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Le portage foncier pour lancer l’exploitation

En 2013, Olivier Videau a signé une convention de portage foncier sur 7,5 hectares de vigne. Aujourd’hui, son portage est arrivé à son terme et il vient de racheter les terres. Il analyse en quoi cet outil lui a permis de mieux lancer son installation hors cadre familial.

Après un BTS en viticulture et quinze années d’expérience professionnelle comme ouvrier viticole sur trois propriétés girondines, Olivier Videau songe à s’installer. Tout en restant salarié de l’exploitation où il travaille depuis près de dix ans, il amorce son projet dès 2006 en reprenant 3,5 hectares de vignes en fermage et en rachetant un hectare, sur la commune d’Arveyres. L’installation étant hors cadre familial, la question cruciale de l’accès au foncier s’est vite posée, précise-t-il. En 2012, le projet s’affine avec l’aide d’Unitivis, la coopérative qui réceptionne la vendange de l’exploitation où il travaille. À dix kilomètres de chez lui, un coopérateur, qui prépare sa retraite, souhaite céder une parcelle de vigne en production de 7,15 hectares plantée en merlot à 4 200 pieds par hectare. Olivier Videau s’engage sur la piste du portage foncier. "Cette solution, qui permet de différer dans le temps l’achat du foncier, me laissait en effet cinq ans pour créer une trésorerie et me lancer progressivement comme chef d’exploitation", analyse-t-il.

Dans la pratique, c’est la Safer qui acquiert le foncier et pendant toute la durée du portage, l’exploitant lui verse un loyer mensuel qui vaut acompte sur le prix. Quand le portage prend fin, l’exploitant achète les terres. La somme qu’il verse alors correspond au prix des terres, déductions faites du montant cumulé des "avances" versées pendant le portage.

Un loyer équivalent à un fermage

La convention tripartite entre Olivier Videau, la Safer et le Conseil départemental est signée en juillet 2012. "Dans mon cas, ajoute Olivier Videau, le montant du loyer mensuel du portage équivalait à un fermage, soit environ un tonneau par hectare." Portant sur cinq ans, le portage d’Olivier Videau est arrivé à son terme en juin 2017. Pour le rachat, il a souscrit un emprunt bancaire de 97 000 euros, à 1,99 %. "J’ignore si la banque m’aurait suivi sans le portage et si les conditions auraient été les mêmes, indique-t-il. J’ai emprunté sur vingt ans pour avoir des remboursements équivalents à ceux du portage. Bien sûr, je peux réviser la durée du prêt si je sens que c’est envisageable. "

Le portage foncier a donc permis à Olivier Videau de différer son emprunt foncier mais aussi de le réaliser sur 83 % du montant du coût total car le portage lui avait déjà permis d’en payer 17 %. Autre avantage, les intérêts d’emprunts (35 000 euros) ont été pris en charge par le Conseil départemental. Quant aux frais notariés liés au rachat, soit 3 000 euros, ils ont été payés par la Safer. À noter que cette disposition est réservée aux jeunes agriculteurs.

La capacité d’investissement mieux répartie

Ce dispositif a permis à Olivier Videau de concentrer sa capacité d’investissement sur d’autres postes de charges. "Je n’ai pas eu à investir dans les vignes car elles étaient en bon état, relate-t-il. Mais j’ai acheté, via un emprunt et pour 45 000 euros, le bâtiment situé sur la parcelle puisque la Safer n’inclut pas les bâtiments dans le portage." Côté matériel, il a aussi sauté le pas. "Avant mon installation j’avais acheté un premier tracteur et du matériel était mis à ma disposition, note-t-il. Lors de mon installation, j’ai acheté d’occasion, et grâce à un emprunt, un second tracteur, un pulvérisateur, une rogneuse et un girobroyeur. Le tout pour près de 20 000 euros. Pour cet investissement, j’ai obtenu une aide de la région au titre de mon installation jeune agriculteur hors cadre familial."

En 2016, Olivier Videau remplace son vieux tracteur pour un autre, avec cabine fermée et climatisée, et achète un pulvérisateur neuf. Soit un investissement de 40 000 euros, là aussi financé avec un emprunt. Puis en 2017, pour 10 000 euros, il acquiert, en autofinancement, une herse rotative et un intercep. Pour ce dernier investissement, il a déposé un dossier de demande de soutien financier au titre du dispositif régional Agriculture respectueuse de l’environnement (AREA).

Cinq ans après son installation, et malgré une récolte 2013 très faible, l’analyse comptable fait ressortir des résultats encourageants et surtout cohérents avec l’analyse avant l’installation, qui validait la viabilité du projet. "Disons que ça ne va pas trop mal, commente prudemment Olivier Videau. Sans la récolte 2017, qui s’annonce à 20 ou 30 % du rendement suite au gel, on aurait tout de même été plus sereins."

Pour le moment l’exploitation ne génère pas plus de 800 euros de revenus mensuels, mais comme l’explique Olivier Videau, son installation est avant tout un projet familial. "J’ai en effet la chance que mon épouse gagne bien sa vie. C’est aussi pour cela que je me permets d’investir."

Et demain ? Pas d’autres investissements en vue ni d’agrandissement car pour le moment, il prévoit de continuer à travailler seul sur son exploitation. Mais pour sécuriser son activité, il envisage sérieusement de souscrire une assurance "gel". Actuellement, il n’est assuré que contre la grêle…

Pour le moment l’exploitation ne génère pas plus de 800 euros de revenus mensuels, mais cette installation est avant tout un projet familial.
repères

Installation début 2013
Superficie 12 hectares en bordeaux et bordeaux supérieur sur deux communes girondines Arveyres et Moulon
Mode de faire valoir 3,5 hectares en fermage, 1 hectare acheté en 2006 et 7,5 hectares acquis en 2017 via le portage foncier
Début du portage 2013, pour un peu moins de cinq ans
Masse salariale l’exploitant travaille seul et fait appel à un groupement d’employeurs ou à une entreprise de travaux pour la main-d’œuvre occasionnelle
Valorisation la récolte est livrée à la coopérative Univitis et Saint-Pey Genissac

avis d’expert

Michel Lachat directeur départemental de la Safer Gironde

"Le portage fluidifie des dossiers un peu tendus"

"Le portage permet de démarrer l’exploitation des terres avant d’avoir à en supporter le coût d’investissement. Ceux qui s’installent ont le temps de mettre en place leur exploitation. Pour les coopérateurs, cette entrée en jouissance anticipée permet de démarrer le remboursement de l’emprunt une fois que les restitutions versées par la cave sont arrivées à taux pleins. Pour les vignerons en cave particulière, le portage leur laisse 3 ou 4 ans pour constituer un stock, si bien que le remboursement de d’emprunt démarre quand la commercialisation est vraiment lancée. Dans tous les cas, le portage permet aussi de préserver une capacité d’investissement pour s’équiper et se mettre aux normes. Attention toutefois à ne pas s’emballer sur ces investissements puisque au bout de cinq ans, il faut intégrer le futur remboursement foncier. En résumé, cet outil évite un trop grand déséquilibre du compte d’exploitation pendant les premières années.

À la signature, l’exploitant s’engage à acheter les terres au terme du portage mais aussi à les exploiter "en bon père de famille" pendant le temps du portage. Il apporte cette garantie de "bonne fin" en fournissant une caution bancaire à hauteur de 20 % de la somme des biens en portage. Tout au long du portage, des suivis économiques, techniques et comptables s’organisent en collaboration les partenaires et le banquier. Cela dit, il est illusoire de penser que le portage pourrait financer des projets sans une certaine capacité financière. La seule limite à l’intérêt de ce dispositif, c’est le risque de remontée des taux bancaires pendant la durée du portage. Dans ce cas, cette solution n’est pas forcément pertinente. De même, lorsqu’un porteur de projet s’engage avec une garantie financière suffisante ou une certaine sécurité liée à son activité. On ne cherche pas à "vendre " le portage à tout prix."

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