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Les canons à air chaud contre le gel, une solution de plus en plus crédible

Les premiers modèles de canons à air chaud n’ont pas forcément convaincu, mais l’idée revient, avec la promesse de meilleures performances.

Le système FrostGuard expulse de l'air chaud, que l'on sent encore quand on est à une trentaine de mètres de la machine.
Le système FrostGuard expulse de l'air chaud, que l'on sent encore quand on est à une trentaine de mètres de la machine.
© FiBL

Brûler du gaz pour réchauffer l’atmosphère en cas de gel n’est pas une idée nouvelle. Depuis plus de vingt ans, l’entreprise belge Agrofrost propose des solutions pour les cultures comme le FrostBuster et le FrostGuard. Avec plus ou moins de réussite. « Le tout premier que j’ai acheté, c’était un modèle FrostGuard S30, ne fonctionnait pas du tout. Il n’était pas assez puissant, témoigne Francis Blanchet, vigneron dans la Nièvre à Pouilly-sur-Loire. Mais le nouveau modèle baptisé B25, que je possède maintenant, est intéressant. »

Cette année, il l’a par exemple utilisé sur une parcelle carrée de 80 ares, avec une barrière de bougies sur les contours. Le système a été allumé dix jours d’affilée, avec des températures qui sont descendues jusqu’à -5 °C. Et le résultat a été tout à fait à la hauteur, puisqu’il a fait une récolte normale. Francis Blanchet possède deux de ces machines depuis quatre campagnes déjà, et les a utilisées tous les ans. L’une est reliée par des tuyaux à une bombonne de propane de 600 kg, en place pour la saison, l’autre est équipée de quatre bouteilles de 35 kg de propane. Cette dernière configuration se révélant moins commode lorsqu’il faut changer les bouteilles vides en pleine nuit.

Ne pas attendre que la température tombe trop pour allumer

Le vigneron compte une consommation de 12 kg de propane par heure pour le moteur de la turbine ainsi que le brûleur. Un canon à un mètre du sol souffle l’air chaud, et la machine effectue de lentes rotations. « Avant de réchauffer l’air, le but est surtout de l’assécher, explique le vigneron. Je l’allume quand la température atteint 1,8 °C. Si l’on attend 0 ou -1 °C, c’est perdu d’avance, comme les éoliennes. » Francis Blanchet ne regrette pas son investissement. Qu’il trouve, à 8 000 euros la machine, somme toute assez raisonnable. « Je n’ai pas opté pour la mise en route automatique, qui est plus onéreuse, mais c’est simple d’utilisation et facile à déployer, je n’ai qu’à l’atteler sur le tracteur », rapporte-t-il.

Plus récemment, c’est le Heat Ranger qui a débarqué dans l’Hexagone, tout droit venu de Nouvelle-Zélande. Le seul exemplaire français est toujours en Charente, sur l’exploitation de François-Xavier Cornette. Mais quatre nouvelles machines vont faire leur apparition au printemps 2022 dans le Bordelais. Après quelques perturbations à cause du Covid et un imbroglio avec la société angevine Debernard, ce seront finalement les établissements Bortolussi et Fils, à Saint-Émilion, qui assureront la distribution et le service après-vente du Heat Ranger en France.

Des nuisances limitées et un coût similaire aux éoliennes

Un élément important pour éviter les mauvaises surprises, comme ce fut le cas pour François-Xavier Cornette cette année. « Il y a eu un problème mécanique à l’allumage, le démarreur était mort, relate-t-il. J’ai donc eu un peu de dégâts sur la première nuit. » Un bilan qui n’est de facto pas positif cette année. Ce qui n’a pas empêché le viticulteur de voir de belles choses les sept nuits de gel suivantes et de sauver un peu de récolte sur ses 10 hectares protégés.

Il en a profité également pour mieux le prendre en main, et a observé que la machine était finalement davantage efficiente lorsqu’elle était placée en partie basse de la parcelle. « Et cela m’a conforté dans l’idée que le système me convient. L’investissement est comparable à des éoliennes, sauf qu’on ne l’entend pas et qu’on ne le voit pas, relate François-Xavier Cornette. Quant au coût de fonctionnement, cela me revient à 80 euros par heure de gaz. Il ne manque que des capteurs d’humidité pour l’améliorer. »

En Gironde, la société Polypoles spécialisée dans la climatisation et le chauffage, a créé en 2021 la machine Ventigel, pour offrir une solution contre le gel « pas chère et facile à mettre en place » à ses clients vignerons. « Il s’agit d’une machine mobile montée sur un châssis trois points, dans lequel on a inséré un chauffage au fuel d’une autonomie de 15 heures. C’est une sorte de gros sèche-cheveux qui suit un axe de rotation allant de 0° à 360°, et qui fonctionne à l’électricité », explique Pierre Perrinet, gérant de la société Polypoles.

Une protection au rendez-vous même par un gel à -5 °C

Philippe Ferrier, vigneron au Château Duplessis, en Gironde, a aidé à mettre au point l’engin qui en est déjà à sa troisième version. « Un appareil permet de protéger 2 à 2,5 hectares. À l'insta des tours, la protection est optimisée lorsque l’on met deux appareils face à face », indique le vigneron. Il déclare avoir fait son rendement habituel, soit « entre 35 et 50 hl/ha » sur les surfaces ainsi protégées alors que la température est descendue à près de -5 °C.

Ventigel est une sorte de gros sèche cheveux positionné sur un mât de 4 m. Le chauffage dans le châssis est au fuel, tandis que l'engin est actionné par électricité.

« Sur l’une de mes parcelles, la machine est tombée en panne dans la nuit. Je n’ai récolté que 10 hl/ha », complète le vigneron. Pour alimenter l’engin en électricité, plusieurs options sont possibles. On peut tirer une ligne depuis le bâtiment, ou demander à Enedis de mettre un compteur de chantier à proximité de ses parcelles. Pour sa part, Philippe Ferrier a loué cinq groupes électrogènes chez Kiloutou. « Les groupes m’ont coûté entre 80 et 100 euros par hectare, l’électricité autour de 2 euros par heure par machine, et j’ai consommé environ 10 litres de fuel par heure », calcule-t-il. La machine est commercialisée 25 000 euros HT en direct. « Pour moi, c’est le meilleur rapport qualité/prix. L’année prochaine, j’en aurai dix », relate le vigneron. Le groupe Euralis s’est positionné pour en assurer la distribution en Nouvelle-Aquitaine. La société Polypoles indique avoir une vingtaine de commandes, et prévoit de fabriquer 150 à 200 Ventigel par an d’ici 2023.

Mickael Paetzold souhaite se positionner sur le créneau

L’entreprise Michael Paetzold annonce pour 2022 la sortie d’un canon à air chaud pour lutter contre le gel, qui sera fabriqué et distribué par la société française. « Le principe est de souffler au moyen de ventilateurs puissants une masse d’air réchauffée par un brûleur, pour lutter ainsi contre tout type de gel », explique Fabrice Delaveau, directeur général de la firme. Ce système a la forme d’un canon sur une tourelle, et peut tourner à 360°.

en bref

Efficacité Assez efficace contre tout type de gel. La surface protégée diminue avec la température et le vent.

Bilan carbone 12,9 t CO2 eq/ha/an pour la combustion de gaz selon le guide 2019 Viticulture durable en Champagne

Coût Investissement compris entre 7 000 et 15 000 €/ha. Frais de fonctionnement estimés à 300 €/ha/an.

Tous les articles de notre dossier Gel 2021 : les tops et les flops

 

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