Les labels, opportunité mais source de confusion
Si les labels sont toujours un argument de vente efficace, leur multiplication sème le trouble dans la tête des consommateurs.
Si les labels sont toujours un argument de vente efficace, leur multiplication sème le trouble dans la tête des consommateurs.
« C’est un mouvement qui s’intensifie ces dernières années, de plus en plus d’acteurs construisent leur propre label, tous secteurs d’activité confondus », remarque Alain Jounot, directeur délégué à la fonction commerciale de l’Association française de normalisation (Afnor). La filière vin ne déroge d’ailleurs pas à la règle. Résultat, il existe une offre pléthorique de mentions, avec le risque d’une visibilité réduite pour le consommateur. Il faut dire que la notion de « label » est plutôt floue, et que créer son propre signe d’identification est relativement aisé. Pour Alain Jounot par exemple, parler de label est possible dès lors qu’un produit répond à un cahier des charges et à un contrôle, alors que pour son collègue Stéphane Delhoume, « ce terme est plutôt réservé aux démarches officielles ». Même à la DGCCRF, définir le cadre du mot ne coule pas de source. En attendant, de nombreux moyens sont utilisables pour se démarquer et tenter d’augmenter sa visibilité. Se faire certifier par des voies officielles, créer une marque privée, faire valider son cahier des charges par un organisme certificateur… Tout cela permet de déposer logo et mention sur une bouteille.
Une jungle de marques, labels et certifications
On se retrouve ainsi avec deux associations certifiant la biodynamie (Biodyvin et Demeter) dont les marques sont différentes ; des bios souhaitant se démarquer du label officiel (Bio Cohérence, Nature et Progrès, Bio Vin Solidaire…) et plusieurs niveaux de viticulteurs raisonnés ne voulant pas être confondus avec les conventionnels (Terra Vitis, Vignerons en développement durable, Qualenvi, HVE…). Au-delà de la confusion, se pose la question de la légitimité. « En théorie, il n’y a pas de contre-indication à créer son propre petit système de valorisation dans son coin », assure Alain Jounot. Ce qui voudrait dire qu’un cahier des charges aux exigences plus que simplistes n’est pas illégal. « La seule limite, c’est la crédibilité du consommateur. Mais accéder à la notoriété sera plus compliqué, car aucun organisme de certification sérieux n’accepterait de collaborer », poursuit le directeur.
D’un autre côté, certains opérateurs, pourtant reconnus, se retrouvent à la limite de la légalité. C’est le cas de l’association Nature et Progrès, qui a récemment fait l’objet d’une enquête. « La DGCCRF ne remet pas en cause notre marque collective, déposée à l’Inpi, explique Eliane Anglaret, présidente de la fédération nationale. Mais elle demande à nos producteurs n’ayant pas la certification officielle AB de ne pas communiquer sur l’aspect biologique. Alors même que notre cahier des charges est plus contraignant que celui du règlement européen ! »
À Bordeaux, la maison Bouey s’est engagée il y a quelques années dans la création d’un cahier des charges. « Au début, nous pensions créer un label non officiel "Éthique et Nature" pour le grand public. Mais les feedbacks ont montré que ce n’était pas pertinent, il y avait trop de confusion avec les autres signes distinctifs, avoue Stéphane Oudar, responsable communication et marketing. Mais nous avons poursuivi cette initiative qui nous sert à communiquer auprès de nos acheteurs professionnels. C’est un argument qui fait parfois mouche sur des marchés traditionnels ou au Benelux par exemple. »
Un bon argument de vente malgré la confusion
Gilles Bergon, au château de Cots, en Gironde, s’est lui aussi lancé dans une telle démarche. Ses produits portent dorénavant une collerette avec le logo « BioVinSolidaire » du Syndicat des vins bios d’Aquitaine. « Cette charte est intéressante car elle m’assure une rémunération juste, et au consommateur un produit de qualité », témoigne-t-il. Contrairement à la maison Bouey, ce label semble avoir trouvé une relative visibilité chez le consommateur, puisque Gilles Bergon a constaté une hausse des ventes sur certains marchés depuis la pose de la collerette. « Mais me démarquer des autres labels n’était pas vraiment le but. Je pense au contraire que l’on ferait mieux de se regrouper au lieu de vouloir tous tirer la couverture à soi. » Une vision que partage Jean-Marie Defrance, directeur France de la marque Demeter. « Il est clair que nous devrions aller dans le même sens. Avec Nature et Progrès, Simples et Bio Cohérence par exemple, nous souhaitons nous rapprocher car nous avons la même vision de ce que doit être l’agriculture biologique. Mais une marque commune est inenvisageable, car nous avons chacun nos spécificités et ne sommes pas en phase sur tous les points… » Dommage, estime Marc Dubernet, secrétaire général de Connaissance et Respect des Vins de France, association de consommateurs de vin. « On va un peu loin dans le système de labellisation. Il me semble que le principe perd de sa valeur, et je ne suis pas sûr que cela réponde aux besoins actuels. » Le seul moyen de mettre de l’ordre dans cette nébuleuse de dénominations serait que la filière prenne l’initiative de s’accorder et de travailler sur un modèle commun. « C’est ce qui s’est fait dans le BTP pour le label relatif à la responsabilité sociétale des entreprises. Les différents acteurs se sont mis autour d’une table dès le départ, et parlent aujourd’hui un même langage », indique Alain Jounot. Pourquoi ne pas laisser de côté nos sensibilités respectives et prendre exemple sur les autres filières ?
Si la notion de « label » est assez floue, on peut toutefois distinguer trois grands types de démarches menant à un signe d’identification :
Je ne fais pas attention aux mentions lors de l’achat
" Les seuls labels que je maîtrise sont ceux de l’agriculture biologique, Biodyvin et Demeter. J’ai des références certifiées Terra Vitis ou encore Qualenvi, mais je ne sais pas vraiment ce qu’il y a derrière. Trop de labels c’est ingérable pour nous, car il faut les connaître un minimum pour pouvoir répondre aux questions des clients. Dans le cas de l’agriculture raisonnée par exemple, je pense qu’il faudrait en garder un ou deux seulement. Par ailleurs, lorsque je me fournis, je ne fais pas attention aux mentions. J’achète le vin quand il me plaît. Et dans le choix de mes clients, le label ne pèse pas dans la balance dans la grande majorité des cas. "
(((Sindler)))
Je me mets à la place du consommateur, il est impossible de s’y retrouver
"De manière générale, lorsque l’on n’a pas un produit "clair", on a tout intérêt à noyer le consommateur. J’ai l’impression que c’est parfois ce qu’il se passe dans la filière vin. Pour moi, toutes les dénominations qui ne découlent pas d’une législation sont plus des publicités que des labels. Je me mets à la place du consommateur, il est impossible de s’y retrouver. Déjà qu’il existe des centaines d’AOC… Alors, certes, un signe distinctif peut être utile pour se démarquer sur le rayon d’un linéaire de grande distribution, mais le consommateur n’est pas plus renseigné pour autant. Pour preuve, lorsque je croise des gens que je connais au rayon vin de mon supermarché, ils me demandent de venir à leur secours ! "
(((Legrand)))