLAC,

LUDOVIC VIMOND

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